Sauvagement assassiné à Paris

Françoise sa meilleure amie l’avait pourtant prévenu, mais le musicien ne l’a pas écouté. Il aimait trop les jeunes rebelles vêtus de cuir noir, façon James Dean ou Marlon Brando.

Mars 1983. Le compositeur québécois Claude Vivier fait une rencontre dans un quartier de Paris. Il retourne à son appartement accompagné d’un jeune homme.

Les jours suivants, Françoise tente de lui téléphoner. Pas de réponse. Inquiète, elle marche jusque chez lui. Elle cogne. Pas de réponse. À bout de nerfs, elle se précipite au bureau de gendarmes le plus près. On la taquine. Peut-être valait-il mieux laisser l’homme vivre sa vie. Elle insiste. Un gendarme finit par céder et l’accompagne jusqu’à l’appartement de Claude Vivier.

Une fois sur les lieux, il demande à la femme d’attendre sur le trottoir. Il revient au bout de quelques minutes. Il est dans tous ses états. Il supplie la femme de ne pas monter. Pour la dissuader, il avoue que jamais de sa vie il n’avait vu un meurtre aussi crapuleux.

Peu de temps après, la police française procède à l’arrestation d’un jeune homme. Le type était homophobe.

Douze ans plus tard, la femme confia à l’auteur de cet article que le crime avait été particulièrement violent. Tout l’appartement était sens dessus dessous, signe qu’il y avait eu une violente bagarre.

Vivier n’avait que 35 ans.

Extravagant

Fasciné par le personnage de Claude Vivier, j’avais personnellement mené des recherches sur le compositeur québécois, ce qui m’avait permis de rencontrer cette Françoise. Elle m’avait parlé du compositeur. « On prenait un café quelque part et Claude ne pouvait s’empêcher de reluquer des jeunes garçons, souvent habillés en noir. Je lui disais : « Claude, tu joues avec le feu! » Mais il faisait à sa tête. » La nouvelle du meurtre avait vite fait le tour de la communauté musicale de Montréal. Il faut dire que Claude Vivier était un être plutôt attachant. Grand, jovial, doté d’un rire qui tapait sur les nerfs de bien du monde, le compositeur avait une façon bien à lui de se comporter. Il ne passait pas inaperçu. Excentrique, il portait parfois des robes. Un cinéaste anglophone a réalisé un film sur la mort violente de Claude Vivier. Ce fut un flop! Qualifié de médiocre, le film a été rejeté par la famille et les proches du compositeur.

De calibre international

Inconnu du grand public, Claude Vivier est une icône en musique contemporaine. Un musicologue de Londres prépare une biographie sur le compositeur québécois. Des journalistes d’Amsterdam et d’autres capitales européennes ont débarqué à Pont-Viau, quartier de Laval, pour voir de près l’environnement dans lequel le musicien avait grandi. La compagnie de disques Philips a déjà mis un coffret des œuvres de Vivier sur le marché. Même si le musicien était de calibre mondial, sa musique était difficilement accessible pour le commun des mortels. Lors d’un concert de l’Orchestre symphonique de Laval, les auditeurs quittaient progressivement la salle à l’écoute d’un morceau de Vivier. Ils étaient déroutés.

Coïncidence étrange

Un an après l’assassinat de Vivier à Paris, le dramaturge québécois René-Daniel Dubois écrivait sa fameuse pièce de théâtre Being at Home with Claude. Il raconte l’histoire d’un homosexuel qui poignarde son amant à mort après une relation sexuelle. Le rôle de l’homosexuel fut campé au cinéma par Roy Dupuis. Vous savez, le film ou Dupuis échange tout le long avec l’acteur Jacques Godin dans la peau d’un enquêteur? De mémoire, Dupuis porte une veste en cuir noir. Je n’ai ni lu ni entendu que l’histoire de Dubois prenait sa source dans l’assassinat de Claude Vivier à Paris. Mais avouez que la coïncidence est étrange.