Documentaire « Sages & Rebelles »: la naissance autrement

« J’ai l’impression qu’on s’est fait voler nos accouchements. »

Cette phrase prononcée par la chercheuse Andrée Rivard dans le documentaire Sages & Rebelles est lourde de sens et amène son lot de questions. Les femmes ont-elles réellement le choix de leur accouchement? Et dans le processus, connaissons-nous vraiment le rôle des sages-femmes?

Dans ce premier documentaire qu’elle réalise, la Trifluvienne Claudie Simard s’est intéressée à la pratique sage-femme au Québec. En suivant plusieurs sages-femmes auprès des parents qu’elles accompagnent, la réalisatrice y dévoile une réalité loin des clichés.

« Quand j’ai quitté mon emploi de journaliste à Radio-Canada, j’avais déjà quelques idées en tête pour des documentaires, dont celle-ci. Je voyais notamment un enjeu en ce qui concerne la formation. En jasant avec des sages-femmes, je me sentais bousculée. Elles me dérangeaient dans des propos et j’ai commencé à me demander pourquoi ça me bousculait tant, raconte Claudie Simard. Pourquoi ça me dérangeait, pourquoi ça remettait en question la conception de l’accouchement? Ça m’a fait remettre en question mon accouchement difficile quand j’ai réalisé que ça aurait pu être différent. J’ai su que je tenais une bonne idée. »

De la Mauricie au Québec, en passant par la Gaspésie jusqu’à Vancouver avec un arrêt dans la communauté crie de Chisasibi, Claudie Simard dresse un portrait de l’état des lieux au Canada et soulève plusieurs questions en lien avec le peu de promotion à l’égard des sages-femmes et les enjeux qui viennent freiner l’épanouissement de cette pratique.

« J’ai été émue de voir la rencontre entre une sage-femme et des parents accompagnés. Ce respect qui s’en dégageait et la glorification de l’accouchement m’ont émue. Le soin, l’écoute, le temps qui est pris… La sage-femme vient aussi valider les émotions des parents. C’est là que j’ai vu qu’il y avait un film. C’est un plaidoyer pour prendre soin des femmes enceintes », ajoute-t-elle.

En trame de fond, il y a ce combat féministe du choix de son accouchement et, dans le cas des femmes de la communauté de Chisasibi, avoir la possibilité d’accoucher au sein de leur communauté plutôt que de devoir prendre l’avion pour aller accoucher dans un hôpital à l’extérieur.

Mais l’accès aux services des sages-femmes s’avère encore compliqué, car elles ne sont que 230 à pratiquer au Québec. En moyenne, 4,3% des naissances accompagnées par les sages-femmes au Québec comparativement à près de 25% en Colombie-Britannique.

L’exercice a aussi mené la documentariste à replonger dans les souvenirs de ses deux accouchements. « On pourrait croire que j’ai voulu creuser ce sujet parce que c’était personnel au départ, mais en fait, c’est devenu personnel en cours de route. En discutant avec une intervenante pour le documentaire, j’ai appris que j’avais vécu un trauma pendant mon accouchement », confie-t-elle. Elle n’est pas la seule. Environ 20% des femmes ayant accouché auraient eu un ou des symptômes traumatiques après l’accouchement.

« Avec ce documentaire, je veux que les sages-femmes reçoivent de l’amour et qu’elles cessent de quitter la pratique. L’an passé, ce sont 10% d’entre elles qui ont quitté la pratique. Elles peuvent subir du mépris et des préjugés,mais elles ont la job d’informer les gens pour redonner à cette profession la beauté que c’est. J’aimerais qu’on prenne soin de ces femmes qui, elles-mêmes, prennent soin des femmes qui portent la vie », indique-t-elle.

Le documentaire Sages & Rebelles sera diffusé le 4 mars à 22h30 dans le cadre de Doc humanité à Radio-Canada. Le film sera aussi disponible sur la plateforme ICI.TOU.TV.

Un premier documentaire

C’est en avril 2020 que Claudie Simard a décidé de quitter son emploi de journaliste pour se lancer dans la réalisation de documentaires. Il faut dire qu’elle avait eu la piqûre durant le projet Ursulines pour la vie qu’elle avait scénarisé. Elle a également  fait le choix de réaliser des documentaires sans quitter la région, un choix audacieux considérant que la majorité du réseautage se fait du côté de Montréal. Toutefois, la pandémie lui aura permis de prendre part à beaucoup d’activités de réseautage en ligne pour se faire connaître.

« Le projet sur les Ursulines avait été nourrissant. Faire ce saut dans le vide a été facile quand j’ai accepté que c’était mon besoin. J’ai vécu de l’insécurité par la suite, mais il y avait toujours un petit signe rassurant sur ma route. C’est ce qui m’a permis de continuer », explique Claudie Simard. Au printemps 2021, elle signait une entente de développement pour son film.