«Cette aide, c’est le plus beau cadeau que je me sois offert»

PROCHES AIDANTS. Gilbert Charrette parle de sa femme Thérèse avec tendresse et amour. «Elle est encore belle. Elle a 68 ans et n’a pas une ride», dit-il doucement, les yeux brillants. Le 25 avril 2011 a marqué un changement majeur dans leur relation: Gilbert a compris, ce jour-là, qu’il était devenu un proche aidant.

Sa femme avait reçu un diagnostic de la maladie de Parkinson en 2009. Son espérance de vie à partir de ce moment: entre cinq et dix ans. Elle a dû être opérée en avril 2011 pour se faire remplacer un disque cervical. Après l’opération, elle a dit à son mari: «Là, Gilbert, durant ma convalescence, c’est toi qui va devoir t’occuper de la cuisine. Je ne pourrai pas pendant ma convalescence».

Ça a duré une semaine, puis une autre.

Le problème, c’est que son état s’est mis à se dégrader.

«Je pense que c’est là, quand j’ai vu qu’elle régressait, que j’ai compris que mon rôle venait de changer», note Gilbert.

«Le pire mois de ma vie»

Gilbert exécuté ses tâches d’aidant auprès de sa femme durant plusieurs mois, seul.

«Je prenais une fin de semaine de répit toutes les deux semaines, mais les 12 autres jours, j’étais chez mois, 24 heures par jour, à prendre soin de Thérèse. Tu ne penses qu’à la maladie. Je n’avais personne pour m’aider. Je commençais à ne plus être capable de sortir. Il fallait que je reste auprès d’elle. J’avais de l’aide, parfois, durant un après-midi pour faire des commissions, mais je me dépêchais toujours. Ce ne sont pas des répits», raconte-t-il.

«C’était en août 2011. Je pourrais comparer ça à me noyer. J’étais en train de me noyer. J’étais désemparé», ajoute-t-il.

Ils ont essayé autre chose: une semaine de répit pour lui, suivie d’une semaine de répit pour elle, mais l’expérience a été très mauvaise pour elle.

«Elle s’est retrouvée avec des gens atteints d’Alzheimer qui erraient, entraient dans sa chambre, qui voulaient fouiller dans sa valise. Elle était sans défense. Quand je suis allé la chercher le dimanche après-midi, elle pleurait. Le cœur m’a fait deux tours: il fallait trouver une solution. J’ai osé demander de l’aide», explique Gilbert.

Il a décidé d’utiliser différemment ses ressources en engageant du personnel pour l’aider, à la maison. C’était un peu plus cher, mais ça aura valu la peine.

Il a passé des entrevues pour des ressources à temps plein, soit huit heures par jour. L’ennui, c’est que ces ressources n’étaient disponibles qu’à partir du mois de septembre.

«Août 2011 a été le pire moment de ma vie en termes d’épuisement et de fatigue. Quand tout a commencé à s’installer et à prendre sa place en septembre, j’ai commencé à respirer.»

Puis, leurs enfants donnent aussi un coup de main et viennent voir leur mère régulièrement, les après-midi de fin de semaine.

«Quand quelqu’un est malade, on perd de la visite, en ce sens où les gens n’aiment pas voir des gens malades. C’est dans la nature humaine. Plusieurs demandent: «Qu’est-ce que je vais lui dire?» Rien: va seulement lui tenir la main. Thérèse ne parle pas ou très peu, mais ça lui fait plaisir que les gens viennent la voir. L’isolement, c’est un autre danger qui guette les aidants naturels», souligne Gilbert.

«J’ai osé demander de l’aide. Quand j’ai demandé un coup de pouce aux enfants, ils ont accepté immédiatement. Cette aide, c’est le plus beau cadeau que je me sois offert. (…) Je conseille aux proches aidants de demander de l’aide, mais pour ça, il faut avant tout accepter la réalité telle qu’elle est.»

Vacances

Depuis, Gilbert n’hésite plus à se garder quelques soirées pour lui. Des bénévoles lui rendent service, le vendredi soir. C’est là qu’il en profite pour sortir un peu.

D’ailleurs, bientôt, il partira pour Cuba pendant une semaine. Sa première semaine de vacances depuis longtemps.

Il a déjà tout organisé pour assurer un roulement de trois ressources spécialisées qui viendront s’occuper de Thérèse, de jour comme de soir, durant cette semaine.

Les boutures pour l’an prochain

Le portrait semble sombre, mais il y a encore de beaux moments, même s’ils sont plus courts.

«Je fais toujours sa toilette. Si j’ai la chance de prendre un bain avec elle, je le fais. Après, quand elle a pris ses médicaments et qu’elle est dans le lit, je lui mets des gouttes dans les yeux, du baume sur ses lèvres. Des fois, elle me regarde et elle me dit: «Tu es bon pour moi. Tu es fin». C’est ma paye. Ça, et quand je m’assois près d’elle et qu’on se tient la main. Quand je veux me lever pour faire une tâche et qu’elle me dit: «Veux-tu rester encore un peu?» Ça me fait du bien aussi de lui tenir la main dans le silence. C’est un petit moment de calme. Ce sont de beaux moments», confie-t-il.

«Il y a ces moments-là, mais il n’y a pas de projets pour elle, avec elle. Ne pas avoir de projet, c’est la vie qui s’éteint un peu. Thérèse avait un parterre extraordinaire! Elle gardait toujours des boutures de coléus pour l’année suivante. Cette année, je n’avais pas le goût d’en garder, mais elle a réussi à m’amener et à me proposer d’aller couper des boutures. Elle était sur le bout de son fauteuil roulant pour chercher la bouture et la mettre dans l’eau en prévision de l’an prochain. Elle demande à mourir, mais elle garde des boutures de coléus pour l’an prochain», conclut Gilbert avec un petit sourire en coin.

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