L’art pour former les futurs médecins
La Faculté de médecine de l’Université de Montréal (UdeM) s’allie à Culture Trois-Rivières dans un projet novateur: enrichir la formation des futurs médecins formés à Trois-Rivières par l’intermédiaire d’œuvres d’art.
Par le biais de trois visites-ateliers au Centre d’exposition Raymond-Lasnier, 50 étudiants du campus de l’UdeM en Mauricie ont observé des œuvres d’art et en ont discuté autour de trois thèmes: entrer en relation, la perspective de l’autre, ainsi qu les habitudes de vie. Durant la visite, ils sont accompagnés par des médiateurs professionnels qui dirigent la visite-atelier grâce à des stratégies de pensée visuelle.
Il s’agit d’une approche qui privilégie les échanges en petits groupes et qui utilise l’observation d’œuvres d’art pour développer la pensée critique, les compétences en communication et la collaboration. Les stratégies de pensée visuelle encouragent les discussions ouvertes et amènent les participants à développer leurs capacités d’analyse et d’interprétation du contenu visuel.Trois questions clésse retrouvent au coeur de la démarche: que se passe-t-il dans cette œuvre? Que voyez-vous qui vous fait dire cela? Que pouvons-nous trouver de plus?
« Les trois rencontres se sont très bien déroulées. C’est intéressant de faire sortir les futurs médecins des murs de la classe ou de l’hôpital et de les amener dans un autre milieu. Ça amène un changement de perspective. Lors de chaque visite, on se concentre sur deux ou trois œuvres seulement pour accentuer le travail d’observation. La sélection des œuvres a été faite en amont avec le Musée des beaux-arts de Montréal », indique Marie-Andrée Levasseur, directrice des arts visuels chez Culture Trois-Rivières.
« C’est tout un travail d’observation, de nommer ce qu’on voit à différents niveaux et d’écouter ce que disent les autres, tout en restant ouverts aux observations divergentes, précise-t-elle. On veut que les étudiants portent attention à l’œuvre et non à son sujet. On cache d’ailleurs le titre de l’œuvre lors des visites. Pour les médiateurs de Culture Trois-Rivières qui ont reçu la formation, c’est complètement différent de ce qu’ils font d’habitude. Ce processus fait en sorte qu’on utilise les œuvres comme un outil et non pour passer des informations sur la compréhension de l’œuvre. Il n’y a ni bonne ni mauvaise réponse. L’exercice leur permet aussi de bâtir une tolérance à l’ambiguïté, ce qui peut ensuite leur servir par rapport au diagnostic, au fait de vouloir trouver la conne chose, mais aussi de prendre le temps de réfléchir et de voir les différentes possibilités. »
(Photo Michel Patten)
Cette activité a été ajoutée au cursus des étudiants en médecins de l’UdeM et du campus de l’université en Mauricie dans le cadre du renouveau du programme en médecine.
« C’est un autre moyen pédagogique pour arriver à bien former les médecins. On a besoin de multiples formations pour former un médecin humaniste. Cette activité tourne autour de l’observation et de la communication. D’autres institutions, dont l’Université Harvard, ont testé cette façon de faire et ils ont constaté que ça améliorait l’empathie et la gestion de l’incertitude des étudiants. Ça leur permet aussi de prendre conscience de leurs biais et de mieux aborder les patients », explique Dre Marie-Hélène Girouard, vice-doyenne associée au campus de la Faculté de médecine de l’Université de Montréal en Mauricie.
Dre Girouard souligne que l’activité a suscité beaucoup de curiosité et un peu d’incrédulité de la part des étudiants en médecine en Mauricie.
« Au final, les étudiants en sont ressortis contents, mais c’est certain que ça les sort de leur zone de confort, note-t-elle. C’est le but recherché aussi. Comme l’activité se fait en petite équipe, tous les membres d’une équipe observent la même chose sans nécessairement voir la même chose. Ça montre aussi que lorsqu’ils vont observer un patient, il ne faut pas s’attarder qu’à la première impression. ll faut l’observer dans son entièreté. Dès qu’un patient entre dans le bureau, un médecin peut aller chercher beaucoup d’informations avant même de commencer à lui parler: son attitude, son expression faciale, sa démarche, des choses visibles dans la démarche. »
Une seule cohorte a expérimenté ces visites-ateliers, mais déjà, des résultats se font sentir, fait remarquer Dre Girouard: « À la fin de la première session, des professeurs nous ont spontanément dit que les habiletés communicationnelles de cette cohorte était supérieure à celle des autres étudiants rendus au même niveau. On peut imaginer que dans deux, trois ou quatre ans, que leurs compétences seront encore augmentées quand ils seront en pratique », conclut-elle.