Le fil du temps, le fil d’une vie

Jusqu’au 4 décembre, la Galerie d’art du Parc présente une exposition rétrospective de l’artiste trifluvienne Lise Barbeau, une occasion de replonger dans les différentes phases de création qui ont marqué sa carrière jusqu’à maintenant.

Dès ses premières œuvres, l’artiste questionne le lien entre l’humain et la terre, ainsi que son occupation du territoire, des traces qu’il laisse sur l’environnement, des guerres.

Ses 30 années de création artistique l’ont menée à utiliser différents supports tels que la terre, la pierre, la fibre, la cire d’abeille, le tissu, la peinture, la photographie à émulsion liquide et même les cartes perforées d’informatique.

C’est que Lise Barbeau n’a pas un parcours traditionnel dans le monde de l’art. Avant sa carrière artistique, elle possédait une ferme laitière et a fait une formation en informatique dans les années 1970. Ces anciennes vies trouvent d’ailleurs un écho à travers sa création.

« J’ai eu ma ferme laitière pendant 25 ans. On était bio et tout. Les premières salles de l’exposition sont en quelque sorte un héritage de cette période qui m’a sensibilisée à l’importance de la terre, de la matière. Je m’intéressais déjà à l’impact qu’on laissait dans l’environnement et sur la planète à cette époque », raconte l’artiste qui se passionne pour les arts visuels depuis l’adolescence.

Pour les œuvres de ses premières expositions, elle a ainsi beaucoup travaillé avec la terre, le métal et la matière. Dans sa série Régénération, elle explore la matière en suspension avec le graphite, la cire d’abeille et la babiche.

Dans Dialogue de sourds, elle aborde les grands conflits à travers le monde et de ces mauvaises nouvelles dont on ne veut pas vraiment entendre parler. Son pèlerinage sur le chemin de Compostelle lui a inspiré la série d’œuvres Où est Dieu? pour laquelle, au final, elle laisse la question en suspens. Le visiteur est alors confronté à lui-même pour répondre à cette question.

« Je trouve intéressant d’amener les gens à se questionner sur leurs propres moments, leur vie, leurs réactions face à différents enjeux. Toutes mes œuvres m’habitent. Elles représentent toutes des moments de ma vie, des moments qui m’ont amenée à me questionner. Où est Dieu? en est une qui m’a habitée longtemps, tout comme Dialogue de sourds, quand je vois qu’après toutes ces années, les choses ne changent pas », confie Lise Barbeau.

« Quand je crée, je ne le fais pas pour que ce soit beau. Ce n’est pas une quête d’esthétisme. C’est ce que je vis, comment je le ressens, comment je peux le partager et comment je veux le faire. C’est de l’émotion brute sur des toiles », poursuit-elle.

La dernière salle de l’exposition fait place à son travail des dix dernières années. On y retrouve notamment un long manteau réalisé à partir de 2000 cartes perforées, un clin d’œil à son ancienne vie d’informaticienne.

« Très jeune, je voulais me diriger vers les arts, mais je suis finalement allée faire des études en informatique, comme mon frère, sous les conseils de mon père qui voulait que je sois bien sur le plan financier, confie Lise Barbeau. Quand mes enfants ont été plus grands, je me suis inscrite au baccalauréat en arts plastiques à l’Université du Québec à Trois-Rivières. Je me suis gâtée et ce fut le retour vers les arts. Le naturel a pu revenir à l’avant-plan. »

Depuis, elle a réalisé de nombreuses expositions solos et collectives et a participé à plusieurs événements multidisciplinaires, performances-peintures et événements extérieurs dans la rue. Sa carrière a aussi été ponctuée de bourses et de prix.

Lise Barbeau a également participé à de grandes réalisations théâtrales du théâtre l’Eskabel de Jacques Crête. Son travail sur les costumes lui a inspiré plusieurs œuvres, dont Le Fil du temps, qui consiste en un grand personnage entièrement réalisé à partir de fils. « Je l’avais fait en 2008, mais je l’avais défait suite à l’exposition. Christiane, la directrice de la Galerie d’art du Parc, m’a proposé de le recréer ici. Il y a 35 kilomètres de fils sur cette pièce. Pour moi, chaque fil est un moment de vie. Ce sont tous ces moments de vie qui te créent comme personne. C’est un peu pour ça Le Fil du temps. C’est tout ce parcours, ma vie, qui est représenté », conclut-elle.