Le jeu vidéo entre à l’école

Les jeux vidéo font partie du quotidien de milliers d’enfants, d’adolescents et même d’adultes partout dans la province. On en remarque de plus en plus les effets dans la société, mais aussi dans le milieu scolaire.

Les cours magistraux de trois heures, oubliez ça! Dans cette ère où l’instantanéité règne en vrai dictateur, il en faut beaucoup plus pour espérer capter l’attention des étudiants. «On vit dans une ère de rapidité constante et les jeunes d’aujourd’hui sont littéralement plongés dans les nouvelles technologies, Internet et les jeux vidéo. Au-delà des communications, ils sont devenus de véritables citoyens nomades au sens où ils peuvent tout consulter partout. Il leur faut donc plus de stimuli pour qu’ils soient attentifs et on ressent des impacts dans les classes», constate Daniel Landry, professeur de sociologie au Collège Laflèche.

Il s’agit d’un phénomène auquel devront s’habituer les enseignants puisque selon un rapport de l’Entertainement Software Association of Canada datant de 2009, 74% des Canadiens jouent tous les jours ou quelques fois par semaine avec des jeux vidéo. «Les délais n’existent presque plus: dès qu’on nous pose une question, il faut y répondre aussitôt. L’idée d’approfondir un sujet devient alors plus complexe. Auparavant, dans un cours, l’image complétait le texte. Là, c’est le contraire: c’est l’image ou la vidéo d’abord, puis la théorie», explique Stéphane Roy, collègue de M. Landry.

Mais les étudiants parviennent à identifier certains éléments d’une image et à les mettre en contexte: leur intelligence visuelle serait supérieure, tout comme leur intelligence spatiale visuelle, précisent les enseignants. C’est-à-dire que les collégiens de 2010 maîtriseraient mieux les images et la notion de trois dimensions.

Essai et erreur

«Ça nous oblige à être inductif dans notre approche, car de plus en plus de jeunes apprennent par la pratique, par le fameux «essai et erreur» ce qui leur permet de résoudre les problèmes étapes par étapes. On parle alors d’une approche plus près de la réforme, donc par projets et compétences. Par contre, l’aspect analytique perd de son importance», note M. Landry.

«Mais le virtuel réussit à les garder actifs et les amateurs de jeux vidéo peuvent devenir multitâches. C’est même surprenant de voir à quel point ils arrivent à être opérationnels sur différents écrans qui agissent en même temps», remarque M. Roy. «C’est une capacité qu’ils développent, mais aussi un besoin. Je me reconnais un peu dans ces étudiants: j’ai de la difficulté à me concentrer sur un seul dossier pendant deux semaines. J’ai besoin de plusieurs défis en même temps. Pour eux, ça va aussi se refléter sur le marché du travail…ce qui devrait intéresser les employeurs», ajoute son collègue qui entame la trentaine.

Bénéfique pour les futurs médecins

MM. Landry et Roy assurent toutefois que l’utilisation de jeux vidéo dans l’apprentissage de professions techniques serait justifiée. Différentes études – surtout américaines – démontrent que les jeux vidéo peuvent améliorer la dextérité manuelle, notamment chez les futurs médecins.

Le Science Daily cite en exemple la recherche menée par les scientifiques du Beth Israel Medical Centre de New York. Leurs conclusions révèlent qu’un chirurgien en laparoscopie jouant à des jeux vidéo est 27% plus rapide et fait 37% moins d’erreurs que ses confrères qui ne s’adonnent pas à cette activité virtuelle. «Ça signifie que les jeux vidéo ne sont ni bons ni mauvais, mais qu’ils sont plutôt des outils d’apprentissage puissants et qu’ils ont plusieurs effets auxquels nous n’aurions pu penser», conclut Douglas Gentile, psychologue et chercheur de l’Université de l’Iowa. «Ce n’est pas étonnant qu’ils développent des réflexes! Rappelons que les pilotes d’avion s’exercent sur des simulateurs», note Stéphane Roy.

Cet outil d’apprentissage n’est certainement pas pour déplaire aux futurs médecins: suite à un sondage, 98% des étudiants en médecine de l’Université du Michigan et du Wisconsin ont montré leur intérêt à apprendre dans un environnement virtuel via un logiciel de jeu de rôle.

Déjà présent

On peut déjà noter certaines utilisations des jeux vidéo dans le système d’éducation au Canada. Une école de Calgary a commencé à donner des cours d’éducation physique avec la Wii Balance Board. Plus près de chez nous, l’école secondaire de Rochebelle à Québec a introduit le célèbre jeu Dance Dance Revolution auprès de ses élèves de 1ère et 2e secondaire en 2008-2009.

«Il y a de belles utilisations à faire à l’école avec les nouvelles technologies, voire même avec les jeux vidéo, mais il faut éviter de les survaloriser. Ça doit rester un moyen et non une fin», insiste M. Roy.