Flou juridique autour du suicide assisté
«Il subsiste encore une grosse zone grise. Là, dans la loi, l’assistance au suicide est toujours considérée comme un crime, mais il y a un décalage entre la loi et les sanctions. Souvent, il y a une poursuite qui est intentée, mais le poursuivant s’en tire avec une probation ou un acquittement», soulève Véronique Hivon.
Le Québec est donc encore loin d’une possible légalisation du suicide assisté, vu la complexité de l’aspect légal et le tabou entourant le sujet.
«Quel pourrait être l’impact de la légalisation de la tolérance sur la possibilité de choisir le moment et les circonstances de sa propre mort, donc du suicide? Ne faut-il pas craindre qu’il y ait un impact sur l’intervention des professionnels auprès des personnes en souffrance? Et comment faire pour ce qu’on légaliserait n’ait pas d’impact sur l’ensemble des gens, de par leur réalité et leur vécu?» note Bruno Marchand, directeur général de l’Association québécoise de prévention du suicide (AQPS).
Le suicide assisté est déjà reconnu comme légal en Angleterre, en Belgique et aux Pays-Bas où environ 2% de la population y aurait recours.
Chronique d’une mort annoncée
Le cas de Sue Rodriguez en 1992, en Colombie-Britannique, a ramené le suicide assisté sur la place publique. Elle apprenait alors qu’elle était atteinte de la sclérose latérale amyotrophique et qu’il ne lui restait plus que quelques années à vivre.
Elle a déposé une requête d’amendement à la section du Code criminel qui considère comme un crime l’assistance au suicide à un sous-comité des Communes.
«Si je ne puis pas donner mon consentement à ma propre mort, alors à qui appartient ce corps? Qui est le propriétaire de ma vie?», argumentait-elle.
Après plusieurs appels en Cour et l’aide d’un juge dissident aux jugements précédents, elle meurt finalement en 1993, assistée dans son suicide par un médecin anonyme, en présence d’un député à la Chambre des Communes.
Confusion
Le débat a été lancé publiquement il y a quelques semaines avec la création de la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité. Un premier constat en est ressorti: la terminologie suscite une confusion généralisée.
Les commissaires conviennent qu’il importe de faire la distinction entre la sédation terminale et l’euthanasie. La première est l’équivalent d’une anesthésie, expliquent-ils, en ce sens qu’elle est réversible. L’euthanasie reflète plutôt «l’acte de provoquer intentionnellement la mort d’autrui pour mettre fin à ses souffrances».
«Il arrive que la personne concernée ne soit plus apte à consentir à une telle démarche et il y a alors un malaise dans le corps médical. C’est qu’en théorie, avec les règles de droit, un proche ou une personne mandatée doit prendre la décision à sa place, mais quand on est rendu à des décisions de fin de vie aussi importantes, on se demande si c’est correct», confie Mme Hivon.
Commission
C’est entre autres pour prendre le pouls de l’opinion publique sur le suicide assisté et l’euthanasie que la Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité a été mise sur pied par des députés de l’Assemblée nationale.
«Les gens acceptent d’en parler publiquement, ce qui ne se faisait pas avant. Et puis, ça touche l’ensemble des familles puisqu’un tel dilemme se produit lors de moments très sensibles. C’est une épreuve difficile et déchirante», souligne le président de la Commission, Geoffrey Kelley.