La bisexualité : une orientation sexuelle à part entière

«Les bisexuels sont seulement des homosexuels qui ne s’assument pas», entend-t-on parfois. Faux.

D’après les différents sexologues interrogés, la bisexualité constitue une orientation sexuelle à part entière.

«La bisexualité a souvent été associée à la difficulté à se brancher sexuellement parlant. L’orientation sexuelle n’est pas un choix: c’est senti, c’est vécu. C’est drôle, pourtant, l’hétérosexualité est si fondamentalement ancrée qu’on ne se questionne pas à son sujet!» souligne Stéphanie Vermette, sexologue éducatrice.

Le «vrai» bi

La bisexualité se caractérise par la capacité d’être émotionnellement et / ou sexuellement attiré par les personnes des deux sexes, et ce en alternance. Il faut cependant définir ce qu’est un «vrai» bisexuel.

«Il existe différents genres de bisexuels. Il y a d’abord l’homosexuel qui se sait homosexuel, mais qui refoule son orientation en croyant que ses proches ne l’accepteraient pas. Il y a également la bisexualité ludique. C’est-à-dire qu’une personne fondamentalement hétéro peut avoir quelques expériences homosexuelles, mais ça ne demeure que pour assouvir une fantaisie», explique le sexologue Marc-André Juneau.

«Il y a aussi le bisexuel qui a besoin des deux sexes. D’un autre côté, il y a la personne bisexuelle qui choisit son partenaire pour ce qu’il est, qu’il soit un homme ou une femme. Dans ce cas précis, le fond prime sur le sexe», précise Mme Vermette.

Il existe peu de statistiques récentes quant à une quantification du nombre de personnes bisexuelles. Le chercheur Michel Dorais estimait en 1993 qu’on retrouvait en moyenne 17% d’hommes bisexuels et 10,5% de femmes bisexuelles. Son calcul se basait sur des données récoltées sur une période de 50 ans par Kinsey, Hite et Janus.

Jugés

«C’est difficile d’en parler. On a toujours donné un visage négatif à la bisexualité. Avec le mouvement gai et lesbien il y a 40 ans, on a fini par leur associer la normalité. Mais les bisexuels vivent ça différemment. C’est jugé. Je crois que c’est parce que le monde a besoin d’étiquettes pour se sécuriser, tant pour la religion, les opinions politiques que la sexualité», indique Pierre Soucis, sexologue.

Le sujet semble encore peu accepté si l’on se fie à certains commentaires sur des forums.

«En tout cas, si tout le monde est bi, moi je fais partie d’un autre monde et c’est bien tant mieux comme ça… Je déclarerai plutôt: tout le monde est f.u.c.k.é!» a écrit un certain patdum en réaction à un article titré «Tout le monde est bi?».

Discrimination

L’organisme Bi Unité Montréal assure que plusieurs bisexuels subissent de la discrimination des hétérosexuels et même des homosexuels.

Une étude de l’Université McGill menée par le Dr Brett Thombs a dévoilé en 2010 que les jeunes gais, lesbiennes et bisexuels sont plus à risque de développer des problèmes de santé mentale, incluant pensées suicidaires et tentatives de suicide.

Mais la statistique se confirme seulement si l’adolescent s’auto-identifie en tant qu’homosexuel ou bisexuel. S’il a eu des relations homosexuelles mais qu’il se décrit comme hétérosexuel, aucun impact n’est constaté.

«On voyait même dans les temps romains des comportements sexuels frôlant l’homosexualité. La bisexualité comme l’homosexualité ont longtemps été réprimées par la religion catholique. Des chercheurs essaient d’expliquer ce comportement sexuel (la bisexualité), mais on est en train de le marginaliser», note Mme Vermette.

«Beaucoup de réalités sont biffées si elles ne concordent pas avec la représentation de l’élite. Mais quand le niveau de tolérance augmente dans une société, on voit le nombre de bisexuels augmenter. On ne veut généralement pas être différent, mais on peut présumer que la bisexualité a toujours existé. Aujourd’hui, les gens sont plus ouverts à l’entendre», conclut M. Juneau.