Consigne: augmentation du retour en argent en deux phases

Depuis le 1er novembre, toutes les bouteilles et les canettes sont passées à 10 cents pour la consigne. Si les supermarchés à grandes surfaces de plus de 375 mètres carrés n’ont pas le droit de refuser les consignes, ceux de moins de 375 mètres carrés ont le choix de prendre ou non les consignes, à condition que le commerce l’affiche.

Cette mesure incitative est pour augmenter le taux de récupération. « Avec l’ensemble des partenaires de la chaîne de récupération, nous mettons tout en œuvre pour accueillir de nouveaux volumes et hausser le taux de récupération de 73 % à 90 % à terme », signale Normand Bisson, président-directeur général de l’Association québécoise de récupération de contenants de boissons (AQRCB).

Actuellement, quelque 2,5 milliards de contenants de bière et de boisson gazeuse sont visés par la consigne. À terme, le nombre de contenants de boisson consignés grimpera à environ 5 milliards.

La modernisation de la consigne se déploiera en deux phases. Celle du 1er novembre dernier où la consigne a été élargie à toutes les boissons vendues dans des contenants d’aluminium de 100 ml à 2 litres.

Au 1er mars 2025, la consigne s’élargira à la totalité des contenants de boisson de 100 ml à 2 litres en aluminium, en verre, en plastique ou multicouches, comme les bouteilles de vin et de spiritueux, les bouteilles d’eau et les cartons de lait ou de jus.

Au Marché de la vallée à Sainte-Geneviève-de-Batiscan, on a fait le choix de se soustraire au retour des consignes comme pour tout établissement de moins de 375 mètres carrés. « C’est une gestion de moins pour nous ici, indique Stacy Claveau. On avait affiché les trois endroits les plus proches qu’on suggérait. »

Seulement quelques clients ont décidé de bouder le petit marché depuis qu’on n’y reprend plus les bouteilles vides. « Il y a eu des mécontents. Ils ne viennent plus acheter ici vu qu’on leur charge la consigne mais qu’on ne les reprend plus. Ils vont dans des endroits où ils acceptent les retours. Sinon, outre ça, je n’ai pas vu de différence tant que ça côté clientèle et achalandage. »

Des capacités d’entreposage limitées

Au Dépanneur du carrefour dans le secteur Saint-Louis-de-France, Virginie Larouche, copropriétaire avec sa sœur Marie-Claude, a décidé elle aussi de se prévaloir de l’option de ne plus reprendre les contenants consignés. « Mon entrepôt est minuscule, je n’ai pas de place pour stocker », dit-elle.

Il s’agissait aussi possiblement d’une occasion unique de se retirer du programme des retours de consignes. « Dans quelques années, tout va devenir consigné. »

Elle avait aussi remarqué que ses clients avaient modifié leur comportement depuis les quelques mois de la crise sanitaire où plusieurs détaillants ne reprenaient plus les bouteilles et cannettes.

« Depuis la pandémie, j’en avais de moins en moins. Les gens ont pris l’habitude de ramener leurs bouteilles dans les épiceries », constate-t-elle.

C’est aussi en raison de l’espace manquant que le Marché du boisé a décidé de cesser la prise des retours. « Le gouvernement n’a pas été clair dans l’instauration et on se rend compte que les clients n’ont pas été informés. Ici, on avait le choix dire qu’on embarque ou non, puisqu’on était à moins de 4000 pieds carrés. Par contre, on était déjà à pleine capacité d’entreposage avec nos bouteilles vides alors si je disais oui, ça venait augmenter notre volume parce que plusieurs dépanneurs ont dit non. Je ne pouvais pas, faute d’espace », confie Julie Lemieux, propriétaire de l’endroit.

« Les clients n’ont pas eu l’information et plusieurs pensent que c’est notre décision à nous, qu’on s’est dit bon débarras! La réalité, c’est qu’on nous a imposé ça et ici, on n’aurait pas pu continuer. Dire oui, on devait s’inscrire sur la liste, donc on pourrait prendre de tout, n’importe quand, alors qu’avant, on avait un contrôle sur nos bouteilles vides. Bref, depuis que c’est instauré, je dois expliquer à chaque client pourquoi on ne les prend plus. Mes employés aussi doivent l’expliquer constamment parce que le gouvernement n’a pas fait de campagne pour expliquer à la population en quoi consistaient vraiment les changements. »

Pour ce qui est des impacts immédiats en épicerie, le discours était identique dans trois grandes chaînes de la région: « Pour le moment, on n’y voit pas vraiment de différences parce que la majorité de nos opérations se font par machines distributrices, qui elles, ont été programmées, tout simplement, lancent-ils. Les impacts vont peut-être se faire sentir dans un an lorsque les bouteilles d’eau deviendront consignées et les cannes de tous genres. Là, c’est sûr qu’on va devoir s’ajuster non seulement avec l’espace en entrepôt, mais aussi sur la manipulation des retours. » 

Le directeur des affaires publiques à l’Association des détaillants en alimentation du Québec Samuel Bouchard, indique que le changement s’est bien déroulé, mais que le défi sera en 2025 alors que la consigne sera élargie à tous les contenants, comme le carton de lait.

« Dans votre région, on a remarqué que les premières semaines étaient un peu plus intenses avec l’accumulation des consignes par les clients. Il y avait plus de gens en magasin pour les retours des contenants. Il y a eu aussi certains clients retardataires qui étaient frustrés de voir que leurs canettes de 20 cents étaient maintenant à 10 cents. Le défi à court terme est de s’adapter à ce changement qui semble assez anodin pour les consommateurs. À l’échelle du Québec, certains détaillants reçoivent de deux à trois fois plus de contenants, alors la logistique est différente. Il faut avoir des entrepôts. Certains détaillants de votre région se sont mis ensemble pour des entrepôts extérieurs. D’ailleurs le centre de dépôt au Cap-de-la-Madeleine est un bon exemple comment les détaillants peuvent se serrer les coudes. »

« Le vrai défi pour nous est à la deuxième phase, ajoute M. Bouchard. Le message qu’on lance est est-ce que ce sera salubre d’avoir du verre concassé ou un carton de lait souillé dans un marché d’alimentation? On en doute fortement. On prévoit plus de 1500 centres de dépôt au Québec, mais à 15 mois du changement il n’y en a pas un de construit. On ne souhaite pas à ce que ce soit dans les magasins, ça sera difficile pour la logistique d’espace et tout ce qui concerne la gestion de la salubrité. On a de gros enjeux pour la deuxième phase et on veut faire partie de la solution pour ne pas voir de désagrément autant pour les détaillants que pour les consommateurs. »

L’expérience d’un centre de dépôt

Différents projets-pilotes ont été mis de l’avant en juillet 2021 à neuf endroits au Québec pour la création d’un centre de dépôt des consignes, dont au Cap-de-la-Madeleine. L’objectif était de tirer des leçons en vue de l’élargissement des consignes depuis le 1er novembre dernier. 

Plusieurs citoyens semblent aimer cette initiative inclusive qui accueille une main-d’œuvre diversifiée. Le rapport final fait état que le centre de dépôt manque de superficie ou d’équipement de manutention pour traiter le volume actuel (capacité de stockage).

Le centre de dépôt a besoin de plus d’espace pour réaliser les activités de récupération. Il ne pourra tout simplement pas accueillir la grande quantité de contenants de boisson qui seront rapportés lors de l’élargissement de la consigne. Ce centre de tri devrait également être doté d’équipements adéquats ou apporter les changements nécessaires à la manutention de grands volumes de contenants de boissons récupérés : un chariot élévateur; étagères pour le rangement; un accès facilité au quai de chargement; et un niveleur de quai de chargement.

Les citoyens peuvent consulter la cartographie des lieux de retour sur le site www.consignaction.ca.