Vers une révolution du marché alimentaire

ALIMENTATION. Dans un marché où les bannières américaines gagnent du terrain, quelle est la place des épiceries québécoises et des marchés publics dans la région? Nos experts et intervenants locaux se prononcent.

Rappelons que le magasin Wal-Mart deviendra prochainement un supercentre comprenant un marché d’alimentation. Sans compter le magasin Target qui a lui aussi une épicerie sous son toit.

«Trois-Rivières fait face à un défi démographique de taille dans le domaine de l’alimentation. Si on regarde le ratio population et épiceries disponibles, il n’y a plus vraiment de place pour de nouveaux concepts. En ce sens, je ne crois pas que de nouveaux joueurs pourront s’ajouter à l’offre actuelle», explique Sylvain Charlebois, professeur agrégé en marketing et vice-doyen de l’École d’Études Supérieures en Politiques Publiques Johnson-Shoyama de l’Université de la Saskatchewan et de l’Université de Regina.

Pour affronter la compétition, ce dernier croit plutôt que l’avenir des bannières québécoises sera les produits locaux.

«Si on regarde ce qui se fait ailleurs, il va falloir changer de stratégie et s’identifier au marché local, indique-t-il. On voit que les produits locaux, c’est déjà une formule gagnante en Mauricie, alors il faudra être plus sélectif par rapport à l’offre et miser sur ce qui se fait chez nous. C’est en créant ce sentiment d’appartenance qu’on va pouvoir faire concurrence aux bannières américaines.»

La place des marchés publics

Et les marchés publics alors? Si les épiceries se tournent vers les produits locaux, quelle sera la place des marchés publics?

«L’un n’empêche pas l’autre, croit Justine Prud’homme, directrice de la Coopérative de solidarité du Marché Public de Shawinigan. Les gens fréquentent surtout les marchés publics pour rencontrer les producteurs et les artisans, ce qu’ils ne peuvent pas faire en épicerie. De plus en plus, les gens ont le souci de savoir ce qu’ils mangent et comment sont cultivés leurs aliments. C’est là que les marchés publics prennent tout leur sens.»

Coordonnatrice des Délices d’automne, Marilyne Lavoie abonde dans le même sens. «Les marchés publics et les événements comme les Délices d’automne permettent un contact direct entre les gens. C’est la grosse différence avec les épiceries et c’est ce que les gens recherchent avant tout. C’est un contexte qui offre la chance de goûter et d’essayer de nouvelles choses avant d’acheter, ce qu’on ne retrouve rarement ailleurs étant donné qu’on doit acheter pour goûter.»

Des productions trop grandes

De plus, Mme Prud’homme ajoute que ce ne sont pas tous les producteurs locaux qui trouveraient leur place en épicerie. «On retrouve surtout des produits plus artisanaux qui sont faits en petite quantité, remarque-t-elle. Les producteurs n’ont pas nécessairement la structure ni les installations pour produire de gros volumes pour répondre à la demande des épiceries.»

Sans oublier que les épiceries font des choix et que ce ne sont pas tous les produits locaux qui ont la même vitrine. Dans ce contexte, le défi, selon Mme Prud’homme, n’est pas de garder les producteurs dans les marchés publics, mais bien d’aller chercher tous ceux qui n’y sont pas encore.

«On veut offrir la même visibilité à tous. Et c’est une bonne chose que les produits locaux soient mis de l’avant parce que les gens sont de plus en plus conscientisés à l’importance de l’achat local», conclut la directrice de la Coopérative de solidarité du Marché Public de Shawinigan.