Près de 50 ans au volant d’un bus scolaire

«Je transporte maintenant des enfants de parents que j’ai transportés» – Louise Chamberland

ENTREVUE. Louise Chamberland approche les 50 ans d’expérience en tant que conductrice d’autobus. Et n’allez pas croire que l’heure de la retraite a sonné…

La Trifluvienne se souvient où tout a commencé.

«J’ai commencé chez Carrière et frères où se trouve le Bingo actuel, sur le boulevard Saint-Maurice. On conduisait des autobus scolaires l’hiver et on conduisait des autobus de ville l’été. Je l’ai fait pendant cinq ans. Ensuite, j’ai été engagé ici (Cossette/Pellerin/Scobus-Groupe Gaudreault), en 1975», lance-t-elle d’emblée.

«J’ai eu mon permis à 16 ans et je conduisais beaucoup. Mon père disait: «Elle, tant qu’elle sent le gaz, elle est bien!» Ma mère savait que j’aimais conduire et elle a vu une offre d’emploi pour chauffeur d’autobus dans le journal. C’est elle qui m’a trouvé mon emploi et elle s’en rappelle encore aujourd’hui. Elle est rendue à 98 ans et elle est en très bonne santé.»

À ce jour, elle compte deux routes à son actif le matin et trois routes le soir. Elle s’occupe également de sorties parascolaires.

«C’est ma passion! J’aime ça. Quand l’école finie, ça me met à l’envers. Je travaille un peu l’été quand il y a des voyages. Je trouve ça dur d’arrêter de travailler. Mes enfants me demandent souvent quand je vais prendre ma retraite? Je ne le sais pas. Je suis en forme et tant que j’aurai la santé, je vais continuer», ajoute celle qui a trois enfants, et maintenant trois petits-enfants.

«C’est niaiseux, mais je ne me vois pas arrêter! C’est plate hein? Mais j’aime conduire et j’aime mon métier. J’aime le contact avec les jeunes aussi. Je transporte maintenant des enfants de parents que j’ai transportés.»

La Trifluvienne a vécu beaucoup de changements technologiques, et sociologiques, à travers les décennies.

«Les jeunes ne sont pas pareils de nos jours, au niveau social. Il faut faire attention de les respecter et il faut les aborder de la bonne façon. S’il y a un conflit, il ne faut pas intervenir brusquement. J’ai déjà réprimandé un jeune qui m’avait répondu que son père viendrait me voir avec son bâton de baseball. Je lui ai répondu «Pas de problème». Le lendemain matin, le père était là et il a pointé son fils en lui disant qu’ils auraient une bonne discussion après les cours. Lorsque je regarde dans le miroir, ils savent ce que ça veut dire», témoigne-t-elle, tout sourire.

«Les autobus ne sont plus pareils non plus. Lorsque j’ai commencé, les autobus étaient manuels et ils n’avaient même pas de power-steering. On forçait! Maintenant, tout est électronique. On a beaucoup de pitons à peser.»

Les conducteurs choisissent leur parcours en début d’année scolaire. Mme Chamberland a œuvré sur le parcours Mond’Ami/St-Philippe pendant plus de 25 ans et se trouve présentement sur la route de Sainte-Thérèse/Cardinal-Roy/Saint-Pie-X/Chavigny et Three Rivers Academy/Mauricie English Elementary School. Elle ouvre les yeux à 4h45 avant de prendre la route de 7h à 9h. Elle revient au boulot en après-midi pour reprendre son service de 14h30 à 16h30.

Louise Chamberland. Photo Jonathan Cossette – Hebdo Journal

De mère en mère… en fils!

Depuis plus de 20 ans, son garçon est lui aussi conducteur d’autobus.

«Mon fils conduit lui aussi des autobus, chez Orléans (Express). Il avait été coupé à son usine et j’avais demandé à mon patron de le prendre. Il a fait environ cinq ans sur les autobus scolaires. J’avais le journal chez moi et je ne le lisais jamais. Un matin, je l’ai lu et j’ai vu qu’il demandait des chauffeurs chez Orléans. Ils l’ont pris tout de suite», confie-t-elle.

Beau hasard! C’est donc dire que dans les deux cas, c’est la mère qui a trouvé l’offre d’emploi de son enfant… en feuilletant le journal.

Respectez la loi

À l’ère où les compagnies de transport se demandent si elles devraient munir ses autobus de caméras vidéo, Mme Chamberland confirme que les automobilistes font preuve de négligence quant aux arrêts obligatoires, surtout aux abords des établissements scolaires.

Elle rappelle également aux lecteurs de ne pas s’impatienter lorsque l’autobus s’immobilise devant la voie ferrée. Outre la prévention des accidents, le conducteur a lui aussi un code de la route à respecter. Logique, non?

Ah, et avant de l’oublier! Pour ceux qui voudraient savoir son âge, je suis désolé. Un homme ne doit jamais demander son âge à une charmante dame.

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Quelques anecdotes au fil des ans…

«J’ai commencé à conduire avec une petite voiture sport et mes proches disaient que je ne serais pas capable de conduire un autobus. D’ailleurs, j’ai déjà emprunté une ruelle avec mon autobus, en hiver en plus. La rue était barrée et il y avait des voitures de stationnées partout. Il n’y a pas de place où je ne passe pas. Si je ne passe pas, ça veut dire que personne ne peut passer.»

«Lorsque je transportais des enfants de niveau maternel, je leur avais fait des bonshommes de neige avec des assiettes de styromousse. Dernièrement, j’ai rencontré un parent qui ne me reconnaissait pas vraiment. Je lui ai dit que je conduisais des autobus et il a tout de suite fait le lien. Il m’a dit que son enfant avait gardé le bonhomme et qu’il l’accrochait dans le sapin à chaque année.»

«J’ai connu des jeunes qui prenaient du pot dans l’autobus. Savez-vous ce que j’ai fait? J’ai ramené l’autobus au garage et j’ai demandé à l’inspecteur de leur appeler un taxi. Un d’entre eux s’était caché sous les bancs. Il m’a joué le tour, mais je l’ai reconnu en le débarquant.»

«Il y avait eu une tempête de neige et je devais me rendre au Camp Minogami. Je n’étais plus capable de monter la côte et ça faisait trois fois que je reculais. Je ne pouvais pas m’enliser, car il n’y avait pas de maison, ni de téléphone à proximité. J’ai décidé de descendre et de me donner un swing sans lâcher le gaz. J’ai réussi de justesse et une fois arrivée en haut, une ambulance me dépassait pour venir chercher un jeune blessé.»

«Dans le temps, on travaillait avec moins de règlements et il n’y avait pas de limite. J’avais 90 élèves dans l’autobus. Les derniers devaient entrer par la porte arrière. Un matin où la police surveillait, je suis allée porter une gang à l’école et j’avais dit aux autres de m’attendre sur un coin de rue. Je suis revenue les chercher par la suite.»