22 ans à l’écoute de gens

Léon Normand a officiellement pris sa retraite professionnelle en 1998. Voulant continuer d’aider son prochain, il a décidé de rejoindre l’équipe de Tel-Écoute Trois-Rivières en tant que bénévole à l’écoute.

De son propre aveu, il n’aurait jamais cru prêter l’oreille pendant plus de 20 ans.

«J’étais enseignant dans une clinique pédo-psychiatrique à Trois-Rivières et j’ai commencé Tel-Écoute à ma retraite parce que je voulais continuer de rendre service et j’ai toujours voulu aider les autres. Quand j’ai commencé, je ne pensais pas être là aussi longtemps, mais d’année en année, j’ai décidé de continuer depuis 22 ans», explique-t-il d’entrée de jeu.

«Il faut beaucoup de patience, ça, c’est sûr. Il faut aussi de l’empathie et surtout, bien écouter, sans trop parler. Il faut permettre aux gens de parler de leur problème. On ne trouve pas toujours de solution pour eux, mais le simple fait de verbaliser son problème permet à la personne de trouver une solution au final. Les gens ont confiance en nous, car ils savent que c’est complètement confidentiel.»

Peu importe la ligne d’aide en question, le rôle du bénévole n’est pas toujours rose. Ce dernier doit composer avec des appels à la réflexion et parfois même, des appels de détresse.

«Lorsque j’ai commencé, je trouvais ça difficile de me détacher à mon retour en fin de soirée, mais on s’endurcit avec le temps. Le plus dur, c’est de voir la souffrance humaine. C’est d’entendre les gens souffrir et de dire «aidez-moi». On se sent parfois impuissant et il y a des gens qui pleurent, mais on les encourage. Avec le temps, on devient un peu plus indépendant et on devient meilleur. L’expérience s’acquière et on fait plus attention. On devient un meilleur écoutant qui laisse la place à l’appelant. C’est cette personne qui est importante», témoigne-t-il.

«Dans les gens qui appellent, beaucoup sont seuls et souffrent de solitude. Ils n’ont personne à qui se confier. Souvent, ils ne font que raconter leur petite journée parce qu’ils n’ont parlé à personne dans la journée. Être écouté par quelqu’un, c’est important. Il y a des moments difficiles comme cette jeune fille, monoparentale avec trois enfants, qui venait d’apprendre par son médecin qu’elle avait un cancer généralisé et qu’elle allait mourir d’ici six mois. Elle ne voulait pas le dire à sa famille alors elle nous a appelés. Elle était en larmes et je ne savais pas quoi dire. Ça, ce sont des appels qui nous marquent. J’avais de la peine pour une dame que je ne connaissais pas et que je ne connaîtrai jamais.»

Chose certaine, monsieur Marchand en a aidé des gens par son écoute. Bien qu’il ne pourra jamais vraiment le mesurer, il en retire une certaine fierté.

«Il y a des gens qui appellent deux à trois fois par semaine et de parler à quelqu’un, c’est réconfortant pour eux. Ça leur permet de pouvoir se raconter. Parfois, ça peut être une petite journée bien ordinaire, mais ils ont besoin de parler parce qu’ils n’ont personne à qui le dire à la maison. Souvent, on n’intervient presque pas et la personne nous remercie à la fin. Vous savez, ils sont seuls avec leur télévision et la télévision ne fait pas le travail. Elle te parle, mais elle ne t’écoute pas», lance-t-il.

«J’ai aidé des gens, beaucoup de gens. On a une fierté d’aider des gens, de les avoir fait sourire et de leur faire ce petit cadeau. Si on change un petit moment dans leur journée, c’est déjà ça de gagné. On a des gens qu’on a vus s’améliorer avec les années grâce à Tel-Écoute.»

Si la santé lui permet, le Trifluvien aimerait bien continuer pendant au moins encore trois ans.

«Ça fait 22 ans et je devrais me rendre à 25 ans. L’autre jour, je parlais avec une dame et elle me dit «Vous êtes chanceux vous, vous êtes jeunes, moi je viens d’avoir 53 ans» (Rires). J’ai trouvé ça très cocasse et je ne lui ai pas dit que j’avais 25 ans de plus qu’elle. J’ai encore la passion pour le faire et la santé pour le faire. J’ai quand même 78 ans», conclut-il.