Crash meurtrier pour le contrôle du pétrole (suite)

Enrico Mattei aurait été victime d’un attentat commandé par le gouvernement français, sous le régime de Charles de Gaulle.

C’est du moins l’hypothèse étayée par l’ancien agent de renseignement français, Philippe Thyraud de Vosjoli, dans son livre Lamia, publié en 1970. Lamia était le nom de code de l’espion français.

Vosjoli a été au service de la France durant vingt ans, de l’époque de la Résistance durant la Deuxième Guerre mondiale jusqu’à sa démission en 1963. Il avait joué un rôle important dans la découverte de missiles soviétiques à Cuba. Le romancier Leon Uris (auteur d’Exodus) a ficelé un roman à partir du rôle de Vosjoli dans l’affaire des missiles. Alfred Hitchcock l’a adapté au cinéma sous le titre Topaz, le même que celui du roman.

Revenons à l’affaire Mattei. Non seulement de Vosjoli écrit noir sur blanc que la France était derrière le meurtre de Mattei, alors que certains observateurs de l’industrie du pétrole soupçonnaient la CIA, mais il décrit la manière avec laquelle le SDECE, l’équivalente de la CIA en France et pour laquelle de Vosjoli travaillait, s’est prise pour se débarrasser de Mattei.

À l’automne 1962, le SDECE envoie un mécanicien d’avion à Catane, en Sicile. Le gars se trouve du travail à l’aéroport. Selon de Vosjoli, le pseudonyme du mécanicien était Laurent. Ne perdons pas de vue que de Vosjoli travaillait au sein du SDECE.

Pendant ce temps, les agents du SDECE installés à Rome suivent les déplacements de Mattei. Mieux : certains agents de l’agence française avaient infiltré ENI, la multinationale dirigée par Mattei.

Le SDECE apprend que Mattei doit quitter Catane pour Milan le 27 octobre. Coup de chance : la météo s’annonce mauvaise. Le matin du 27 octobre, le mécanicien Laurent reçoit l’ordre de passer à l’action. Il se faufile dans l’avion que Mattei doit emprunter le soir même. Il débranche et rebranche certains fils et modifie l’altimètre de façon à induire le pilote en erreur quant à son altitude. Selon de Vosjoli, le gars s’est surpris à siffloter une fois le sabotage terminé.

Ceux et celles qui ont lu l’article précédent (Crash meurtrier pour le contrôle du pétrole) connaissent la suite de l’histoire. L’avion s’écrase dans une tentative d’atterrissage à Milan, tuant Mattei, un journaliste américain et le pilote d’avion.

Poussant plus loin, de Vosjoli affirme dans son livre que saboter les avions pour commettre des assassinats était pratique courante à l’époque au sein du SDECE sous le régime de Charles de Gaulle.

Pourquoi avoir voulu tuer Mattei? L’avancée époustouflante de Mattei sur l’échiquier mondial du pétrole irritait les pétrolières occidentales, y compris Total, un empire pétrolier français. Mais le motif irait bien au-delà selon de Vosjoli.

De Gaulle venait d’accorder l’indépendance à plusieurs colonies françaises en Afrique du Nord. Il se retirait en promettant aux industriels français que ces pays resteraient une colonie du point de vue économique.

De Gaulle était sur le point de faire la même chose avec l’Algérie où une guerre horrible opposait Algériens et Français, ceux-ci étant accusés de cruauté extrême envers le peuple algérien.

Durant les derniers moments de la guerre d’indépendance, de Gaulle avait appris qu’Enrico Mattei voulait obtenir des contrats en Algérie, une fois la guerre terminée. Tout le monde se doutait que le désert algérien regorgeait de pétrole.

Voulant couper l’herbe sous le pied des concurrents, Mattei aidait les terroristes algériens afin d’obtenir la promesse de contrats après la guerre. Ceux-ci se procuraient le gros de leurs armes sur le marché noir italien. Mattei, selon de Vosjoli, facilitait la prise de possession des armes et leur transport par mer.

Apprenant la nouvelle, le gouvernement français servit une première mise en garde à Mattei par voie officielle. Un diplomate français se rendit au bureau de Mattei en Italie et lui demanda de cesser d’aider les rebelles algériens en retour d’une somme d’argent importante. Mattei le vira immédiatement.

Suivirent des menaces d’assassinat proférées par une organisation extrémiste française. Un attentat fut même déjoué. Têtu, Mattei continua d’aider les rebelles algériens. C’est alors que le SDECE décida de le liquider en faisant crasher son avion.

Selon Wikipedia, au moment où de Vosjoli publiait son livre, le cinéaste italien Francesco Rosi avait demandé à un journaliste de faire des recherches au sujet de son film L’Affaire Mattei. Rosi soutenait que la mort de Mattei avait été télécommandée. Or, le journaliste a été porté disparu. On n’a jamais retrouvé son corps. Tous les enquêteurs impliqués dans la recherche du journaliste disparu auraient été tués.

Plus tard, un parrain de la mafia sicilienne a déclaré que son organisation avait tué Mattei à la suite d’une commande de la mafia américaine parce que l’industriel italien nuisait aux intérêts américains au Moyen-Orient.

Allez savoir!

 

Cet article s’inscrit dans la série Histoires de crime qui renferme faits divers, procès célèbres et récits d’espionnage dont les archives se trouvent au www.lhebdojournal.com, sous-onglet actualités et justice. Voici les titres déjà publiés :

 

-Crash meurtrier pour le contrôle du pétrole (2)

-L’album Imagine de Lennon porte malheur

-Un génie qui fait sauter des bombes

-Son père fut sa première victime (2)

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-Le crime du siècle (2)

-Le crime du siècle qu’on disait

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-Le meurtre qui secoua le monde

-Sauvagement assassiné à Paris

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