À «livre ouvert» avec Jack

TÉMOIGNAGE. Jack a reçu un diagnostic de schizophrénie paranoïde lorsqu’il avait 23 ans, promis à un brillant avenir. Il a accepté de confier son histoire, à l’occasion de l’activité de Bibliothèque vivante organisée au Cégep de Trois-Rivières par le Regroupement des organismes de base en santé mentale.

«La maladie a été très sévère durant les dix premières années. Il faut dire que c’était très stigmatisant parce qu’à cette époque, les gens connaissaient peu les problèmes en santé mentale. Quand tu allais à l’hôpital psychiatrique, tu te faisais pointer du doigt», raconte Jack.

Il habitait à La Tuque à cette époque. C’était il y a plus de 25 ans. Il avait en main ses licences pour piloter des avions et il quittait La Tuque pour aller travailler à la Baie James. C’est là-bas que s’est déclenchée la maladie.

«Il y a eu différents éléments déclencheurs. J’ai perdu ma famille très tôt dans ma vie. Ça m’a donné un grand coup. J’avais une copine. On était supposé se marier, mais on s’est laissé avant mon départ pour la Baie James. À la Baie James, j’avais beaucoup de responsabilités et il y a eu des tensions. Je refoulais donc beaucoup d’émotions. Tout ça a contribué à déclencher la maladie.»

Il a pu continuer à travailler à la Baie James pendant deux ans, quand il a reçu son diagnostic.

«J’avais de la médication. Ça a fonctionné durant deux ans, mais après ça, j’ai commencé à faire rechute par-dessus rechute pendant dix ans. Il a fallu que je ralentisse beaucoup au travail. Une fois, j’ai consommé une drogue et j’ai commencé à avoir des problèmes d’hallucinations», confie Jack.

«Par exemple, je pouvais prendre un café dans un restaurant. Il pouvait y avoir une personne au bout du corridor que je ne connaissais pas et je pouvais être persuadé qu’elle me tuerait avant que je sorte du restaurant.»

Ces hallucinations affectaient tous ses sens.

«Ça venait tout chambarder: la vue, l’odorat, le goût, l’ouïe et le toucher. Au niveau de l’odorat, je pouvais trouver que ça sentait le gaz et devenir angoissé, alors que ça ne sentait rien.»

Lutte contre la stigmatisation

Ces hallucinations ont disparu et cela fait 25 ans que Jack n’a pas eu de rechute. Cela fait aussi 25 ans qu’il s’implique pour démystifier la maladie mentale, la schizophrénie comme les autres maladies mentales.

Il a notamment fondé un groupe d’entraide à La Tuque.

«Je trouvais ça important, car je trouvais qu’on était vraiment isolé avec notre problème. J’ai déménagé quelques années plus tard à Trois-Rivières. Mon implication a aidé à ma rémission. Aujourd’hui, je prends une médication minime. Je me valorise beaucoup à travers mon implication. Ça m’a permis de beaucoup déstigmatiser le problème. C’est l’ignorance qui amène les préjugés et la stigmatisation. Je ne suis pas une maladie. Je suis un être humain à part entière», conclut Jack.

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Qu’est-ce qu’une Bibliothèque vivante?

Le concept: les participants peuvent «emprunter», le temps de 15 minutes, des personnes souffrant d’une maladie mentale ou dont un proche vit avec une maladie mentale, qui agissent comme «livres humains».

L’objectif est d’établir un contact avec une personne qui raconte un chapitre de sa vie en lien avec la maladie mentale dans le but de démystifier la santé mentale et de lutter contre les préjugés. Six «livres humains» étaient présents lors de la Bibliothèque vivantes du ROBSM au Cégep: Louis, diagnostiqué bipolaire, Lyne, mère d’une fille atteinte d’un trouble de personnalité limite, Claudette, atteinte de schizophrénie résiduelle, Sébastien et Jack, ayant tous deux reçu un diagnostic de schizophrénie paranoïde, et Jeanne.

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