Une ville de party

Trois-Rivières s’est déjà vu coller le titre de “Happy Town”. Encore aujourd’hui, la ville est décrite comme une ville de party.

Sa position géographique, le fleuve et le chemin de fer ont attiré à Trois-Rivières autant les amateurs de fêtes bien arrosées que les pégreux de l’extérieur.

C’est du moins l’hypothèse avancée par Ghislain Raza de Patrimoine Trois-Rivières.

« En 1879, Trois-Rivières se retrouve connectée au Grand Tronc canadien par sa voie ferrée. La petite ville s’est donc agrandie car Trois-Rivières était plus facile d’accès. De plus, le Grand Tronc (voie ferrée transcanadienne) permettait aux gens de la campagne environnante de venir à la ville.

« Il y avait aussi le chemin de fer reliant Shawinigan à Trois-Rivières qu’empruntaient les bûcherons du nord pour venir fêter pendant deux ou trois jours au centre-ville. Ils avaient donné le surnom de “Happy Town” à la ville. La voie ferrée était parallèle au boulevard des Forges. Il y avait une gare à la hauteur de l’hôpital Cooke et une deuxième presque en face de l’Université. La voie était très achalandée dans les années 30 et 40. Aux visiteurs venant du Nord s’ajoutaient ceux qui débarquaient au port, marins et visiteurs.

« Les gens ne le savent peut-être pas mais à l’époque, la rue Bonaventure était en quelque sorte la “Main” du centre-ville avant l’incendie de 1908. Elle reliait le port à la gare. Maisons de chambre et hôtels fleurissaient le long de la rue. Si vous vous promenez sur Bonaventure, vous remarquerez que la porte de beaucoup d’immeubles fait le coin et non la façade. C’était comme ça à l’époque.

« Sans compter que, comme à la grandeur du Québec, Trois-Rivières connaissait une certaine explosion démographique. Puis, l’industrie du papier se développait. Il y avait croissance industrielle. Les conditions étaient donc favorables à l’établissement du monde interlope. »

Ajoutons à cela que, pour expliquer le boom de la corruption, policiers et détectives de Trois-Rivières étaient mal payés à l’époque. Peu payés, devrait-on dire. Comme presque partout au Québec d’ailleurs.

Le maire Drapeau fait le ménage

La corruption au sein du corps policier municipal semble avoir atteint son apogée dans les année 60 et 70. Jean-Pierre Corbin y va d’une explication.

« Lorsque le maire Jean Drapeau a appris que Montréal recevait l’Exposition universelle en 1967, il avait demandé aux policiers de sa ville de faire le ménage avant l’arrivée des milliers de visiteurs du monde entier. Beaucoup de pégreux et de prostituées ont mis le cap sur Trois-Rivières. »

Aussi, nous a-t-on rapporté, l’argent roulait à flots à Trois-Rivières à l’époque. La ville était la capitale mondiale du papier. Des professionnels et des hauts salariés avaient de l’argent à dépenser. De grandes entreprises comme Wabasso et Westinghouse avaient pignon sur rue à Trois-Rivières. Là où il y a du fric à faire, la mafia n’est jamais très loin.

Finalement, l’emplacement géographique de la ville est un facteur non négligeable. Québec et Montréal ne sont pas très loin. Cela fait davantage de monde au party.

(Cet article s’inscrit dans le dossier Au temps de la corruption à Trois-Rivières publié dans la section actualités.)

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