Pour mieux comprendre la réalité des élèves autochtones

Le Grand Chef du Conseil de la Nation Atikamekw, Constant Awashish, a fait un arrêt à l’école secondaire des Pionniers, il y a quelques jours, pour sensibiliser le personnel de l’école la réalité des élèves autochtones.

L’établissement scolaire trifluvien compte une trentaine d’élèves autochtones, essentiellement de la nation atikamekw.

« Il a pris le temps de présenter au personnel les réalités dans lesquelles les élèves vivaient en communauté, autant en ville que sur la réserve. Il nous a expliqué la réalité de l’éducation, de la santé et de l’alimentation sur la réserve. Je pense que nous avons une manière de fonctionner à l’école qui est bien en place et qui fonctionne, mais parfois, il y a des préjugés qui peuvent s’installer. L’idée, c’est de mieux comprendre ce qu’ils vivent », explique Jonathan Bradley, directeur de l’école secondaire des Pionniers.

Il cite en exemple le taux d’absentéisme souvent plus important des élèves autochtones en octobre, lors de la saison de la chasse. « On se demande pourquoi ils manquent autant l’école pendant cette période. La venue de M. Awashish nous a permis de poser ce genre de questions et on réalise que les réponses sont complètement différentes de ce qu’on pouvait penser, précise M. Bradley. Quand ils s’absentent dans cette période, ce n’est pas nécessairement pour eux-mêmes aller à la chasse ou à la pêche. Parfois, c’est pour aller s’occuper d’un petit frère ou d’une petite sœur alors que les parents sont à la chasse. L’âge médian sur la réserve n’est que de 19 ans. Les jeunes peuvent aussi s’ennuyer de leur famille. Il voulait que le personnel scolaire comprennent d’où viennent ces enfants, comment ils vivaient avant de venir à l’école ici et aussi le regard qu’ils sentent envers eux. »

Depuis trois ans, l’école secondaire des Pionniers met en place différents initiatives pour encourager l’intégration et la persévérance scolaire des élèves issus des premières nations, comme la création d’une murale présentant les finissants autochtones. Un Conseil d’élèves autochtones a aussi été formé pour impliquer les jeunes dans les décisions les concernant et dans l’organisation d’activités culturelles, sportives, d’artisanat et de loisirs.

Il y a également le projet Kickitan –tu es capable en atikamekw – auquel contribuent trois éducateurs spécialisés dont le mandat est de travailler auprès des élèves autochtones qui fréquentent l’établissement scolaire.

Luc Gagné, Marilyn Berthiaume et Emmanuelle Caya œuvrent auprès de ces élèves pour créer un lien de confiance et un sentiment d’appartenance à l’école, favoriser la création de liens d’amitié et de confiance entre eux et avec les élèves allochtones, augmenter leur estime personnelle et leur confiance en eux, ainsi que développer le réseau de ressources et d’informations concernant les Premières nations. C’est d’ailleurs ce comité qui a invité Constant Awashish à venir s’adresser au personnel de l’école.

« On cherchait une façon de sensibiliser un peu les membres du personnel aux réalités autochtones. J’ai été marquée par la résilience de Constant Awashish. Je vois ça chez la plupart des Atikamekw aussi. Dans leur famille, eux-mêmes ou des proches vivent de grosses souffrances ou ont vécu beaucoup de difficultés. Ce serait facile pour eux d’en vouloir à plein de gens et de ressentir de la colère, mais le discours de M. Awashish était axé sur le fait de redevenir des alliés, des partenaires. On est capable de travailler ensemble même si nous avons une vision parfois différente », indique Emmanuelle Caya, intervenante à l’école secondaire des Pionniers.

« Les jeunes autochtones font face à différents défis à leur arrivée à l’école, poursuit-elle. Pour certains, le français n’est pas leur langue maternelle. Parfois, c’est même leur troisième langue puisqu’ils maîtrisent mieux l’anglais. Autrement, sur le plan scolaire, je dirais que les défis sont semblables de ceux des élèves allochtones. Par contre, les élèves autochtones vivent une séparation de leur famille, car il est rare que ce soit toute la famille qui vienne s’installer en ville. Ils peuvent alors s’ennuyer d’un parent, d’un mère, d’une sœur, de grands-parents, etc. »

« Avec ce qui s’est passé dans les pensionnats, certains parents et grands-parents éprouvent encore de la méfiance envers le système scolaire, en raison de ce qu’ils y ont vécu. Ça peut se transmettre chez les jeunes qui seront plus méfiants par rapport aux adultes dans le milieu scolaire. C’est un peu plus long de créer un lien de confiance, mais on voit qu’ils réussissent à s’adapter. On comprend que ce passé amène une vision différente de l’école », remarque-t-elle.

Le comité du projet Kickitan organise également des activités en lien avec la culture des élèves autochtones afin qu’ils puissent la vivre, la faire connaître et qu’ils en soient fiers. En ce sens, l’école secondaire des Pionniers ouvre un local, sur l’heure du dîner, pour les élèves autochtones et leurs amis allochtones.

« C’est une belle façon de créer des liens de confiance entre eux. Je pense qu’ils se sentent bien dans ce local. Et puis, si ça ne répondait pas à un besoin, les jeunes ne viendraient pas. On y retrouve une quinzaine d’élèves tous les midis. Ils savent qu’ils n’y seront pas jugés. Ils peuvent jouer à des jeux, faire des arts », précise Mme Caya.