Utiliser des cheveux pour prouver l’ingestion de GHB
Une équipe de recherche en chimie – profil criminalistique de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) a recruté des volontaires, la semaine dernière, pour effectuer un prélèvement de cheveu dans le cadre d’un projet de recherche. Le but de l’opération: établir le seuil de concentration moyen de GHB dans les cheveux humains.
«Nous sommes confrontés à une double problématique, souligne André Lajeunesse, professeur au Département de chimie, biochimie et physique. En pratique médico-légale, quand on essaie de détecter des drogues et poisons, les fenêtres de détection sont très courtes. Dans le cas du GHB, la drogue laisse des traces dans le sang durant six à huit heures, alors que dans l’urine, on parle d’une fenêtre de détection entre 12 et 15 heures.»
«Par exemple, si une victime est agressée sous l’influence potentielle du GHB, elle estconfuse, perd conscience, se remet de ses émotions plusieurs heures après. Elle est secouée, a un choc psychologique et le temps qu’elle se décide à le rapporter aux autorités, le temps de détection peut être expiré. L’avantage du cheveu, c’est que la kératine permet de piéger la drogue dans le cheveu», explique M. Lajeunesse.
Les cheveux poussent d’environ 1,1 centimètre par mois. Dans ce centimètre, on retrouve tout l’historique de ce que la personne a ingéré durant le mois.
«Ça nous permet de reculer dans le passé. On passe d’une courte fenêtre de détection à une période de plusieurs mois. Par ailleurs, le cheveu a l’avantage d’être abondant, facile à prélever, stable et à l’abri de la dégradation par les enzymes et les bactéries», note M. Lajeunesse.
Un ratio important
Comme on sécrète naturellement du GHB, l’équipe de recherche doit distinguer le GHB naturel du synthétique.
Pour ce faire, André Lajeunesse souhaite établir un ratio de concentration du GHB présent naturellement dans le cheveu, ainsi que son métabolite, car lorsque la drogue est ingérée, le ratio va varier, de sorte que la concentration de GHB augmentera, tout comme le métabolite.
M. Lajeunesse et son équipe étudieront également la composition chimique du GHB afin de pouvoir comparer la composition du GHB naturel versus le GHB synthétique, souvent produit à partir de produits chimiques provenant d’hydrocarbures.
«À l’heure actuelle, la plupart des recherches effectuées ont vu le jour en Europe. Le plus difficile, c’est d’établir un protocole assez solide pour amener ça comme pièce à conviction en Cour», précise M. Lajeunesse.
L’équipe de recherche a prélevé des cheveux de différentes couleurs pour comparer le taux moyen de GHB naturel en fonction de la couleur des cheveux. Il est aussi prévu de comparer ce taux entre hommes et femmes.
«Nous avons aussi prélevé des cheveux de personnes âgées. On parle beaucoup d’agressions, mais on assiste aussi à un phénomène avec les personnes âgées victimes de chantage et d’intimidation. Des proches ou des agresseurs les droguent à leur indu pour obtenir de l’argent ou des biens cachés. Les aînés deviennent confus sous l’influence du GHB, donc des proches peuvent profiter de la situation pour modifier le testament, par exemple. Par le prélèvement des cheveux, on pourrait prouver l’ingestion de GHB plusieurs mois plus tard», soutient le professeur-chercheur.
Prochaine étape
«Il faudra ensuite vérifier l’hypothèse avec des cas réels. Je compte visiter des centres de désintoxication pour avoir le consentement de gens qui ont consommé du GHB pour avoir des échantillons positifs. J’ai déjà des contacts avec des enquêteurs qui se sont montré intéressés par les démarches. Je pourrais peut-être prélever des échantillons de cheveux de victimes», conclut M. Lajeunesse.
Le corps humain produit naturellement du GHB qui sert à régulariser les neurotransmetteurs dans le cerveau, particulièrement les endorphines qui sont reliées aux sensations de bien-être. Lorsqu’une personne ingère du GHB synthétique, d’autres symptômes apparaissent, tels que la perte de conscience et un effet anesthésiant.