Strigampire à l’assaut de la plus grande scène heavy métal au monde

C’est l’histoire de cinq ados qui forment un groupe musical à l’âge de 15 ans. Ils répètent à l’école sur l’heure du midi, dans le sous-sol ou le garage de leurs parents le soir et le week-end. Ils nourrissent leur passion pendant plus de 20 ans. Jamais ils n’auraient pu se douter que cette aventure allait les conduire au plus prestigieux concours international de musique heavy métal. Le groupe Strigampire de Trois-Rivières s’en va représenter le Canada au Wacken Battle Music en Allemagne le 2 août prochain.

Ce concours se déroule dans le cadre d’un festival de musique. Le Wacken Open Air attire chaque année des dizaines de milliers de spectateurs de partout dans le monde. Attendu par les amateurs, plus de 80 000 billets pour l’événement avaient trouvé preneur cette année, cinq heures après leur mise en vente.

Strigampire a connu quelques changements de membres au fil des années, mais trois des cinq musiciens actuels sont des membres fondateurs : le chanteur Steve DC (Steve De Cotret), le guitariste Johnny Dead (Jonathan Houle) et le bassiste Bad Guy P. (Guy Provencher). Le batteur James Foster a joint le groupe en 2021, tandis que le guitariste Willy Thousand (William Tousignant) est le plus récent membre de la formation.

C’est un peu par hasard que Steve a entendu parler du Wacken Battle Music via une infolettre à laquelle il est abonné. Les délais étaient serrés pour s’inscrire et pour se préparer. La première ronde du concours se tenait quelques semaines plus tard. Avec, pour ainsi dire, deux nouveaux membres, il fallait tester la chimie entre les musiciens, d’autant plus que la longue période pandémique où les spectacles étaient suspendus les avaient empêché de se produire devant public.

« Ces deux gars-là n’avaient pas encore eu l’occasion de faire leurs preuves sur scène et là tu les envoies jouer dans le plus gros festival du monde! », lance le chanteur. 

Il fallait aussi « casser » de nouvelles pièces que le groupe n’avait pas encore eu l’occasion d’interpréter en dehors d’un studio d’enregistrement. Deux spectacles de rodage ont donc été préparés dans une certaine urgence et présentés au Rock Café de Trois-Rivières deux soirs consécutifs de février, les seules disponibilités de tous les membres avant la première ronde du concours.

(Photo Dave Labbé-Bélanger)

Ils ont ensuite franchi toutes les étapes du volet canadien qui se déroule sous la forme d’un tournoi éliminatoire au cours duquel 60 formations de tout le pays compétitionnent. Encore là, à chaque étape, rien n’était gagné pour les membre du groupe. « On se demandait si on allait se rendre à l’autre ronde. Il n’y en a pas eu une de facile. C’était tous des bons bands. Tu entends le dernier de la soirée et tu n’es pas encore sûr de ta place. »

Heureusement après les prestations, les juges leur faisaient part de leurs commentaires, ce qui a permis aux musiciens de s’ajuster aux critères d’évaluation. Entre chaque apparition, les membres de Strigampire ont travaillé sérieusement chacun des points mentionnés.

« C’est une chance unique »

C’est lors de la grande finale canadienne le 13 mai, au Lee’s Palace de Toronto, que Strigampire a remporté les grands honneurs face à deux autres groupes, un de l’Alberta et un de l’Ontario, obtenant son laissez-passer pour le Wacken Battle Music afin d’y représenter le Canada.

Steve n’en démord pas: c’est une chance unique d’aller jouer en Allemagne, mais encore faut-il avoir les moyens de s’y rendre. « C’est de l’argent qu’on n’avait pas. On a tout le temps travaillé, on n’a jamais demandé un cent à personne en 20 ans. »

Une campagne de socio-financement a donc été mise sur pied pour défrayer le coût des billets d’avion et de l’hébergement. « On a fait le saut! En une semaine on a ramassé plus de 12 000 $ », souligne-t-il.

Pour le volet international du concours en Allemagne, il va sans dire qu’il ne reste que la crème de la crème. Trente pays envoient leurs représentants. Deux immenses scènes présenteront en alternance les groupes en compétition.

Le chanteur a été heureux de constater que l’horaire établi leur était favorable. « On aurait pu jouer à 11h le matin devant du monde scrappé de la veille qui vient de se lever, mais on joue à 17h05. Il n’y a que deux bands après nous. »

(Photo Dave Labbé-Bélanger)

Leur performance sur scène, qui doit durer 20 minutes, sera également projetée sur des écrans géants, une première pour les gars de Strigampire. « On va leur donner tout un show! » Le groupe a choisi d’interpréter trois nouvelles chansons, ainsi qu’un succès de l’album de 2018.

Au-delà de la visibilité mondiale que le concours amènera à Strigampire, le chanteur du groupe explique qu’il s’agit aussi d’une chance unique d’être repéré par une importante compagnie musicale et de décrocher un contrat.

« C’est une belle vitrine, c’est une occasion de se faire des contacts. » D’autant plus qu’ils ont en poche un nouvel album, pratiquement prêt à être lancé, qui a été réalisé par un membre de Cryptopsy, Christian Donaldson. « C’est très intéressant pour nous vu qu’on a quelque chose de clé en main pour une compagnie. Ils n’ont rien à payer pour l’enregistrement de l’album. Tout est déjà pas mal prêt. »

De l’école secondaire La Découverte au Wacken Battle Music 

L’avenir s’annonce prometteur pour les membres de Strigampire. Déjà, la notoriété donnée à la formation trifluvienne d’un océan à l’autre commence à se faire sentir. De nouveaux fans s’intéressent à leur musique, et leur nombre a le potentiel d’augmenter de façon significative après leur passage en Allemagne au Wacken Battle Music.

En faisant le bilan des 20 dernières années, Steve DC sourit en repensant à la naïveté et la candeur des ados qu’ils étaient. « Quand tu es jeune, tu ne sais pas trop la marche à suivre. Notre premier album, on l’a sorti en 2009. En 2006, on pensait peut-être que Warner Music viendrait nous chercher dans la cave chez maman! Il faut que tu fasses des démarches, c’est pas juste de composer des chansons. »

Dès les débuts du groupe, c’est la création de chansons qui attirait les jeunes musiciens en devenir. Il n’envisageaient pas d’interpréter des reprises. Ils voulaient spontanément composer du matériel original.

« Le but premier, pourquoi je fais ça, c’est surtout pour m’exprimer. C’est le véhicule que j’ai trouvé pour garrocher  ce qui me touche. C’est pour ça que j’ai été porté à écrire des chansons, des paroles », explique le chanteur de Strigampire.

(Photo Dave Labbé-Bélanger)

Les gars ont fait leurs premiers pas sur scène à l’École secondaire La Découverte à Saint-Léonard-d’Aston, mais leur premier vrai spectacle, ils l’ont donné en 2003 à la salle L’Aquarius de Saint-Grégoire, en première partie de Mononc’ Serge. À peu près à la même époque, un professeur suppléant repère leur potentiel et leur propose d’enregistrer un démo avec eux. 

Strigampire lance deux EP en 2007 et 2008. Dans cette période, les spectacles se multiplient aux quatre coins du Québec et le groupe trouve son public. En 2009, la formation collabore avec le guitariste d’Anonymus, Jef Fortin, pour l’enregistrement d’un premier album « Where Torments Drown ». Un deuxième, « The Merry-Go-Round », suivra en 2012 de même qu’un autre EP. 

Après une pause d’environ trois ans causée par le départ de certains membres du groupe et le recrutement de nouveaux, Strigampire participe en 2017 à une compétition provinciale, l’Omnium du rock, où il se faufile en finale en accédant au top 5 parmi 125 formations participantes.

Un premier contrat d’enregistrement leur est proposé par l’étiquette PRC Music. L’album « One Fix, Nine Clouds & Six Feet Deep » est lancé en 2018. On y retrouve deux pièces plus rock tirées d’un autre projet du chanteur, The Autority.

« On a tout le temps une connotation un peu rock qui revient, qui fait un peu différent des autres bands de métal. On a une grosse influence rock sans qu’on veuille le faire pour que ce soit plus accessible. Naturellement, ça vient chercher plus les gens en général. »

En 2019, Strigampire offre à ses fans une compilation regroupant les chansons des premiers EP devenues introuvables et les deux pièces inédites du tout premier démo de 2003.