50 ans de solidarité sociale

Le 11 septembre dernier marquait les 50 ans du Comité de Solidarité/Trois-Rivières (CS3R), qui a vu le jour en réaction au coup d’État du général Pinochet au Chili.

En 1973, le renversement du gouvernement démocratiquement élu du président socialiste Salvador Allende choque le monde. Partout, la société civile se mobilise pour dénoncer la dictature qui s’installe et soutenir les Chiliens persécutés par le nouveau régime.

La mobilisation s’est transportée jusqu’en Mauricie. À l’époque, Jean-Claude Landry œuvrait au bureau trifluvien du Service universitaire canadien outre-mer à titre d’agent d’information, puis de responsable du bureau. L’organisme visait à mener des actions et des campagnes d’information sur des enjeux nationaux et internationaux.

« J’avais déjà constitué une équipe de bénévoles autour du bureau. Ceux-ci s’intéressaient à ce qui se passait sur le plan international. L’expérience chilienne était suivie de près par beaucoup de personnes à travers le Québec et c’était le cas ici aussi, raconte Jean-Claude Landry, cofondateur du CS3R. Les gens se sont mobilisés. On a organisé des moments d’information et une assemblée dans les jours qui ont suivi le coup d’État. »

Rapidement, l’organisation a également voulu s’assurer que le gouvernement du Canada ne reconnaisse pas le nouveau régime de Pinochet. La mobilisation s’est aussi mise en place pour donner un coup de main aux réfugiés chiliens qui arrivaient au pays.

« On a accueilli trois réfugiés à Trois-Rivières, se souvient M. Landry. Ils sont restés peut-être un an ou 18 mois à Trois-Rivières. On les a aidés pour trouver un logement, pour les intégrer au niveau scolaire, ainsi qu’une aide matérielle pour qu’ils puissent mieux vivre la transition. Toute cette période a été le ciment du groupe qui est devenu le Comité de solidarité/Trois-Rivières. »

Dans son rêve d’un monde pacifique, le CS3R s’est ensuite fait entendre dans les luttes contre la militarisation et les guerres, notamment contre la guerre au Vietnam et en Irak, mais également contre l’Apartheid en Afrique du Sud, entre autres.

L’organisme avait notamment réalisé un coup d’éclat en peignant un autobus de la ville aux couleurs de l’Afrique du Sud et avec le slogan Mettons fin à l’Apartheid. « C’était la première fois qu’un autobus à Trois-Rivières était complètement peint de la sorte. On avait évidemment payé, mais au final, le bus et le message se sont promenés dans les rues de Trois-Rivières pendant un an. On aurait pu seulement se parler entre nous, mais on voulait parler aux gens. On s’est donc arrangé pour que les gens entendent un autre discours », explique Jean-Claude Landry.

Jusque dans les écoles

Au fil des années, le CS3R a aussi déployé des volets culturel et scolaire. « On a commencé ça avec l’arrivée d’Internet. On a alors développé un programme interactif portant sur Internet avec des fiches pédagogiques que les enseignants pouvaient télécharger dans les écoles pour expliquer, par exemple, le problème de la faim dans le monde et de l’exploitation des richesses naturelles », précise M. Landry.

Puis, avec le Réseau In-Terre-Actif, le Comité de solidarité s’est mis à proposer des activités dans les écoles. L’actuelle présidente du conseil d’administration du CS3R, Sarah Bourdages, a été l’une des animatrices du Réseau In-Terre-Actif pendant une dizaine d’années.

« On a toujours fait le pari que tout le monde peut comprendre les grands enjeux, qu’il y a des façons de rendre ça intelligible, soutient-elle. Les enfants ont vraiment une sensibilité super accrue. Ils ont la capacité de s’émerveiller, de se questionner, de s’indigner. C’est super nourrissant d’animer avec les jeunes. Il faut trouver les mots pour expliquer les enjeux, utiliser des exemples ou encore le jeu. Il faut que ça bouge! C’est aussi parfois confrontant parce qu’ils ne sont pas toujours d’accord, mais j’ai toujours considéré que notre rôle, c’était de semer des graines dans les esprits et d’initier une réflexion. »

À la suite de la pandémie de COVID-19, le Comité de Solidarité/Trois-Rivières a pris la décision de couper les séjours à l’étranger. « On a vu que les mentalités ont changé. Au début, on sentait que les gens y allaient par conviction. Puis, au fil du temps, on a senti qu’une partie de gens y allait pour faire un peu plus de tourisme qu’autre chose », note M. Landry. 

« Les médias sociaux changent la donne. Il y a un changement de paradigme qui s’opère dans la solidarité. Ce n’est plus si évident de faire sortir les gens de chez eux, constate également Sarah Bourdages. De se rejoindre en présentiel avec d’autres personnes pour, des fois, se confronter un peu, avoir des débats, ce n’est peut-être plus aussi simple que ça l’a été. »

« On voit beaucoup de  » Oui, je m’implique, j’ai cliqué sur une page pour signer une pétition ». Jusqu’où on est capable de se confronter pour s’allier au final, ajoute-t-elle. C’est une analyse personnelle, mais je sens une atomisation de la gauche. On a tous nos combats, mais il faut essayer de fédérer, miser sur des points qu’on a en commun pour parler d’une même voix. On pourrait s’éparpiller partout, mais comment avoir une voix forte et travailler ensemble, collectivement. »

« On est content de faire ce qu’on fait. Évidemment, on peut travailler contre la guerre et contre le racisme, mais on peut aussi travailler pour la paix et pour le dialogue entre les peuples. C’est une question de façon de le voir. La fraternité, le plaisir de se retrouver, de s’allier, de saluer les bons coups, de s’en aller ensemble dans une direction, c’est ça qui est nourrissant aussi », conclut Mme Bourdages.

Une murale sur la paix

Le CS3R célébrera ses 50 ans tout au long de l’année. Les festivités ont débuté avec le dévoilement d’une murale intergénérationnelle sur la paix peinte sur l’édifice abritant ses locaux sur la rue Sainte-Geneviève. L’œuvre a été réalisée par Javier Escamilla, artiste et médiateur au CS3R, ainsi que Noémie Veillette et Danaë Cusson, artistes multidisciplinaires. Le CS3R a profité de l’occasion pour nommer son bâtiment Maison pour la paix Brian-Barton. Une plaque commémorative relatant le parcours de ce militant sera aussi installée sur la façade de l’édifice.