Pour l’amour des régions et de ses gens

«Chaque artiste a son créneau. Celui que je veux défendre, c’est la ruralité, la tradition et le patrimoine, dans ce qu’on est vraiment», lance Simon Beaudry. C’est dans cet état d’esprit que le Trifluvien d’origine s’est lancé dans l’écriture de son premier film.

Garage Tanguay et Fils est sa première œuvre cinématographique, mais cela se veut aussi une ode aux régions du Québec et à leurs habitants.

«C’est parti  d’une petite capsule vidéo que j’ai faite avec une amie. Je savais que je voulais que le personnage soit un jeune garagiste en milieu rural. Un ami m’a dit: «Un gars de même de notre âge, ça n’existe pas.» J’ai vraiment eu envie de créer le rôle d’une personne rurale sans tomber dans la caricature et de défendre le personnage», raconte Simon Beaudry.

Simon Beaudry (Photo Annie Éthier)

C’est lors de ce projet qu’il a rencontré Jessica Gélinas, qui est devenue la réalisatrice du film. Tous deux ayant grandi en région, il était naturel pour le duo de vouloir s’interroger sur les rapports entre les gens des grands centres et ceux des régions éloignées

«J’ai voulu traiter du rapport entre les gens de la ville et des régions, parler des régions et de leur rendre hommage, précise-t-il. C’est devenu l’histoire de Simon qui reprend l’entreprise familiale, le Garage Tanguay et Fils, suite au décès de son père. Il y a aussi ce rapport avec la tradition, de voir quelle place veut prendre Simon dans l’entreprise et dans le village.»

«Quand on dit de nous qu’on vient d’une région, c’est souvent péjoratif. Les gens des régions sont souvent mal représentés. C’est un objectif personnel que je me suis donné de les représenter tels qu’ils sont, dans leur poésie, leur profondeur tout comme leur simplicité, sans le côté péjoratif de l’expression. Dans le film, il y a plusieurs personnages typiques d’un village sans tomber dans la caricature. J’ai voulu montrer leur vraie nature de façon sensible», plaide le scénariste et comédien.

Sous prétexte de réaliser un documentaire sur son cousin Simon, André-Luc vient renouer avec son village natal. C’est à travers sa lentille que l’on suit le récit et les personnages que l’on y rencontre. C’est ainsi que le film de 25 minutes prend la forme d’un documenteur ou faux documentaire.

«C’est quelque chose que j’adore! J’en écoute beaucoup. J’ai découvert ce style en écoutant la série The Office. C’est faux, mais on y croit. Souvent, le documenteur donne un angle à l’histoire qu’on n’a pas avec la fiction. Il y a un côté voyeur dans l’approche. Ça permet aussi de voir des situations où les gens savent qu’ils sont filmés. J’ai aussi choisi ce style pour le plaisir de la forme et parce que ça sied bien à la comédie», convient Simon Beaudry.

Il faut dire qu’il ne s’est pas facilité la vie en choisissant d’opter pour le documenteur, puisque cela a entraîné une problématique sur le plan de l’écriture de certaines situations.

«Par exemple, je voulais que le réalisateur [André-Luc] se mette en scène dans son film pour accentuer l’effet ville versus région, mais ça devenait illogique de le mettre en scène parfois parce qu’il n’était pas à son avantage. Logiquement, quel intérêt aurait-il alors à se mettre en scène? Dans la fiction, on peut inventer quelque chose pour que tout fonctionne, mais pas là. Jessica, la réalisatrice, a été exceptionnelle pour intégrer le tout. On aurait pu tomber dans la caricature. La ligne était mince.»

Une vie en festival

Le film Garage Tanguay et Fils a été présenté en première au Festival Fantasia à Montréal, où il a reçu beaucoup de bons commentaires. Le public du festival Les Perséïdes, à Gaspé, a aussi réservé un accueil chaleureux à l’œuvre cinématographique.

«À Gaspé, on nous a dit que les gens ont vraiment aimé le film et tout l’univers régional qu’on y retrouve. Comme le film a été projeté à Fantasia, il sera également diffusé à la télévision dans un an, grâce à un partenariat du festival», note Simon Beaudry.

Le film, qui a aussi eu une représentation au Cinéma Le Tapis Rouge, est également inscrit dans plusieurs festivals à travers le monde, principalement en Amérique. L’équipe est en attente de réponses. Après sa vie en festival, Garage Tanguay et Fils devrait être disponible sur Internet.

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Un tournage tout trifluvien

Simon Beaudry a grandi dans le secteur Sainte-Marthe-du-Cap jusqu’à son départ à Montréal, après le cégep, pour poursuivre des études en théâtre au Collège Lionel-Groulx. Lorsque l’opportunité de venir filmer à Trois-Rivières s’est présentée, l’équipe de production a sauté sur l’occasion.

C’est en recherchant des garages à travers le Québec que Simon Beaudry et son équipe sont tombés sur le garage Marcel Roy & Fils, dans le secteur Sainte-Marthe-du-Cap.

«Il y a eu quelque chose de spécial quand j’y ai mis les pieds, confie-t-il. J’ai parlé du scénario à la propriétaire, Mme Roy, et elle m’a raconté que quand son père est mort, ses frères et elle ont repris le garage familial…et l’un de ses frères travaille dans le domaine du cinéma à Montréal. La coïncidence avec le scénario était frappante!»

Une scène captée lors du tournage de «Garage Tanguay et Fils».

D’ailleurs, le scénariste a pris le soin d’intégrer quelques-unes des vraies histoires du garage Marcel Roy & Fils dans le scénario, la réalité côtoyant la fiction à quelques moments. La propriétaire campe également le rôle de la secrétaire du garage dans le film.

L’équipe de production a pu tourner dans le garage pendant une semaine. «Mme Roy nous a prêté le garage. Tourner dans un vrai garage a vraiment donné de l’ampleur au film. Le garage était magnifique et on avait tout ce dont on avait besoin.»

Le tournage également a pris un tournant familial: «Ma grand-mère faisait la nourriture pour l’équipe, qui a aussi été logée par des gens de ma famille. Mes parents ont été exceptionnels d’accueillir tout le monde! Le tournage a aussi attiré beaucoup de curieux.»

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Une websérie dans la mire

Le film Garage Tanguay et Fils n’a pas conquis que le cœur de spectateurs en festival. Il a aussi piqué l’intérêt de la boîte de production Toast Studio qui a proposé à Simon Beaudry d’adapter et de développer le scénario du film pour le transformer en websérie.

«Ça m’a été offert sur un plateau d’argent, lance le Trifluvien d’origine. Je viens plus du monde du théâtre et c’est ma première scénarisation. Eux veulent s’introduire davantage dans la télé numérique.»

Les productions Toast Studio sont derrière les concepts de L’heure est grave, diffusée à Télé-Québec, et de Moment décisif, qui a été présenté à V Télé dans la dernière année.

Le projet de websérie prévoit de reprendre les personnages du film en plus d’en ajouter de nouveaux. «La ligne directrice, c’est comment on poursuit un patrimoine identitaire. Ça permettra de mettre en contexte plusieurs entreprises de région et de traiter de différentes réalités», précise-t-il.

Il cite en exemple un producteur laitier dont la fille ne souhaite pas prendre la relève de son père à la tête de la ferme familiale. «Simon aura aussi l’occasion de vendre le garage familial à une grosse entreprise américaine. C’est le type d’enjeu qui préoccupe de plus en plus les gens des régions», souligne Simon Beaudry.

La websérie devrait compter six épisodes de 15 minutes ou huit de dix minutes chacun. «En ce moment, toute l’énergie est mise sur le websérie, maintenant que le film est complété et qu’il connaît une vie en festival. Là, on est à l’étape de développer la bible, c’est-à-dire tout le document de présentation, le style, la forme, les personnages, le scénario et à quoi ressemble chaque épisode», explique-t-il.

Dans toute cette aventure, Simon Beaudry s’est découvert une passion pour la scénarisation cinématographique et télévisuelle. «Je découvre que le film, c’est la forme d’écriture que j’aime le plus. C’est une avenue que je considère sérieusement pour l’avenir», conclut-il.