«C’est difficile de voir quelqu’un mourir»
Danielle Hamelin, coordonnatrice clinique des soins infirmiers à la Maison Albatros, travaille depuis de nombreuses années à l’organisme.
«On met un ruban rose autour des soins palliatifs, mais mourir, c’est dur et ce n’est pas toujours beau. C’est difficile de voir quelqu’un mourir. Il y a une déchéance du corps, ce qui vient avec plusieurs symptômes. Ce qui dérange beaucoup la famille, c’est quand leur proche ne peut plus manger. Les gens font le lien que s’il ne peut plus manger, il va forcément mourir de faim, mais c’est peut-être seulement qu’il n’a pas faim», explique-t-elle.
«Ici, on prend en charge le patient et la famille. On ne peut pas les dissocier. La famille est déjà en deuil quand elle arrive ici. On a tendance à penser qu’on pense seulement aux patients, mais on est constamment avec les proches aussi et on les intègre à l’équipe», précise Mme Hamelin.
Vous pensez que ça va durer combien de temps?
Au fil des années, Mme Hamelin a remarqué qu’il existe encore beaucoup d’incompréhensions face à la mort et à la médication, entre autres.
«Il y a beaucoup de préjugés sur ce qu’on donne comme narcotiques et morphine. Les gens mélangent euthanasie et sédation palliative. Il faut faire beaucoup d’enseignement auprès des proches dans lorsqu’ils viennent ici. Il y a plusieurs questionnements autour de la douleur. La lucidité est aussi un sujet sensible», indique-t-elle.
Beaucoup de questions sont posées, mais il y en a une dont la forme ne change pas: «Vous pensez que ça va durer combien de temps?»
«Celle-là est toujours posée de la même façon, souvent lorsque la personne est à l’agonie. Je leur réponds que plus je connais ça, moins je me prononce, car on ne sait jamais. La nature humaine surprend», note-t-elle.
Mourir à la maison
«La fin de vie est une période difficile. On dit aux gens qu’on va essayer de rendre ça le moins pénible possible, parce que c’est une période ardue pour la famille aussi. Le patient partira, mais la famille, elle, reste. C’est pour cette raison que des équipes comme les nôtres sont importantes», soutient Danielle Hamelin.
«C’est bien de vouloir mourir à la maison, mais c’est fou ce qu’on demande aux proches. Ils arrêtent d’être des conjoints aimants et deviennent des soignants stressés et non adaptés. Ils ne dorment plus la nuit, assurent la médication et plein d’événements qu’ils ne contrôlent pas se produisent. Ils arrivent ici à bout», raconte-t-elle.
«Et ils arrivent souvent avec de la culpabilité parce qu’ils avaient promis à la personne qu’ils aiment qu’elle mourrait à la maison», ajoute Élise Rheault, directrice générale de la Maison Albatros.
«Ce n’est pas une décision facile de venir ici de toute façon. Même si les patients savent qu’ils mourront, c’est de quitter le milieu familial, quitter sa maison, sa vie, pour toujours. Le personnel ici fait beaucoup de soutien», précise Mme Hamelin.
«Parce qu’on a six lits. Pour six patients, ce sont six familles accrochées. Il faut les accompagner dans cette épreuve», conclut Mme Rheault.
Des soins tabous
Dans certains pays d’Europe, les soins palliatifs sont tabous, souligne Marlène Falardeau, professeur d’ergothérapie à l’Université du Québec à Trois-Rivières.
«Il existe des écrits un peu crus à ce sujet. En Europe, on dit des personnes travaillant en soins palliatifs qu’ils ne font que nettoyer les morts, que ça leur plaît de regarder mourir les autres. Dans la société, on accepte peu les émotions désagréables. Quand une personne est en déni face à sa mort, on se dit qu’elle doit mourir dans la sérénité, mais elle a le droit de mourir malheureuse si c’est son choix», dit Mme Falardeau.