Deux victimes de la Tourette dans la même famille
Le syndrome de la Tourette est une maladie qui arrache parfois un sourire dénué de malice. Mais pour les personnes qui en sont atteintes et pour les familles qui vivent cette maladie au quotidien, il n’y a rien d’amusant. Loin de là.
Entre la honte de crier des mots en public ou des tics répétés, le syndrome Gilles de la Tourette provoque souvent l’isolement des victimes. Et même celui de leurs familles.
La famille Bolduc est bien au fait de ces réalités. Elle doit composer avec ce problème depuis plusieurs années, puisque deux de ses enfants, Dylan, 9 ans, et Évelyne, 10 ans, en sont atteints.
Pleurer jusqu’à épuisement
Avant d’apprendre que ses enfants étaient aux prises avec cette maladie, la famille a fait face à une multitude d’émotions. « Lorsque Dylan était bébé, il n’arrêtait pas de pleurer jour et nuit. Ça pouvait durer des heures et des heures. Il s’endormait à force d’épuisement. Nous ne savions plus quoi faire. C’était très épuisant pour nous aussi », affirme Maxime Bolduc, le père de famille. La maladie a maintes fois mis le couple en danger. Elle a aussi éloigné certains membres de leur famille et fait perdre des amis proches. La maladie a fait subir l’enfer à la famille Bolduc par moment. Les membres ont été jugés, soit à titre de mauvais parents, soit à titre d’enfants mal élevés. « Nous avons tout essayé. Nous suivions les conseils de tout le monde. Je me souviens que l’éducatrice nous suggérait plein de choses et nous avons suivi à la lettre tous ses conseils. Nous avons lu plusieurs livres et rien ne fonctionnait. J’étudiais en psychologie et j’ai demandé des conseils à mes enseignants. On voulait à tout prix améliorer la situation, mais rien ne fonctionnait. On a vraiment cru que nous n’étions pas des bons parents », me raconte Maxime. Lorsque Dylan avait deux ans et demi, il ne parlait pas du tout. Il connaissait seulement deux ou trois mots. Alors la famille a décidé de prendre les grands moyens et de consulter un orthophoniste. Ce fut le grand découragement. « Ils nous ont dit que si Dylan ne parlait pas, c’était parce qu’il était trop tannant pour apprendre quoi que ce soit», affirme Maxime. Finalement, le CLSC envoie une psycho-éducatrice. « Elle nous rencontrait presque à chaque semaine. Parfois, c’était seulement moi et mon mari, parfois toute la famille ensemble et même qu’ils sont venus souper une fois pour regarder ce que nous faisions de pas correct. Nous étions ciblés. Selon eux, nous étions la source du problème », se souvient la mère.
Un des plus jeunes au monde
Un an plus tard, rien n’avait changé.
« Un jour, nous nous sommes fâchés. Ça faisait pratiquement un an qu’ils venaient et que nous écoutions leurs conseils, mais rien ne s’améliorait. Il n’y avait aucun changement. Je leur ai fait comprendre qu’il serait peut-être temps d’aller voir un peu plus loin », raconte Maxime.
Rencontre avec une pédo-psychiatre. On procède à une évaluation de chaque enfant.
«Dylan a été immédiatement diagnostiqué avec le syndrome de Gilles de la Tourette. Il était un des plus jeunes au monde à être diagnostiqué en plus d’avoir le trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité. Pour Evelyne, c’était le déficit de l’attention avec hyperactivité. Elle avait 5 ans», se souvient très bien Maxime Bolduc.
Aujourd’hui, les deux enfants sont médicamentés afin de mieux gérer leurs maladies.
« En tant que parents, c’est certain que nous n’aimons pas voir nos enfants prendre des médicaments pour une maladie. Surtout qu’ils ont commencé très tôt, mais aujourd’hui on se rend compte que ça les a aidés beaucoup. Surtout à l’école et dans leurs relations avec les autres enfants. Dans la maison, c’est plus vivable, même si ce n’est pas encore parfait », explique Maxime.
«La médication ne résolut pas tous les problèmes. Si, par exemple, Dylan se lève un matin avec l’idée d’aller au McDonald et que nous lui expliquons qu’aujourd’hui nous n’allons pas au McDonald, il s’entête. Il peut nous répéter facilement 100 fois qu’il veut aller au Mc Donald. Un jour il voulait aller chez un ami, celui-ci était parti à l’extérieur. C’était impossible. Dylan est resté assis sur le sofa à faire la baboune. »
La manie de tout ramasser
Dylan est un grand collectionneur. Il ramasse tout ce qu’il voyait par terre. « S’il voit une paille, il la ramasse. Un bouchon de bière, une roche. J’essaie de le convaincre de ramasse de l’argent », dit Maxime en souriant.
« Encore aujourd’hui malgré la médicamentation Dylan peut exploser à tout moment. Lorsqu’il est en crise, il peut tout lancer et faire des trous dans les murs. Mais c’est beaucoup moins fréquent depuis qu’il est bien médicamenteé», souligne Maxime.
Dylan est en 4e année. Il est dans une classe pour les troubles du comportement depuis la première année. Malgré tout, il réussit ses cours mais les parents passent beaucoup de temps avec leur fils, le soir, pour l’aider à faire ses devoirs.
Il joue aussi au baseball et au hockey.
« Le sport l’aide énormément dans ses relations interpersonnelles mais ce n’est pas toujours évident. Il conteste souvent l’arbitre », fait remarquer Maxime.
Evelyne
Evelyne a été diagnostiquée du syndrome Gilles de la Tourette il y a seulement deux ans.
« Avant son diagnostic, on voyait que quelques choses ne tournait pas rond. Elle a déjà attaqué une enseignante avec des ciseaux ou elle pouvait lancer des chaises, se sauver ou se cacher. L’école m’appelait très souvent, parfois deux à trois fois par semaine, pour aller la chercher puisqu’elle avait des troubles de comportement. Ils ont voulu la mettre dans une classe spéciale et je m’y suis opposé. Nous nous sommes tournés vers l’Association des droits des personnes handicapés pour gagner notre cause», me raconte Maxime.
Évelyne va à l’école régulière et réussit très bien en classe. Depuis qu’elle est médicamentée, elle s’est beaucoup améliorée sauf que ses tics sont nombreux et elle fait beaucoup de bruit avec sa bouche sans le savoir, ce qui dérange ses collègues de classe.
« Ce n’est vraiment pas facile pour elle. Elle n’a pas beaucoup d’amies. Des fois, elle revient de l’école en pleurant. Lorsque c’est le temps de faire des travaux en équipe, personne ne veut travailler avec elle », dit Maxime.
L’avenir
« On ne sait pas ce qui va arriver plus tard. On essaie de faire confiance à l’avenir. On essaie de leur trouver des moyens où ils pourront s’épanouir. On ne vise pas nécessairement à ce qu’ils travaillent et qu’ils aient des enfants, mais on espère seulement qu’ils puissent fonctionner en société. C’est notre principale préoccupation », ajoute Maxime.
Malgré les difficultés, jamais les prents n’ont songé à placer leurs enfants. Ils les aiment et feront tout en leur pouvoir pour les aider à grandir normalement.
« C’est un combat de toute une vie. Un enfant qui tombe malade guérit. Nous, nos enfants sont malades à vie », termine Maxime.