L’époque où les femmes avaient le pape à leurs pieds

On connaît les papes guerriers du temps des croisades, on connaît les papes meurtriers du temps de l’Inquisition, mais peu d’entre nous connaissent l’histoire des papes au sang chaud.

Au milieu du Moyen Age, un réseau de femmes gravitait si près des papes à Rome qu’on leur attribua un rôle majeur dans les affaires du Vatican*. Certains historiens les qualifièrent de femmes débauchées manipulant les papes à leur guise. D’où l’origine du mot « pornocratie » (le sexe au pouvoir) pour désigner la période des années 904 à 964, ce qui inclut une longue lignée de 12 papes. À la tête du réseau se trouvait une certaine Théodora et ses deux filles Marozie et Théodora la jeune.

Concubine du pape

Mariée à un sénateur romain, Théodora était aussi la concubine du pape Serge III. Un évêque historien de l’époque la décrivit comme une « prostituée éhontée…qui a exercé le pouvoir sur la communauté romaine comme un homme. » Le sénateur se servait de sa femme pour placer sur le trône pontifical des hommes prêts à le servir. Ces marionnettes, bien entendu, n’avaient aucune compétence pour exercer la papauté. Ce fut le début d’une longue période marquée par les complots, l’intrigue politique, le sexe et le meurtre.

Maîtresse du pape à 15 ans

Ambitieux et privé de tout scrupule, le sénateur exigea que sa propre fille Marozie devienne la maîtresse du pape Serge III…qui était déjà l’amant de sa femme! Donc la fille et la mère se partageaient le même homme! Sans compter que Marozie était plutôt jeune. Son âge? 16 ans disent les uns, 14 disent les autres. On va s’entendre pour 15! Des nuits chaudes de la belle Marozie et du pape Serge III naquit le futur pape Jean XI. Le fils jouera plus tard un rôle majeur dans la destinée de sa mère.

Le réseau se forme

Tirer les ficelles dans l’ombre, le bon vieux père sénateur demanda à Marozie de marier un membre de son clan, un certain Albéric. L’objectif des deux hommes: faire tomber le pape alors sur le trône. Rien de plus facile. La belle Marozie et Albéric feront équipe! Formant une milice, ils attaquent Rome et déposent le pape qu’ils jettent en prison où il mourut. La rumeur veut qu’il ait été étouffé par un oreiller. Maîtresse de Rome, la belle Marozie contrôlait les papes avant d’imposer son propre fils, Jean XI, qui n’avait que 21 ans. Celui-ci retourna l’ascenseur à sa mère en l’aidant à devenir la première femme de l’histoire à hériter du titre de patricienne à Rome. Un titre très prestigieux à l’époque. Albéric et Marozie eurent un fils, Albéric II. Il avait un gros défaut. Il aimait le pouvoir comme ses parents. Dès qu’il le put, il fit arrêter sa mère en pleine cérémonie de mariage (elle aimait se marier) et la jeta au cachot où elle mourut. Triste fin pour Marozie. Le très sérieux historien britannique Edward Gibbon écrivit : « L’influence des deux sœurs prostituées, Marozie et Theodora la jeune (elle aussi participait au party!), se fondait sur leur richesse et leur beauté, ainsi que sur leurs intrigues politiques et amoureuses : les plus vigoureux de leurs amants se voyaient récompensés par la mitre d’évêque de Rome et leur règne peut avoir suggéré dans les âges sombres la fable de la papesse. »

L’Antéchrist

La progéniture de la belle Marozie n’est pas à proprement parler « catholique » si vous me passez l’expression. Son petit fils le pape Jean XII fit montre d’un comportement si scandaleux que certains chroniqueurs de l’époque lui collèrent le terme « Antéchrist » à la peau. L’homme préférait la chasse, la guerre, les festins et la sexualité à son rôle de pape. Il fut même accusé de meurtre, d’adultère et d’inceste. Il serait mort tué par un homme jaloux ou victime d’une attaque en pleine séance d’adultère. On dit même que le diable en personne aurait eu sa peau. Trois papes furent des descendants de Marozie.

Manipulation

Il ne faut pas oublier que le terme pornocratie a été institué dans les années 1700 par des historiographes. Or, l’historiographe était souvent payé par les dirigeants politiques ou religieux pour raconter l’histoire sous un angle qui leur était favorable. Aujourd’hui, on emploie l’expression « biographies autorisées ». Puis, quand on connaît le peu d’estime de l’Église catholique envers les femmes, on se dit qu’il est possible que des historiens du Vatican aient présenté les papes de l’époque comme de pauvres victimes de femmes sans scrupules. Qui manipulait qui? On ne le saura probablement jamais.