«Si je décède bientôt, je laisse un cadeau pourri à mes enfants»
PYRRHOTITE. «J’ai su que ma maison avait de la pyrrhotite le lendemain du décès de ma femme, qui se battait contre un gros cancer du cerveau depuis près de 7 ans.»
Réjean Servant est l’une des nombreuses victimes de la pyrrhotite à Trois-Rivières. Faisant partie de la «zone grise», il se retrouve complètement au dépourvu.
Le travail l’ayant mené en Mauricie, c’est en 2003 que M. Servant a acheté sa maison sur la rue Ledoux, dans le secteur Trois-Rivières Ouest. «Quand j’ai acheté ma maison à Trois-Rivières, je savais qu’il y avait de la pyrrhotite ici, mais on m’avait assuré que ma maison n’en avait pas», raconte-t-il.
Cette énorme tuile lui est tombée sur la tête en 2013. «Le contracteur qui a fait la maison m’a appelé pour me dire que c’était sûr à 99 % que j’avais de la pyrrhotite parce que le béton était celui de Béton Boisvert. J’ai donc fait faire un test et on me dit aujourd’hui que je fais partie de la fameuse zone grise.»
Rappelons que le taux de pyrrhotite reconnu par le juge lors du jugement est de 0,23. Or, la maison de M. Servant a un taux de 0,19. «Je n’ai aucune fissure, ma maison est en bon état pour le moment, mais ça ne veut pas dire qu’elle le restera, indique-t-il. Elle est à risque. La maison a 12 ans et elle n’a pas encore de fissures. Sans fissure, je ne peux rien faire. Je suis pris au piège.»
Il craint d’y mourir
Seul dans sa grande maison, il craint d’y mourir. «Je ne peux pas la vendre. Même si je la vendais à perte, je mettrais une famille dans le trouble parce que les acheteurs n’auraient plus droit aux sous donnés pour refaire les fondations si des fissurent apparaissent. Je ne peux pas donner les clés à la banque, elle est payée. J’ai même pensé la donner à une famille démunie, mais je ne peux pas faire ça, je leur donnerais des problèmes.»
Un héritage empoisonné
Ne voyant plus la lumière au bout du tunnel, M. Servant a même parlé à ses enfants de renoncer à l’héritage.
«Je suis malade et je ne sais pas combien de temps je vais vivre, confie-t-il. Si je décède bientôt, je laisse un cadeau pourri à mes enfants. C’est un énorme problème que je vais leur laisser. J’ai commencé à leur parler de renoncer l’héritage, qui est la maison. Ils sont tous à l’extérieur de la région, qu’est-ce qu’ils feraient avec une maison à problème qui ne vaut rien?»
«Tu vieillis en te disant que tu vas laisser quelque chose à tes enfants, mais je ne peux pas leur donner ça. Je ne veux pas leur donner des problèmes. Je ne sais pas ce que je vais faire avec ça. Je ne vois pas le bout du tunnel. Il n’y a aucun bout. Tous les acteurs concernés se lancent la balle et nous, on reste dans notre malheur en attendant. Il y a eu des suicides et il y en aura d’autres.»
Fut un temps où Réjean Servant pensait en finir ainsi. Heureusement, il a eu de l’aide. «Je trouve ça très dur et je ne sais pas si on va s’en sortir. Je suis conscient que je vais mourir ici. Mes voisins sont dans la situation. Les gens pleurent et sont déprimés», conclut-il.