Le crime du siècle (2)
La semaine dernière, je vous ai décrit le meurtre de Sir Harry Oakes aux Bahamas en juillet 1943. C’était le crime du siècle qu’on disait. Un meurtre exécuté selon un rituel appartenant à la secte religieuse Palo Mayombe. Quel était le mobile?
Il faut savoir que Sir Harry Oakes figurait parmi les habitants les plus riches et les plus puissants des Bahamas. Multimillionnaire ou peut-même milliardaire, Oakes brassait des grosses sommes d’argent.
Né à Bar Harbor dans le Maine, prospecteur d’or à l’échelle planétaire, Oakes est le fondateur de la compagnie minière canadienne Lake Shore Mining, située en Ontario près de la frontière du Québec.
L’homme est un pionnier de l’industrie minière canadienne. On peut visiter le musée consacré à Sir Harry Oakes à Kirkland Lake en Ontario.
Oakes a aussi largement contribué au développement du site touristique des chutes Niagara. Son nom est gravé à plusieurs endroits dans la région, dont un immeuble et un parc.
Trop riche pour être à l’aise au Canada, Oakes cherchait un endroit où mettre sa fortune à l’abri. Un homme a facilité son arrivée aux Bahamas, abri fiscal par excellence. Cet homme s’appelle Harold Christie.
Les deux hommes ont fait des affaires ensemble aux Bahamas avec la bénédiction du duc de Windsor, gouverneur des îles. Jusqu’au jour où Oakes a été trouvé mort chez lui.
C’est l’historien Charles Higham qui, ayant réexaminé le dossier avec l’aide d’un spécialiste en médecine légale, d’un expert en criminalité et d’un enquêteur, et consulté à nouveau les rapports d’autopsie, les dossiers du FBI et les notes du juge, établit la thèse que seul Christie était derrière le meurtre d’ Oakes. La thèse est décrite dans son ouvrage biographique intitulé La scandaleuse duchesse de Windsor.
Selon Higham, Christie avait joué dans le dos d’Oakes lors d’une transaction financière . Pour se venger, Oakes avait réussi à lui voler son île des Bahamas par des manigances douteuses. Christie aurait voulu se venger à son tour. C’est le cycle sans fin.
De plus, Christie se serait contredit dans son témoignage au procès. Sans compter qu’il avait, selon ses propres dires, passé la nuit chez Oakes.
Harold Christie n’a jamais été accusé formellement, même après la disculpation du suspect Alfred de Marigny qui, comme nous l’avons vu la semaine dernière, a quitté les Bahamas pour Cuba.
Christie est décédé en 1973. Le livre de Higham a été publié en 1988.
Cinéastes, écrivains et producteurs de séries télévisées ont repris l’histoire à leur compte. Certains posent l’hypothèse que le meurtre aurait été commandé par le parrain de la pègre de New York, l’abominable Meyer Lansky. Le pégreux voulait implanter des casinos aux Bahamas. Oakes s’y opposait.
Autre hypothèse : Oakes voulait transférer sa fortune à Mexico. Un tel geste aurait déstabilisé l’économie des Bahamas. Les sommes d’argent étaient trop importantes. On raconte même que, le soir du meurtre, Oakes devait aller à Miami pour dénoncer la corruption qui régnait aux Bahamas.
Bref, toute une saga judiciaire trop longue à raconter ici mais susceptible de plaire aux amateurs de polar. Si l’histoire vous intéresse, voici une liste d’auteurs fournie par Wikipedia: James Owen, John Parker, James Leasor, Marshall Houts et Geoffrey Bocca.
Dernière hypothèse. Le suspect de l’époque et relâché après un procès supposément truqué, Alfred de Marigny, aurait bel et bien été le gars derrière le meurtre. Mais encore là, rien n’a été prouvé.
Dans ses années d’errance après avoir quitté Cuba, de Marigny aurait habité au Québec pendant trois ans avant de mourir en 1998 à Houston au Texas, selon Wikipedia.
Pour ceux et celles qui s’intéressent à la religion Palo Mayombe, tout ce que l’on sait est qu’elle était pratiquée à l’époque au Brésil, en Haïti, à Cuba et peut-être en certains endroits de la Floride. Elle se fonde sur des croyances chamaniques provenant de l’Afrique lointaine.