Temps des sucres: une saison difficile à prévoir?
PRÉVISION. Qui dit printemps dit cabane à sucre, sirop d’érable et tire sur la neige. Vous serez bientôt rassasié, car le temps des sucres est bel et bien à nos portes…
L’Hebdo Journal s’est entretenu avec Éric Bouchard, président du Syndicat des producteurs acéricoles de la Mauricie.
Prévoit-on une bonne saison côté récoltes?
«C’est Dame Nature qui va décider encore cette année. Nous allons vraiment le savoir en fin de saison. Si on s’était parlé au début du mois de mars, je vous aurais dit que nous allions commencer tôt, car la température était clémente. Or, nous avons eu de bonnes bordées de neige dernièrement et le froid est revenu. Notre hiver ne part pas!»
«On s’attend à une saison très concentrée, donc étalée sur une courte période de temps. Et ça dépend toujours des endroits. À Saint-Hyacinthe et à Valleyfield, par exemple, les températures étaient plus douces alors ils ont commencé plus tôt.»
Quelles sont les conditions idéales?
«Côté pratique, il faut un gel de nuit et un dégel le jour. Présentement, nous n’avons pas cette période de dégel, car il fait froid le jour. Ça ne favorise pas beaucoup nos producteurs. De la pluie aussi nous aiderait beaucoup.»
«La neige aussi tarde à s’en aller. Et nous n’avons pas eu beaucoup de soleil dans le jour. Ça nous aiderait à réchauffer les arbres pour favoriser l’écoulement. Disons que pour le moment, le climat n’est pas de notre bord.»
Et qu’advient-il de nos récoltes?
«Le Québec exporte tout près de 90% de sa production, dont 60% se retrouvent aux États-Unis. De grandes chaînes s’approprient également de notre sirop telles les Costco, Wal-Mart et compagnie.»
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Québec nuit-il à ses producteurs… ou pas?
Alors que la Fédération des producteurs acéricoles du Québec (FPAQ) est aux prises avec d’importants surplus invendus, on observe une augmentation des importations de sirop d’érable au Québec, dont la quasi-totalité provient des États-Unis. C’est ce qu’est venue montrer une publication lancée par l’Institut économique de Montréal (IEDM).
On peut également y lire que depuis que la FPAQ contrôle à la fois la production et la mise en marché, le Québec perd du terrain par rapport à ses concurrents.
«Pendant que la FPAQ s’acharne sur les producteurs qui tentent de se libérer de son emprise, ceux qui sont situés à l’extérieur de la province profitent de la stabilité des prix et d’un marché libre pour soutirer des parts de marché au Québec», souligne Alexandre Moreau, analyste en politiques publiques à l’IEDM et auteur de la publication. «Comble de l’ironie, ce sont souvent des producteurs qui ont quitté le Québec pour fuir les contraintes imposées par la FPAQ.»
«C’est une étude qu’ils sortent année après année, avec des chiffres à l’aveugle», s’oppose Éric Bouchard, président du Syndicat des producteurs acéricoles de la Mauricie. «Ils se fient sur des productions annuelles alors qu’ils devraient faire une moyenne des dernières années. Et ils tombent sur une année où le Québec a eu une mauvaise production à cause de la température, comparativement aux États-Unis qui en auraient eu une bonne.»
«Et les producteurs sont satisfaits du FPAQ à plus de 80%, alors ils basent peut-être leurs dires sur les propos émis par les contestataires», ajoute-t-il. «N’oublions pas que ce sont des producteurs qui ont démarré la Fédération et qui ont décidé de se regrouper pour que le développement se fasse de façon ordonnée et avec beaucoup plus de rigueur. Et on le voit l’engouement des gens.»
Et à propos des producteurs qui ont quitté la Belle Province?
«Des médecins aussi quittent le Québec? Peut-être pour de meilleures conditions ou pour profiter d’une opportunité? Ce sont des choix personnels rendu-là. Et n’oublions pas qu’ils s’y retrouvent grâce à l’expertise qu’ils ont acquise au Québec?», commente M. Bouchard.
Par conséquent, la part de la production mondiale de sirop d’érable détenue par le Québec est passée de 82% en 2003 à 72% en 2017, alors qu’elle était en hausse constante depuis les années 1970.
«Nos règles contraignantes nuisent aux producteurs d’ici. Les acériculteurs québécois qui cherchent à développer leur entreprise en dehors du régime imposé par la FPAQ s’exposent à des perquisitions, des saisies et des pénalités pouvant atteindre plusieurs centaines de milliers de dollars», explique M. Moreau.
«On ne perd pas de part de marché», lance pour sa part M. Bouchard. «C’est facile de lancer des chiffres par rapport à une année X. C’est vrai que les États-Unis ont ajouté 6 millions d’entailles, mais pendant la même période, le Québec en a ajouté 20 millions. Et ils ne parlent certainement pas de l’année 2017 alors qu’on a vécu une année record. On a établi des records au niveau des ventes, de la production et des revenus des producteurs.»
L’IEDM ajoute que, considérant le fait que la Belle Province exploite près de 50% de son potentiel, comparativement à 5% du côté américain, il est impératif de redonner aux producteurs québécois leur liberté de produire et de leur permettre de vendre leur sirop d’érable sans être soumis aux diktats de la FPAQ. Sans quoi, leur part de marché continuera vraisemblablement à diminuer.