Trois-Rivières sous l’emprise de la peur

LIVRE. Un peu moins d’un an après l’enlèvement de la petite Mélodie Cormier, l’inspecteur Jean-Sébastien Héroux enquête sur une série d’explosions suspectes à Trois-Rivières. Est-ce qu’un groupe terroriste se cache derrière ces explosions?

Personne n’est à l’abri: tant les enfants que les personnes âgées sont pris pour cibles. Un climat de panique s’installe sur la ville.

«J’ai voulu amener des gens qui avaient des goûts de changement, mais qui ne sont pas, à la base, des terroristes de masse comme on en voit à travers le monde. Au Québec, on se sent loin de ça», explique l’auteur trifluvien Guillaume Morrissette.

«Je suis parti de cette idée en me demandant s’il y avait du terrorisme au Québec. Parce que je sens la terreur des gens dans leurs propos. Je sens que tout le monde veut du changement et que personne n’obtient le changement qu’il souhaite. Je sens une rage. Pas d’indépendance, mais une rage de changement.»

Alors, il a exploré cette idée, l’a poussée au maximum.

«Je me suis mis dans la tête que des gens qui veulent vraiment du changement pourraient utiliser d’autres méthodes. Je me suis plongé dans l’histoire québécoise», ajoute-t-il.

Il est retombé sur les événements entourant la cellule Chénier du Front de libération du Québec (FLQ) dans les années 60 et 70. La cellule Chénier est ce groupe qui a enlevé le vice-premier ministre et ministre du Travail Pierre Laporte. Le FLQ était également parvenu à créer un climat de terreur par le biais de plusieurs actions armées, dont des attentats à la bombe.

«Le FLQ avait cette mentalité de vouloir créer la peur. Leurs actes étaient aléatoires dans le but de mettre en place une trame de fond de terreur pour ensuite inciter le changement.»

On en voit un peu partout sur la planète, mais le terrorisme est-il faisable au Québec?

Pour en avoir le cœur net, Guillaume Morrissette a fait des recherches. Comment amener cette prémisse dans un livre et cibler des actes du quotidien? Il avait besoin d’un mentor. L’auteur est donc allé lire sur les méthodes de recrutement de l’État islamique où les recrues se font offrir une voiture, une arme et une femme.

«C’est du brainwashing. Est-ce faisable au Québec? La réponse est arrivée vite en écrivant: ça ne prend pas un grand passé criminel pour être brainwashable. Le livre est parti de cette idée», précise-t-il.

Le lecteur suit à la fois le point de vue de l’agresseur –ou du terroriste– et celui de la police.

«Ça a dégénéré au fil de l’écriture. L’idée de base, c’est la terreur aléatoire. Ces gens-là créent la paranoïa, mais ils sont tranquilles, cachés, terrés comme des ermites. Ils ne veulent pas être sur la place publique. Ils souhaitent simplement mettre la toile de fond pour le changement et ça passe par la peur. Ici, on n’a pas peur de sortir dans la rue ou de prendre notre voiture.»

«À Trois-Rivières, si une maison est incendiée, on a le réflexe de penser que c’est un accident, qu’une bonbonne de propane a peut-être explosé. Surtout si c’est dans un secteur tranquille. Ça prend quelque chose d’évident pour déterminer que ce n’est pas un accident. Imagine si on applique le même principe à plusieurs types d’actes. Avant que les points ne soient reliés entre eux, la peur sera installée», note-t-il.

Et dans Terreur domestique, du centre-ville au secteur Saint-Louis-de-France en passant par Trois-Rivières Ouest: la peur sera partout. Et tout s’enchaîne à un rythme haletant.

«Terreur domestique» de Guillaume Morrissette | Guy Saint-Jean Éditeur | 372 pages | Disponible en librairie

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Un prix qui change les choses

Guillaume Morrissette s’est rapidement implanté comme un auteur de polars à suivre au Québec.

L’année dernière, il a remporté le Prix du Premier polar 2015 et le prix Coup de cœur 2015 du Club de lecture de la Société du roman policier de Saint-Pacôme pour son premier polar L’affaire Mélodie Cormier.

«Ces deux prix ont vraiment fait décoller les choses. Dans le monde du polar, les lecteurs portent beaucoup d’attention aux critiques. Ce sont souvent les critiques positives qui vont déterminer le prochain livre à lire des amateurs du genre», souligne Guillaume Morrissette qui était également finaliste au Prix des Nouvelles voix de la littérature au Salon du livre de Trois-Rivières.