Mulos: quand les fantômes du passé refont surface

Après avoir publié les deux tomes de 1779: les trois bêtes à sept têtes et Le réveil de la bête, Johanne Pothier a donné vie à son quatrième roman, intitulé Mulos, à l’automne.

Mulos, ce sont les fantômes du passé. Ceux de Jeanne, orpheline de guerre qui a connu les pires atrocités sous les mains des nazis dans les camps de concentration, mais aussi ceux de Suzanne, fruit d’une usine à bébés hitlérienne.

À son arrivée chez les Ursulines à Trois-Rivières où elle étudie, Jeanne ne parle pas. Elle n’a pas prononcé un seul mot depuis son traumatisme. On lui présente alors Suzanne qui vient de perdre ses proches dans un accident. Les deux jeunes filles se lient d’une amitié forte et improbable.

Un jour, Jeanne aperçoit un violon dans la salle de musique. Elle le prend et se met à jouer une mélodie, naturellement, « comme si la musique lui appartenait ». C’est Suzanne qui la convainc d’apprendre la musique classique.

Le récit entraîne le lecteur de l’Allemagne à Trois-Rivières, en passant par l’Autriche et la Belgique, au rythme du violon de Jeanne. Mais les mulos du passé viendront hanter les deux amies.

« Ça fait 15 ans que j’ai cette histoire en moi. J’avais en tête d’écrire des romans qui se déroulent à des moments précis de l’histoire de la musique. Par exemple, j’ai écrit quelque chose sur le massacre de la Saint-Barthélemy, mais je parlais de violon à travers. Je mettais toujours en scène des violonistes », raconte l’ancienne violoniste professionnelle et ancienne professeure et directrice du Conservatoire de musique de Trois-Rivières.

Les mots comme des notes sur une partition

Mulos s’inscrit dans cette lignée d’histoires ancrées dans une époque précise qui mijotaient dans la tête de Johanne Pothier.

« Je suis fascinée par les peuples victimisés. Oui, il y a le drame, mais c’est aussi pour la sortie du malheur. Pour ces gens qui retrouvent leur voix dans leur tête, qui se reconstruisent », note-t-elle.

Il y a une musicalité et un rythme qui se dégagent naturellement de la plume de l’auteure. Et on se laisse naturellement porter à travers le laid, mais surtout le beau, les bribes de lumière qui percent les doutes et les moments sombres. Parce qu’au-delà du drame entourant l’histoire de Jeanne et de Suzanne, il y a l’espoir de se reconstruire.

« J’ai beaucoup écrit. Je me suis trouvé un rythme, une voix littéraire. J’aime toute la structure autour des mots et pour que j’aime un texte, ça prend du rythme. Pour Mulos, j’ai notamment écrit au présent pour la première fois pour que le récit soit plus vivant. Je suis aussi influencée par le monde littéraire anglophone où le rythme est différent dans l’écriture. Je pense que ça vient jouer avec la musique de mon écriture », explique Johanne Pothier.

Une nouvelle collection

Celle qui, petite, fabulait et racontait des histoires à ses doigts a été la première auteure à publier dans la nouvelle collection Alinéa des éditions Druide. La collection Alinéa propose des romans essentiellement réalistes tout en misant sur ce que ce genre peut offrir en matière de diversité formelle.

« J’éprouve un sentiment d’imposteur dans le monde littéraire. Mon monde, c’est la musique. Je me dis que l’écriture de mes trois premiers romans a été comme un accident. Mais j’ai encore des choses à dire. J’ai besoin d’écrire. J’aime raconter. Pour moi, c’est un besoin vital d’écrire, mais pas nécessairement d’être publiée », confie Johanne Pothier.

Lorsqu’elle a pris sa retraite de la scène musicale en 2001, l’écriture est venue tranquillement combler ce vide. « Pour moi, le langage de la musique et celui des mots est le même. L’un comme l’autre est un moyen de communication et j’aime raconter des histoires. La musique, c’est ma façon de respirer, mais les mots aussi. Écrire, c’est continuer de raconter et ça prend la relève du violon », conclut-elle.

Le roman Mulos est disponible dans les librairies.