Daniel Guay à la retraite… ou presque!

L’heure de la retraite a sonné pour Daniel Guay, après plus de 50 ans à arpenter les routes pour livrer le pain et les fameuses fèves au lard de la Boulangerie Guay.

La Boulangerie Guay de Pointe-du-Lac, c’est une histoire de famille. Au début du siècle dernier, elle appartenait au grand-père de Daniel avant que son père ne prenne la relève. C’est ensuite son frère aîné, François, qui a pris le contrôle des opérations avant de la vendre aux propriétaires actuels, Marlène Tremblay et Francis Tremblay, en avril 2012.

«Ils ont fait beaucoup depuis leur arrivée, en ajoutant même des déjeuners et des ragoûts des Fêtes comme autrefois. Ils ont la boulangerie à cœur et ils ont la même passion que ma famille avait, confie Daniel. De notre côté, notre maison familiale était à même la boulangerie. Les gens circulaient dans la maison privée et nous avions même un tiroir-cash dans la maison. C’était la belle époque!»

Il y a 50 ans, Daniel Guay amorçait sa carrière comme livreur de pain à domicile et dans différents commerces. Ce n’est qu’une vingtaine d’années plus tard que ses deux frères et lui se sont retrouvés avec chacune une route de livraison pour la boulangerie, dès l’arrivée des fèves au lard.

«On se promenait de maison en maison. Dans la même rue, on croisait le laitier, des camions de viandes et le nettoyeur.»

Des fèves au lard pour Janine Sutto!

Au fil du temps, il a même eu l’occasion de livrer des beans pour de grands acteurs à l’époque du Théâtre des Marguerites, tels les Georges Carrère et Mariette Duval, ainsi que Janine Sutto. Et il n’a jamais manqué un quart de travail, beau temps, mauvais temps.

«Que ce soit par journée de tempête ou de verglas, j’étais là! Pourquoi? Parce que j’ai une autre run qui m’attendait le lendemain, alors je ne pouvais pas faire deux runs en une journée», témoigne celui qui produisait encore ses factures au papier et au stylo à la toute fin.

«Tout a explosé en un seul coup»

La Boulangerie Guay n’a pas été épargnée par la terrible explosion survenue au cœur de Pointe-du-Lac, le 14 janvier 2005. «On voyait que ça brûlait beaucoup et je mettais mon manteau en me disant que j’irais déplacer le camion. Je me disais que j’allais au moins livrer ma run le lendemain matin. Et tout a explosé en un seul coup. C’était épouvantable.»

Bien qu’il ait pris sa retraite il y a bientôt un mois, n’allez pas croire que Daniel Guay parvient à décrocher si facilement. «Je suis rentré chez Coscto et avant même de prendre un panier, je suis allé placer la section des beans Guay. J’avais fait la même chose la semaine précédente chez IGA. Je pense que je vais toujours le faire. Je vais toujours travailler dans l’ombre. Ça fait partie de moi.»

«Mardi, je me suis levé et j’ai vu la neige. Je me suis mis à visualiser la route de mon remplaçant. Avant de partir, je lui ai mis tous les chiffres de commande par écrit, car je les avais tous dans ma tête. Je lui ai laissé mon numéro de téléphone pour me rejoindre en tout temps et je lui prépare même un calendrier du temps des Fêtes avec les horaires de fermetures des épiceries», ajoute-t-il.

Père de huit enfants

Bien que son emploi s’avérait très prenant, Daniel a tout de même eu huit enfants, soit trois filles et cinq garçons, avec sa tendre épouse.

«Ma femme a eu huit grossesses et on souhaitait qu’elle accouche en fin d’après-midi, de soir ou de nuit. On a réussi pour les huit! Il n’y avait pas de cellulaire, alors je lui laissais les numéros des clients pour me rejoindre dans le jour. Elle accouchait le soir ou la nuit et j’allais faire ma run le lendemain», ajoute-t-il.

«Je livrais cinq jours par semaine, et les dimanches et lundis, je venais à la boulangerie sortir les beans du four. Surtout parce que j’aimais ça et que c’était une passion. Je sortais une quarantaine de chaudrons du four et je rentrais les poches de beans. J’ai même déjà levé deux poches de 100 lbs en même temps et je ne suis pas costaud! Je suis déçu de ne pas avoir de photo comme preuve,  par contre.»

Et qu’est-ce qui va lui manquer le plus dans son quotidien?

«Je dirais mes rencontres avec les clients et les employés que je croisais dans les départements. C’était le fun! J’avais toujours le mot pour les faire rire,  sans jamais ne rien amener de déplacé. Je dirais que c’était naturel pour moi. On est né là-dedans. C’était tellement plaisant», indique celui qui soufflera ses 66e bougies ce jeudi 22 novembre.

«C’est difficile de se retirer. J’ai fait mes salutations, sans trop me dire que c’était la fin pour ne pas avoir de la peine. Il y a un an, Marlène m’a demandé ce que j’allais faire à la retraite et j’avais dit, à la blague, que j’allais m’asseoir chez moi et que j’allais pleurer. Le premier soir de ma retraite, j’ai beaucoup pleuré! J’avais aussi dit que j’allais me faire un bon souper avec ma femme, avec une bonne bouteille de champagne. Eh bien le champagne est encore au frigo!», conclut-il, tout sourire.

Si on peut sortir le marchandiseur de la boulangerie, on ne peut pas sortir le marchandiseur de l’homme… Le champagne peut bien attendre encore un peu.