La Biennale de sculpture contemporaine à la rencontre du public
La Biennale nationale de sculpture contemporaine (BNSC) est de retour dans cinq lieux d’exposition à Trois-Rivières du 20 juin au 13 septembre.
Les 14 artistes du Québec, de l’Ontario, du Nouveau-Brunswick, des États-Unis et de l’Allemagne sélectionnés se sont inspirés de la thématique Oui, dire! pour créer leurs œuvres.
« Avec la thématique »Oui, dire! », on voulait voir comment les rumeurs, les non-dits et les archives pouvaient amener les artistes ou des communautés à prendre action dans leur vie, dans leur communauté, à petite comme à grande échelle. C’est une thématique qui vient s’ancrer dans l’action », précise Audrey Labrie directrice générale et artistique de la BNSC.
« On a quelques artistes qui ont travaillé avec des archives, des faits concrets et des trucs qui ont pu être oubliés qui sont ainsi remis à jour pour poursuivre la sensibilisation et l’éducation des gens sur des enjeux », ajoute-t-elle.
Par exemple, Camille Turner et Tyshan Wright ont utilisé des archives pour parler de l’esclavagisme au Canada. Grâce à une salle de lecture d’archives futuriste, Camille Turner met en lumière l’implication du Québec et du Canada colonial dans la traite transatlantique de personnes africaines au moyen de navires construits sur les côtes québécoises.
Pour sa part, Tyshan Wright, inspiré par les pratiques ancestrales de sa diaspora, recrée des instruments de musique et de cérémonie, mais en en détournant la fonction et en substituant les matériaux provenant de sa terre d’accueil à ceux utilisés originalement.
Devenir une sculpture vivante
À plusieurs occasions durant l’été, la Biennale nationale de sculpture contemporaine ira à la rencontre du public à Trois-Rivières.
Le public sera notamment invité à prendre part à l’œuvre participative Porter une marche du Collectif Bonneau-Knight. « Le public pourra porter un dispositif faisant en sorte que le son de la marche de quelqu’un d’autre soit projeté dans la rue. La démarche est inspirée d’études qui démontrent que notre pas va se synchroniser avec celui de quelqu’un d’autre. Ce sera super intéressant! On prévoit faire une marche avec les gens de COMSEP. Le public devient, d’une certaine façon, une sculpture vivante qui se promène. C’est une expérience ludique », explique Audrey Labrie.
Il y aura différents temps de marche, selon si on la souhaite plus ou moins longue. Les dispositifs sont disponibles à la Galerie d’art du Parc pour que les personnes souhaitant l’essayer puissent le faire quand elles le voudront cet été.
Aussi, l’événement Enjeux immatériels, organisé en collaboration avec Voix de Pasaj et le Regroupement des Amazones d’Afrique et du Monde, permettra aux différents publics de parfaire leur compréhension et leurs connaissances du multiculturalisme et de la lutte contre le racisme par le biais de visites commentées d’expositions, d’une conférence, d’ateliers créatifs et de prestations musicales et poétiques. Pour cette occasion, la BNSC accueillera d’ailleurs l’historien de renommée internationale Webster à titre d’invité d’honneur.
Dans un autre temps, une série d’ateliers de créations performatives en lien avec la thématique sera au cœur du projet Qu’en dira-t-on? Cela prendra la forme de quatre rencontres avec des artistes exposant à la Biennale nationale de sculpture contemporaine. Les rencontres se déploieront de différentes façons durant l’été.
« Arkadi Lavoie Lachapelle travaille sur les soins post mortem. L’artiste ira rencontrer des aînés pour recueillir des témoignages. Marc-Antoine K Phaneuf donnera un atelier d’écriture identitaire pour explorer les limites de ce que c’est être québécois en 2024 et sur les stéréotypes en lien avec avec la nation québécoise. Ça se fait en collaboration avec le SANA, mais tout le monde est invité à participer aux discussions. On va également faire un atelier de perlage traditionnel autochtone. Il y aura aussi des ateliers de papier donnés en collaboration avec Innofibre à la Galerie d’art du Parc avec les guides », détaille Audrey Labrie.
La collaboration avec Innofibre – Centre d’innovation de produits cellulosiques se transposera aussi dans l’exposition d’Estela Lopez Solis, présentée au grenier de la Galerie d’art du Parc. L’artiste s’est intéressée à la création d’un papier fabriqué avec des fibres de sisal d’origine mexicaine, récupérées de sacs destinés au transport de marchandises agricoles. L’œuvre porte des inscriptions qui racontent l’histoire de l’exploitation humaine coloniale et postcoloniale reliée à la culture et au commerce du sisal et d’autres matières provenant des Amériques.
Oser l’art cet été
L’événement peut sembler abstrait aux yeux de plusieurs, mais Audrey Labrie invite les gens à ne pas être gênés de mettre le pied dans un centre d’exposition ou une galerie d’art pour participer aux activités de la Biennale et voir les œuvres.
« Il n’y a pas de code vestimentaire et c’est gratuit pour entrer dans les lieux qui présentent la Biennale. On essaie vraiment de s’orienter dans un esprit d’inclusion et pour rendre l’art accessible. L’idée est d’accueillir des familles et faire en sorte que les gens se sentent représentés. À la Galerie d’art du Parc, les guides sont là pour accueillir les visiteurs et les accompagner, répondre à leurs questions. On ne veut pas que ce soit gênant de rentrer à la Galerie », conclut-elle.
La programmation détaillée de la Biennale nationale de sculpture contemporaine est disponible au www.bnsc.ca.
Lieux d’exposition
- Galerie d’art du Parc (rue des Ursulines)
- Centre d’exposition Raymond-Lasnier (Maison de la culture de Trois-Rivières)
- Espace Pauline-Julien (rue Fusey)
- Galerie R3 – Université du Québec à Trois-Rivières (campus UQTR)
- Atelier Silex (rue du Père-Frédéric)
- Centre d’art Jacques-et-Michel-Auger (Victoriaville)
Coup d’œil sur les artistes
Galerie d’art du Parc
- Porter une marche par le Collectif Bonneau-Knight (Kingsey Falls)
Bonneau-Knight poursuit sa recherche sur la résonance du corps à son environnement en exploitant l’imaginaire en lien avec la marche. Porter une marche s’inspire d’études démontrant que la synchronisation des pas de deux personnes augmente l’empathie de l’une envers l’autre.
- Mélanger les bélugas par Maryse Goudreau (Escuminac)
Maryse Goudreau a réalisé un petit bateau doté de moteurs en bois, ceux-ci faisant écho à ses images d’étude du béluga à Churchill. Bien que tout le monde puisse faire de l’observation de bélugas en mer, les perceptions individuelles et les contributions scientifiques peuvent s’y mélanger ou s’opposer selon l’angle adopté.
- Curiosité par Marc-Antoine K. Phaneuf (Québec)
La création furtive, Curiosité, n’est pas accompagnée d’un cartel l’identifiant comme oeuvre d’art. Elle se veut un trompe l’oeil dissimulé dans l’espace public : un morceau de fiction qui se fond dans le réel ordinaire de la ville. Elle incite les passants à se questionner : quelles circonstances ont mené à cette oeuvre?
- La chambre de Chiron par arkadi lavoie lachapelle (Montréal)
Le projet La chambre de Chiron aborde l’ancienne pratique de » la visite du corps (défunt) à la maison » et jette des ponts entre la diffusion domestique – à la fois de l’oeuvre et du corps – et le lieu possible d’une expérience intime et mythique.
- Notre douleur par Estela Lopez Solis (Orford)
Invitée par la Biennale à collaborer avec Innofibre, Centre d’innovation de produits cellulosiques, l’artiste s’est intéressée à la création d’un papier fabriqué avec des fibres de sisal d’origine mexicaine, récupérées de sacs destinés au transport de marchandises agricoles. L’oeuvre porte des inscriptions qui racontent l’histoire de l’exploitation humaine coloniale et postcoloniale reliée à la culture et au commerce du sisal et d’autres matières provenant des Amériques.
- Afronautic Research Lab par Camille Turner (Toronto)
Dans une salle de lecture d’archives futuriste, l’Afronautic Research Lab amène le public à découvrir des bribes d’un passé oblitéré et réduit au silence. La version présentée ici met en lumière l’implication du Québec et du Canada colonial dans la traite transatlantique de personnes africaines au moyen de navires construits sur les côtes québécoises.
- Home Slice par Nico Williams (Montréal)
Entremêlant les bribes de souvenirs incertains et un réalisme frappant, Home Slice explore l’univers du pawnshop, ce lieu réceptacle d’anecdotes et de rumeurs où se côtoient des centaines d’objets disparates dont la nature vacille entre la réalité et la fiction.
Centre d’exposition Raymond-Lasnier
- Extraction Out of Frame par Sanaz Sohrabi (Montréal)
Dans cette exposition, l’artiste examine l’intersection de plusieurs domaines : les études scientifiques et technologiques, les cultures visuelles de l’extraction des ressources fossiles et de l’histoire de la photographie ainsi que les productions cinématographiques de la compagnie British Petroleum (BP).
- Maroon Camp II par Tyshan Wright (Halifax)
Les oeuvres de Tyshan Wright sont issues des histoires, des traditions culturelles et de la spiritualité de sa communauté, les Marrons. L’artiste s’intéresse entre autres au Myal, qui est un rituel sacré s’étant développé durant la période de l’esclavagisme en Jamaïque. Inspiré par les pratiques ancestrales de sa diaspora, Wright recrée notamment des instruments de musique et de cérémonie, mais en en détournant la fonction et en substituant les matériaux provenant de sa terre
d’accueil, le Mi’kma’ki, à ceux utilisés originalement.
Atelier Silex
- Ardor for Unconformity par Shuyi Cao (New York)
L’oeuvre Ardor for Unconformity envisage le processus de la fossilisation – avec toute son ambiguïté, sa divergence et ses contradictions – comme une forme de fabrication de sens. Reproduction d’un site paléontologique fictif, elle présente des fossiles imaginaires qui évoquent la matière latente et résiduelle entre la vie et la mort, et qui s’imbriquent dans notre monde contemporain conditionné par le capitalisme extractif et l’écologie sombre.
Espace Pauline-Julien
- Le reel oublié par Rémi Belliveau (Memramcook)
Le reel oublié est une installation interdisciplinaire qui tente de reconstituer des épisodes spéculatifs de la vie du violoneux acadien Eloi LeBlanc (1909-1978). Par la mise en scène d’un violon dont il aurait prétendument été propriétaire, l’installation propose une série d’oeuvres-artéfacts qui interrogent l’authenticité du discours historique entourant ce musicien et son mythe.
Galerie d’art R3
- Social Geometry par Clemens Von Wedemeyer (Berlin)
L’oeuvre Social Geometry semble se concevoir d’abord comme une vidéo éducative en noir et blanc impliquant une voix hors champ. Le public plonge au coeur d’une représentation de personnes qui se convertissent en différents points. De là, apparait une esthétique rappelant à la fois des constellations du zodiaque et des stratégies de cybercriminels.