Réinvention et projection de la vie de Nelly Arcan

CINÉMA. Amoureuse toxique, prostituée, auteure et sex-symbol, Nelly Arcan fascine. Anne Émond a été inspirée par cette femme qui a performé dans tous ces domaines à fort contraste. Le long métrage «Nelly», librement inspiré de sa vie et de son œuvre, sortira en salle ce vendredi 20 janvier.

Lorsque Anne Émond a décidé de réaliser un film sur Nelly Arcan, elle s’est lancée dans la lecture de ses œuvres et, de fil en aiguille, a rencontré le plus de gens possibles de son entourage: famille, amis, anciens copains, psychanalyste, éditeur, amies escortes.

«Je me suis laissée aiguiller par les gens qui m’amenaient d’une personne à l’autre, jusqu’à ce que mon opinion soit faite. Tout le monde a sa propre Nelly. Même que plus je rencontrais de gens, plus j’étais confuse, car la vision qu’on avait de Nelly changeait tellement d’une personne à l’autre! À chaque rencontre, c’était de plus en plus mystérieux», explique la réalisatrice.

«Librement inspiré de la vie et de l’œuvre de Nelly Arcan». Bien que le film d’Anne Émond permette d’en apprendre sur la vie de Nelly Arcan, il est bon de garder en mémoire qu’il détient sa part de mensonge, sa part d’invention, ce qui faisait effectivement partie du projet initial du long métrage.

«Tout ce qui est dans le film tient sa source de quelque part de véridique. Si on me dit que Nelly est jalouse en amour ou qu’elle aime être la plus désirée de la soirée, j’utilise ces informations pour écrire et inventer des scènes. Par exemple, dans le film, Nelly a un amoureux qui a été créé à partir de ses écrits dans Folle ainsi que de ma rencontre avec deux de ses ex-copains», dévoile Mme Émond.

«On ne voulait cependant pas tomber dans l’imitation. Je voulais qu’on réinvente des personnages à partir de ce que j’avais recueilli comme informations», poursuit-elle.

Le contraste entre les scènes de l’œuvre dessert bien les personnalités qui créent le personnage qu’est Nelly Arcan. «On l’a carrément éclatée!», lance Anne Émond. Chacune des facettes a été inspirée par une autre femme. La sex-symbol par Marilyn Monroe, l’amoureuse par Amy Winehouse, l’écrivaine par Virginia Woolf. Elle jugeait cependant qu’aucun modèle n’était nécessaire pour la prostituée, le personnage ayant été suffisamment bien décrit dans l’œuvre Putain.

«On voit qu’elle se perd entre sa vie et son personnage. On ne sait plus si ce sont ses écrits qui influencent sa vie, ou l’inverse», avance Mickaël Gouin, qui incarne l’amoureux de Nelly. Ses écrits font d’ailleurs partie intégrante de la narration. Anne Émond a tiré les phrases les plus fortes de ses trois premiers romans ainsi que de deux nouvelles: Peggy et Burqa de chair.

Une fois le scénario en main, la décision la plus importante pour le cinéaste est le visage de son personnage principal. Le rôle a été confié à Mylène Mackay. «Je ne la connaissais pas. Elle est arrivée comme une vraie tornade aux auditions! Elle était comme une bombe qui voulait absolument le rôle. Elle était prête et avait répété énormément», fait valoir Mme Émond.

«Mylène est vraiment une grande actrice. Elle est magnifique et elle est aussi très forte, car elle devait tourner des scènes violentes de sexualité. C’est très exigeant. Même si on ne voit que quelques minutes, elle s’est fait rentrer dans le mur pendant une journée au complet!», ajoute-t-elle.

Quant à Mickaël Gouin, il s’agit de sa seconde collaboration avec Anne Émond, la première étant sur le long métrage Les Êtres chers. «Qu’Anne vienne me chercher pour ce rôle sans audition, ça a confirmé qu’on travaillait bien ensemble! Comme acteur, on n’a pas toujours la chance de vivre des transformations, et Anne me l’a offerte deux fois de suite», fait part M. Gouin.

Anne Émond considère que le film Nelly occupe une grande place dans son cheminement personnel. «C’est la première fois que je sors de moi, car mes deux premiers films étaient très personnels. Pour ce qui est de la place qu’occupera ce troisième film dans ma vie professionnelle, c’est difficile d’anticiper la réaction des gens, mais tout ce que j’espère, c’est que les gens le voient», conclut la réalisatrice.