Gabriel Mondor fait découvrir son univers

Rien ne prédestinait réellement Gabriel Mondor à devenir un artiste. Issu d’une famille d’agriculteurs de génération en génération depuis l’arrivée de ses ancêtres en Nouvelle-France, il s’imaginait faire des études en agronomie. Chez lui, l’art, c’était de la décoration. Une commodité. Son inscription dans le programme d’Arts visuels du Cégep de Trois-Rivières a tout changé.

C’était il y a neuf ans. « Je sentais le besoin de partir étudier loin de la maison. Je sortais d’un milieu rural et je n’avais jamais vu d’art contemporain avant mes 18 ans et je n’avais jamais mis les pieds dans un musée d’art, raconte-t-il. J’ai réalisé au Cégep que j’aimais réfléchir à quelque chose et donner un sens à une chose qui pouvait, à priori, ne servir à rien. C’est la première fois que j’entendais dire que c’était possible d’être artiste et d’en vivre. À l’université, j’ai trouvé ce que peut apporter l’art. »

Jusqu’au 2 avril, Gabriel Mondor présente son exposition « Perspectives imprimées » à la Galerie d’art du Parc, sur la rue des Ursulines.

Cette exposition ramène directement à ses racines, à la terre familiale dans Lanaudière. « Ça me vient d’intérêts qui sont personnels. C’est un peu autobiographique, mais le premier vrai lien qui connecte le tout, c’est l’estampe. Je voulais faire une exposition d’estampe, l’amener ailleurs: où ça s’arrête, où ça commence, dans son processus avec la presse… Toutes ces pratiques sont liées à travers ma démarche. »

Il s’intéresse particulièrement aux spécificités des techniques traditionnelles de l’estampe, comme la gravure sur bois, la manière noire et la sérigraphie, jusqu’à l’étape de la presse, le tout confronté aux technologies actuelles.

L’artiste de la relève explore également la physicalité de l’œuvre à travers son processus de création et le regard du public. Plus concrètement, Gabriel Mondor s’intéresse au potentiel d’interprétation de la création selon l’expérience subjective du visiteur.

« C’est cette subjectivité qui permet à une personne de vivre une œuvre selon son individualité, car c’est de là que jaillit l’expérience. Selon l’angle dans lequel tu regardes l’œuvre et ton propre parcours de vie, tu ne vivras pas la même expérience que le visiteur qui la regarde d’un autre angle, décrit-il. Je suis un artiste par conviction parce que pour moi, c’est important et je crois que l’art peut faire une différence. Ça permet de s’ouvrir à l’autre, de confronter quelque chose d’inusité. Je trouve que ça a un sens de faire vivre quelque chose de différent, de confronter l’autre sur la notion de l’autre versus sa propre subjectivité. C’est l’art qui va au-delà d’un objet ou d’une commodité. Je ne fais pas de l’art pour être vendu. Pour moi, l’art est fait pour être vécu. »

Une incursion dans sa tête

L’exposition se divise en quatre séries d’œuvres qui sont toutes accompagnées d’un cartel de présentation. Toutefois, plutôt que d’avoir opté pour une courte présentation traditionnelle, Gabriel Mondor présente des extraits tirés de ses cahiers de notes, faisant plonger le visiteur dans sa tête durant son processus créatif.

« C’est dans une volonté de partager. Je vous donne ça de la façon la plus authentique possible. C’est la genèse des œuvres, précise-t-il. Je n’ai pas raffiné mes notes. C’est brut. C’est une façon d’ouvrir le dialogue avec les visiteurs. Je me dis que quand tu reçois quelque chose de très personnel comme ça, ça enclenche peut-être le processus de s’ouvrir à des œuvres. »

« D’habitude, un cartel, c’est intellectuel, court et technique. Si on t’apporte du concept, c’est très dense et souvent inaccessible pour beaucoup de personnes, poursuit Gabriel Mondor. C’était important pour moi de faire ces cartels. Si j’aime l’art contemporain, je sais que tout le monde peut l’aimer. À mon sens, tout ce dont on a besoin pour ça, c’est une ouverture d’esprit. Après, tout peut t’arriver et tu peux vivre pleinement les œuvres d’art contemporain », souligne-t-il.

Des projets à la tonne

« Gabriel Mondor est une relève très forte. On va le voir beaucoup », avait avisé la directrice générale de la Galerie d’art du Parc, Audrey Labrie. Le jeune artiste, qui a gradué de l’Université du Québec à Trois-Rivières a notamment remporté le Prix Silex, la bourse Denis-Charland et le Prix de l’URAV pour la recherche-création. Il a également remporté le Prix Loto-Québec de l’artiste de la relève de la Biennale internationale d’estampe contemporaine de Trois-Rivières et le Prix de la relève Godro remis par la Ville de Trois-Rivières.

Les projets se bousculent d’ailleurs devant lui jusqu’en 2025. L’artiste multidisciplinaire présentera trois expositions solos et deux dans les années suivantes, de même que trois expositions collectives et une résidence d’artiste. Quelques-uns de ces projets auront lieu à Trois-Rivières.

« C’est extraordinaire ce que je vis, surtout que je m’étais préparé à avoir un deuxième emploi tout le temps. Je me disais que je n’aurais pas assez d’opportunités dans la vie artistique, mais en octobre, j’ai réalisé que j’étais booké jusqu’en 2025! C’est très intimidant comme expérience, mais dans la vie, je veux créer. Je veux être un artiste. Les opportunités sont là et, à mes yeux, la plus grande marque de respect que je peux donner à tout ça, c’est de m’y consacrer à 100% », conclut-il.