Le pédophile repère l’enfant dans son entourage

«Tu ne commets pas un meurtre pour les mêmes raisons, comme tu ne commets pas d’actes pédophiles sans raison.»

Daniel Bellemare est directeur général de la Maison Radisson à Trois-Rivières. Cela fait plus de 20 ans qu’il travaille auprès d’agresseurs de toutes sortes. Son rôle, de même que celui de tous les intervenants de l’organisme: influer sur la structure mentale de l’agresseur pour l’aider à changer.

«On constate qu’il existe plusieurs profils de pédophiles. C’est faux de dire qu’un pédophile est à tout, ou si oui, c’est très rare. Je n’en ai pas vu et j’ai peut-être côtoyé de 500 à 700 patients. Le profil le plus commun est celui qui n’a pas réussi à s’adapter au monde adulte. Il n’a pas maturé sur le plan psychosexuel parce que, par exemple, il a été l’objet de rejet pendant l’adolescence, mais pas par les enfants. Cela peut avoir créé une confusion chez lui et donc être attiré par de jeunes enfants puisque ce sont les seuls qui ne l’ont pas rejeté», explique-t-il.

Dans l’entourage

Une personne pédophile ne sautera pas automatiquement sur tout enfant qu’il voit, précise M. Bellemare.

«Les gens ont peur que des pédophiles extérieurs s’en prennent à leurs enfants, mais ils ne se préoccupent pas de ceux qui les côtoient. Pourtant, d’après des statistiques du gouvernement du Québec (2008), le délinquant connaissait la victime dans près de 89% des agressions sexuelles commises à l’égard d’un enfant.»

Abusés eux-mêmes

Le but de la thérapie est d’amener des modifications à la structure du pédophile. Pour ce faire, les intervenants tentent de lui faire constater ce qui l’a mené à être attiré par des mineurs. Une fois que le cheminement est trouvé et accepté, les intervenants peuvent commencer à travailler sur la structure de la personne.

«Ça tombe souvent dans des histoires morbides. C’est que les deux tiers des délinquants sexuels ont été abusés eux-mêmes étant jeunes. Mais il serait faux de croire que tous ceux qui ont été agressés deviennent délinquants. S’ils avaient été aidés pendant leur détresse, peut-être ne seraient-ils pas devenus des agresseurs», souligne Daniel Bellemare.

À la Maison Radisson, on base la thérapie sur la programmation neurolinguistique, ce qui ramène au fonctionnement même du cerveau humain.

«Prenons un bébé en exemple. Tout ce qu’il fait, il l’a vu, imaginé et reproduit, jusqu’à ce que ça devienne un automatisme. C’est le même principe quand on évalue l’évolution psychosexuelle de quelqu’un. Ça nous amène à trouver des façons différentes de travailler avec eux. Une fois que c’est trouvé, on peut alors amener le patient à créer un automatisme contraire en répétant, répétant et répétant», explique M. Bellemare.

Comme enfiler des bobettes!

Mais ce n’est pas évident de moduler un changement sur un automatisme.

M. Bellemare illustre la chose bien simplement: «C’est comme enfiler des sous-vêtements en commençant par l’autre jambe. On est mal à l’aise, on a l’impression d’avoir l’air fou. Juste de changer une simple séquence comme de mettre des sous-vêtements nous déséquilibre. Qu’on ne me dise pas que ça prend six mois pour un délinquant sexuel! Dans son cas, ce n’est pas qu’une séquence à laquelle il faut s’attaquer: c’est toute une histoire à modifier.»

Le temps de thérapie de chaque personne est différent. Certains peuvent même passer jusqu’à cinq ans dans la maison de transition.

Inceste

Si l’on se fie aux dernières statistiques du Service correctionnel du Canada, la thérapie menant à la réhabilitation en société porte fruit.

Le taux de récidive des pédophiles passerait de 16% pour celui qui n’a pas suivi de thérapie à 8% pour celui qui en a suivi une. Ce sont dans les cas d’inceste que le taux de récidive est le plus bas.

Sans prise en charge en thérapie, le taux de récidive des délinquants sexuels serait d’environ 35%.

 

Histoire de l’intervention sociale à Trois-Rivières

Fondée en 1975, la Maison Radisson a été l’une des premières maisons du genre au Québec à accepter les cas de meurtres. Le programme pour délinquants sexuels est apparu en 1991. La mission de l’organisme est de combler la «zone grise» de la population, c’est-à-dire ceux qui n’ont ni leur place en prison ni dans la société et qui sont refusés par les hôpitaux. «Ici, on accueille les personnes qui sont gérables socialement. On n’a pas de cas très lourds», précise Daniel Bellemare.

Au Québec, l’Institut Philippe-Pinel a été l’un des pionniers dans le traitement de la délinquance sexuelle.