Yves Boisvert transcende la mort
Le poète chevronné, Yves Boisvert, perdait son combat contre le cancer le 23 décembre dernier. À son chevet, un grand ami et homologue, Bernard Pozier, acceptait les dernières volontés de Boisvert: insuffler la vie à un ultime recueil, au-delà de la mort.
Le souhait s’est matérialisé dimanche, au Café?bar Zénob de Trois-Rivières, niche naturelle des poètes. Ils étaient nombreux à s’être déplacés pour le lancement posthume du livre Une saison en paroisses mauriciennes, mais aussi pour rendre hommage à un pilier moderne de leur art.
«Yves Boisvert était un très grand poète; une des rares voix essentielles à la poésie québécoise. C’est le grand poète de l’aliénation. C’est la poésie québécoise de la démesure. Il possédait une syntaxe emberlificotée qui le démarquait. Il maîtrisait beaucoup le langage théorique», a défini le cofondateur des Éditions Cobalt, Carl Lacharité.
Le maître d’œuvre de la rencontre «lancement-hommage», Bernard Pozier, a livré un extrait du recueil de son ami disparu avec une émotion palpable.
«On a commencé à écrire ensemble, on a commencé à publier ensemble et on a commencé aussi à apprendre comment faire des livres, donc comment faire l’édition, ensemble. Et moi, j’ai toujours poursuivi là-dedans, donc quand il publiait des livres, c’est moi qui m’en occupais. Donc, à la fin, un peu avant de mourir, il m’a remis des textes et m’a dit: "Voici le livre que j’aimerais faire et est-ce que vous pouvez le faire?" On a essayé de réaliser le livre comme il voulait qu’il soit», a-t-il expliqué.
La maison d’édition Les Écrits des Forges présente l’œuvre finale de Boisvert comme étant un recueil qui parle des mœurs, des travaux et des jours, dans lequel la poésie s’accroche souvent à la rime d’antan, sans que le poète ne perde pour autant sa langue pénétrante et décapante. Le livre fait écho à son précédent recueil, Une saison au cœur de la reine, paru en 2011. Disponible en librairies au coût de 14$, il est aussi possible de le commander via le site Internet de la maison d’édition.
Extraits d’Une saison en paroisses mauriciennes
«(…) le long du grand Fleuve tranquille
que fendent les cargos chargés de mazout des déserts
le CO2 remplace facile l’oxygène des cervelles
j’imagine aisément qu’en ce bled fluvial
les grenouilles des marigots fonctionnent au nucléaire
directement d’en face chez Gentilly deusse
et que les chiens des chômeurs
bouffent de la résine de synthèse.»
«Le mot dit ne s’efface pas
à moins de l’ôter de sa mémoire
et de le remplacer par son suivant
et puisqu’il faut des mots
ils sont ce qui nous reste
quand tout le monde s’en va.»