L’aventurière de la route 389

L’écrivaine Ariane Gélinas voue une véritable fascination pour la route 389 qui relie Baie-Comeau à Fermont, puis qui continue vers le Labrador. Cela faisait près de huit ans qu’elle l’observait sur des cartes lorsqu’avec son conjoint, ils ont décidé d’enfin la découvrir.

À bord de leur petite Yaris qui n’en menait pas large sur cette route sinueuse en bonne partie sur le gravier, comparativement aux camions qu’ils croisaient, ils ont parcouru les 600 kilomètres qui les ont menés au fameux mur-écran de Fermont.

C’est de cette aventure sur la route 389 qu’est née l’histoire de Quelques battements d’ailes avant la nuit, le plus récent roman de l’autrice trifluvienne. On y retrouve Séverine Proulx, une globe-trotter à l’aube de la trentaine, qui décide de poser ses pénates à Fermont où elle a décroché un emploi comme technicienne en documentation.

Dès son arrivée et en dépit de l’ambiance qui plombe la ville – une femme a récemment été assassinée–, Séverine est séduite par la beauté sauvage de la nature qui entoure la petite communauté isolée, mais aussi par ses nouveaux voisins. Or, quand Séverine apprend qu’une deuxième femme a disparu, sa nature anxieuse refait surface. Bientôt, ce sont des visions morbides qui hantent son esprit. Comme si un lien ténu se nouait entre elle et une mystérieuse présence, comme si Séverine sentait une sombre énergie émerger des profondeurs de la fosse du Labrador.

Lorsqu’elle a mis les pieds pour la première fois à Fermont, Ariane Gélinas a été surprise par l’atmosphère des lieux et leur unicité. De cette impression d’oasis à l’arrivée, après des kilomètres et des kilomètres de forêt.

«Le mur-écran de Fermont a quelque chose de surréaliste. Dans ma démarche, j’aime utiliser des lieux qui existent vraiment et les décrire le plus vraisemblablement possible pour ensuite y incorporer des éléments fantastiques. Le mur-écran a déjà quelque chose de surréaliste», souligne-t-elle.

«Je le fais de façon plus subtile cette fois-ci, poursuit-elle. Je joue le plus longtemps possible sur la ligne entre l’explication rationnelle ou fantastique. Ça se dessine plus dans les derniers chapitres. Ce roman se rapproche plus du thriller ou du suspense, en ce sens où on suit quelqu’un, en l’occurrence Séverine, qui constate le mystère. Elle habite dans l’appartement dans lequel a aussi vécu la fille retrouvée morte. Elle ne peut s’empêcher d’y penser et elle a une tendance aux pensées macabres.»

L’écrivaine souhaitait également dépeindre les communautés avoisinantes de Fermont, ce qui lui donne l’occasion de revisiter quelques légendes naskapies, en périphérie au suspense. Des légendes prétendaient que les montagnes à proximité étaient habitées, qu’elles étaient vivantes. La fosse du Labrador, située à proximité, a aussi éveillé l’imaginaire de l’autrice.

Si le lieu qui accueille le récit est naturellement riche, il était aussi primordial pour Ariane Gélinas que ses personnages soient particulièrement travaillés. Ils sortent très certainement de l’ordinaire, que l’on pense à Alban l’ex-monteur de lignes qui élève des grenouilles ou encore Tshenu, un vieux Naskapi atteint de narcolepsie, de sorte qu’il peut s’endormir involontairement à n’importe quel moment.

«Je les ai voulus aussi tridimensionnels que le décor et les incarner le plus possible, indique l’autrice. C’est également la première fois que je les travaille avec des touches de mon vécu. Je me suis attachée aux personnages. Il y en a même certains que j’aurais envie de faire revivre. On verra», lance-t-elle.

De plus en plus d’amour dans ses livres

C’est possiblement la première fois qu’Ariane Gélinas s’abandonne autant dans un livre, à la fois dans la composition des personnages que dans sa façon d’écrire.

«Je m’en suis autorisé plus aussi dans la façon d’écrire les événements dans Quelques battements d’ailes avant la nuit.  Je pense que ça va avec l’acceptation de mon côté artistique et d’une sensibilité qui se développe. J’ai envie d’amener ça dans mes livres. Je voudrais amener un peu de poésie, mais de façon romanesque. C’est la première fois que je prends autant d’éléments personnels pour construire mes personnages. Je partage l’amour de la randonnée et du voyage de Séverine, ainsi que son côté nordique. Je sens que je mets de plus en plus d’amour dans mes livres», remarque-t-elle.

«On trouve toujours que c’est dans notre dernier livre qu’on a le mieux réussi à transposer ce qu’on souhaitait livrer, ajoute Ariane Gélinas. Ce livre et toute l’aventure autour m’ont apporté des souvenirs d’aventurière de la route 389, des images de Fermont, de nos nuits dans le mur-écran. C’est enrichissant d’un point de vue humain. J’ai pu m’apercevoir l’importance de prendre le temps de regarder ces cartes de notre Québec.»

Quelques battements d’ailes avant la nuit est disponible en librairie.