Un prêtre trafiquant de drogue

Les prêtres pédophiles font la manchette depuis des années. Mais un prêtre « pusher »? Disons que ça ne court pas les rues.

L’un d’entre eux a couru les rues de Montréal dans les années 40, celles du « Red Light », de la « Main » et des clubs contrôlés par la mafia où se donnaient en spectacle les Charles Aznavour, Luis Mariano, Charles Trenet et beaucoup d’artistes québécois comme Denise Filiatrault et Murielle Millard.

On vivait la grosse vie à Montréal avant l’arrivée du maire Drapeau : bordels, maisons de jeu, rackets, campagnes électorales infiltrées par la mafia.

Dans un presbytère de la paroisse Ste-Madeleine d’Outremont, le vicaire Joseph-Arthur Taillefer participait allègrement à l’éclosion de l’héroïne au sein des familles montréalaises. Son rôle : faire le pont entres fournisseurs et acheteurs. Ces gens-là appelaient directement au presbytère pour «faire des affaires » avec le prêtre. Pas scrupuleux pour deux sous, le représentant de Dieu entreposait même des échantillons d’héroïne au presbytère. Il trempait également dans le commerce d’obligations volées.

Voici une conversation typique de l’abbé telle que rapportée par l’auteur Jean-Pierre Charbonneau dans son livre La filière canadienne :

-As-tu les obligations volées dont tu m’as parlé?

-Non, répond l’abbé, Laprès est venu les chercher ainsi que l’héroïne.

Ou encore :

-Je suis d’accord pour organiser une nouvelle transaction d’héroïne et, cette fois, je serai le seul intermédiaire.

Naïf, l’abbé Taillefer couche parfois ses réponses par écrit. À ne pas faire quand on trempe dans des affaires pas trop catholiques. Encore mieux : l’abbé cache sous une pierre à la cathédrale la clé donnant accès à l’héroïne dissimulée dans un casier de la gare centrale.

Presbytère, cathédrale, l’abbé Taillefer ne se privait pas pour utiliser les bâtiments de la religion catholique à des fins illicites.

Le vicaire a vécu sa vie parallèle jusqu’au jour où un homme du réseau a décidé de le balancer à la police de Montréal. Une longue enquête débute: écoutes téléphoniques, filature et assignation d’un agent secret sur les talons du prêtre. À son insu, l’abbé permit aux enquêteurs de remonter la filière jusqu’au nouveau parrain de la pègre montréalaise, Vincenzo Cotroni. Mieux : jusqu’à la mafia de New York. Au milieu de la filière se trouvait le pauvre abbé Taillefer.

Un jour, ayant accumulé suffisamment de preuves contre lui, les policiers procédèrent à son arrestation.

L’abbé Taillefer le faisait-il par besoin de se distraire ou s’était-il laissé emporter par le déluge de vices qui inondait le Montréal de l’époque? Nul ne peut y répondre.

Plaidant coupable suivant le conseil d’un caïd de la drogue qui lui promettait 10 000$ à sa sortie de prison, le vicaire écope deux ans de pénitencier, purgés à Bordeaux, et 3000$ d’amendes.

Mis au parfum du scandale, l’évêque de Montréal avait aussi prié l’abbé Taillefer de plaider coupable, sûrement pour éviter que l’affaire ne traîne trop longtemps dans les médias.

Sa peine purgée, le vicaire a pris le chemin de la vie laïque. C’était le vœu de l’évêché.

L’histoire est racontée sous le titre « Un prêtre et son péché » dans le livre de Jean-Pierre Charbonneau. Un bouquin à lire pour ceux et celles qui s’intéressent au monde interlope d’avant les années 80. L’abbé Taillefer a aussi écrit sa propre histoire aux éditions Stanké.

Cet article s’inscrit dans la série Histoires de crime qui renferme faits divers, procès célèbres et récits d’espionnage dont les archives se trouvent au www.lhebdojournal.com, actualités, sous-onglet justice.

 

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