«Ma plus grande fierté, c’est d’avoir repris ma vie en main» – Jean

Jean (nom fictif) a commencé à «se geler» dès l’âge de 15 ans. Il a contracté le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) à 45 ans. Se fiant aux vieilles croyances, il pensait mourir dans les mois suivants. Jamais il n’aurait pu se douter retrouver la vie normale qu’il occupe désormais…

Jean nous a d’abord confié avoir accepté de témoigner afin de faire connaître la cause et faire tomber les tabous qui accompagnent le VIH depuis plus de 30 ans.

Issu d’une famille de six, Jean a grandi au centre-ville de Montréal. Il a eu une belle enfance malgré qu’il provienne d’un milieu défavorisé. Il est rapidement tombé dans la toxicomanie et dans la délinquance. Il a beaucoup travaillé également, notamment dans le domaine de la construction, de la cuisine et dans le milieu des bars.

Il a contracté le VIH en 2008, pour ensuite se séparer deux ans plus tard et regagner la Mauricie.

«Lorsque je l’ai appris, j’étais en couple et en thérapie pour la toxicomane. Ce ne fut pas facile, mais j’ai dû l’annoncer à ma conjointe du moment et heureusement, elle ne l’avait pas contracté. (…) On n’en parlait pas vraiment. Elle avait deux enfants et ma médication était cachée. Nous nous sommes séparés deux ans plus tard», témoigne-t-il.

Jean était certain qu’il allait mourir.

«J’avais la même pensée que tout le monde dans les années 90. Le bout le moins drôle, c’est d’en parler à la famille. Quand j’ai téléphoné à ma mère, elle sentait qu’il y avait quelque chose dans ma voix. Mon gros argument, c’était qu’aujourd’hui, on peut vivre avec ça sans problème et ce n’est plus la fin du monde.»

«Je l’ai rassuré du mieux que je pouvais, mais je ne saurai jamais comment elle a réagi chez elle. La connaissant, elle en a sûrement pleuré un coup. Au fil des années, j’ai dû l’annoncer à mes cinq frères et sœurs. La chose a été bien reçue parce qu’on est quand même assez ouvert. Je ne me suis pas senti jugé.»

Le VIH s’est rapidement attaqué à son système immunitaire. Il aura fallu un an et demi avant qu’il puisse se refaire une santé.

«Ma séparation a aussi entraîné une phase de dépression. Je me retrouvais avec le VIH et l’épée de Damoclès au-dessus de la tête. Je me disais «ai-je un avenir?» et «serais-je aimé à nouveau?». L’être humain a besoin d’amour. C’est là que j’ai rencontré Anick (Beneke) qui m’a fait comprendre que j’avais encore un avenir devant moi, car quand je l’ai eu, la trithérapie existait déjà alors ç’a été plus facile pour moi de me soigner. Je n’ai pas eu à vivre la grosse médication d’avant avec des effets secondaires incroyables», explique-t-il.

«Ceux qui meurent du VIH maintenant, ce sont ceux qui ne prennent pas soin d’eux et ne respectent pas leur médication, alors la maladie prend le dessus. Pour ma part, je prends mes pilules une fois par jour, je fais attention à mon alimentation et j’ai maintenant une espérance de vie.»

Ah, l’amour!

Jean est heureux aujourd’hui pour plusieurs raisons, mais surtout parce qu’il a retrouvé l’amour, le vrai.

«Un soir, j’étais chez mon voisin avec qui j’aimais prendre un coup et une femme était là. Elle avait accroché sur moi. C’est venu sur le sujet que j’avais le VIH, mais elle semblait ne pas nous croire. On s’est revu ensuite et un jour où nous étions à la plage, je lui ai apporté un petit dépliant à propos du VIH. C’est là qu’elle a réalisé que jetais sérieux, mais elle était déjà en amour avec moi», souligne-t-il.

«Elle m’a posé des questions et je lui ai fait rencontrer mon intervenante sociale à Saint-Jérôme. On a fait des tests chacun sur notre côté. On se protégeait. Lorsqu’on a eu nos résultats, c’est elle qui a pris la décision d’enlever le condom, car j’ai atteint avec charge virale indétectable. C’est vraiment elle qui a pris cette décision, sans que je ne fasse aucune pression. Ça fait trois ans que nous sommes ensemble et tout se passe bien. On se soumet à des examens aux trois mois pour être certain.»

Pour que la maladie reprenne le dessus sur la santé de Jean, il faudrait qu’il délaisse la médication pendant un an, peut-être même plus.

Donner au suivant

Aujourd’hui, Jean redonne de son temps et de son expérience pour la maladie en travaillant dans une maison d’accueil dédiée aux personnes atteintes du VIH.

«J’étais impliqué à Saint-Jérôme, alors je tenais à m’impliquer ici aussi. J’y travaille une vingtaine d’heures par semaine en organisant des activités pour les personnes atteintes. Je veux leur montrer que la vie n’est pas finie et que c’est encore possible d’avoir une vie! Je suis un des rares qui est en couple, car ce n’est pas facile de trouver quelqu’un comme ma douce, qui accepte et qui est ouvert à ça.»

«C’est dans le but de sauver ma peau aussi. Je n’ai plus l’âge de courailler et d’aller dans les bars. Je veux m’occuper! Je veux militer pour la cause et c’est important pour moi. Ça me fait du bien au moral.»

Effectivement, une personne atteinte du VIH se voit souvent délaissée par ses proches et doit faire face à la maladie confrontée à elle-même.

«J’ai rencontré un gars dans la fin-vingtaine qui était préoccupé et je lui ai fait comprendre qu’à son âge, il a de l’avenir. C’est triste pour les personnes seules. Il faut faire connaître les ressources qui existent et il faut aller consulter les intervenantes. Oui, tu peux avoir une vie normale maintenant, et oui, tu peux aller travailler normalement», lance-t-il.

«On vit encore le rejet. J’ai retrouvé une ancienne connaissance sur Facebook et on a été souper ensemble. À la fin de la soirée, je lui ai dit que je suis atteint du VIH. Je n’ai jamais eu de nouvelles par la suite. C’est pareil en amour? Je le dis ou je ne le dis pas? Je le dis quand? Il faut se faire confiance. Aujourd’hui, c’est rendu plus normal. Une femme qui a atteint une charge virale indétectable peut même enfanter sans le transmettre.»

Et sa plus grande fierté?

«C’est d’avoir repris ma vie en main et d’avoir compris que j’ai de l’avenir. Pour ce qui est de ma conjointe, c’est une chance que j’ai, c’est une opportunité incroyable. C’est la vie qui m’a gratifié», conclut-il.