«Une attaque au génie québécois!» – Stéphane Gignac

Après l’inscription des entreprises de génie Dessau et Verreault sur la «liste noire» de l’Autorité des marchés financiers (AMF), l’entreprise de génie qui a trois bureaux en région parle de mises à pied, mais se montre réservée sur d’éventuelles fermetures de bureaux.

À la suite de l’annonce de l’interdiction pour la firme de génie Dessau de procéder à des contrats publics d’ici 2018, une sanction à la collusion détectée au sein de la haute direction, voilà que les conséquences sont lourdes et le mal, déjà fait, selon un employé du bureau de Trois-Rivières. Stéphane Gignac, directeur du service bâtiments, parle d’une nouvelle tout simplement «dramatique».

Pas de mise à pied pour le moment

Stéphane Gignac, directeur du service bâtiments pour les régions Maurice et Centre-du-Québec est dans l’organisation depuis 18 ans, à titre d’employé et aussi d’actionnaire. «Je suis très attaché à mon équipe, je suis fier d’elle et je suis fier de dire que je travaille pour le compte de Dessau», clame-t-il. Le père de famille a appris la «triste nouvelle» de la sanction envers son entreprise en même temps que plusieurs, jeudi soir par le biais des médias électroniques.

C’est avec une vive désolation qu’il a accueillie la mesure qui jette un scénario plutôt fragile sur le futur de la firme. «J’ai toujours fait mon travail dans l’intérêt de la population. Je n’ai jamais participé à quelques activités collusoires que ce soit», explique-t-il. «J’ai été très étonné des révélations faites à la Commission Charbonneau. Comme tout le monde, je n’aurais jamais cru que c’était d’une telle ampleur… On dirait quasiment de la fiction», déplore M. Gignac qui souligne toutefois qu’aucune mise à pied n’aurait, à sa connaissance, eu lieu à au bureau de Trois-Rivières.

Colère et crainte

Le directeur confie avoir été «choqué» d’apprendre que sa compagnie était autant impliquée dans les scandales de collusion. «La nouvelle de notre mise sur la liste noire de l’Autorité des marchés financiers (AMF) m’a fait très mal. Les conséquences sont à mon avis démesurées! Nous allons le payer très cher. L’existence d’un bureau d’ingénierie réputé à Trois-Rivières est compromise», prévient-il. La vente à des intérêts étrangers est une éventualité qui désole d’autant l’actionnaire.

«Je trouverais cela tellement triste comme scénario : perdre un fleuron de notre économie, donner le contrôle de la firme à des étrangers. À mon humble avis, c’est un scénario plus que probable maintenant. Pour les petits actionnaires comme je suis, cela voudrait sans doute dire aussi vendre à perte. Mon petit fonds de pension que je bâtissais tout seul, il en prendrait un coup», s’inquiète M. Gignac.

«Vaudrait-il mieux mentir?»

«Je trouverais cela tellement triste comme scénario : perdre un fleuron de notre économie, donner le contrôle de la firme à des étrangers.» – Stéphane Gignac

Mais surtout, c’est la fierté directement atteinte qui chagrine le plus l’employé. «Je le redis, nous sommes fiers à Trois-Rivières. Je crois sincèrement que nous avons la meilleure équipe de bâtiment au Québec, toutes compagnies confondues. Notre réputation cependant est sérieusement entachée par quelques pommes pourries au sein de la haute direction! Des Personnes qui ne sont d’ailleurs plus à notre emploi», tranche-t-il.

Si Stéphane Gignac est conscient et même en faveur du ménage à effectuer au sein de certains hauts dirigeants, il soutient que la firme a toujours voulu collaborer avec l’AMF. «Nous leur avons demandé ce que nous pouvions faire et malgré cela, nous sommes exclus. Nous sommes sans doute l’exemple que le gouvernement voulait démontrer… sans réfléchir aux conséquences». À son avis, le fait d’écarter ainsi la firme va tuer l’un joueur québécois en ingénierie les plus importants.

L’employé en rajoute, en affirmant que «l’entreprise Dessau est assurément celle qui a fait le plus de gestes concrets pour rétablir son éthique. Nous sommes la seule à avoir remboursé le fisc pour les contributions illégales aux partis politiques, mais nous sommes celle qui écope le plus. Comme quoi vaut mieux ne pas avouer et nier. Nous avons fait le contraire, et nous en payons le prix», reproche le directeur sans détour.

Pourquoi risquer l’avenir de la firme?

Le soutien des clients et l’annonce de la possibilité de poursuivre les contrats publics déjà entrepris s’avèrent toutefois une consolation pour M. Gignac. «Dans mon secteur aux bâtiments, les mandats publics représentent 90% de nos activités. On a, pour le bureau au complet, des dizaines et des dizaines de contrats en cours, dont certains d’envergure comme la Phase II du centre hospitalier régional de Trois-Rivières», précise-t-il. Selon lui, ce rendement aiderai la stabilité du sort de la centaine d’employés de Trois-Rivières.

«Bref, je suis d’accord avec le principe de base pour l’intégrité, mais je pense que cette sanction est une mesure mal appliquée. Pourquoi ne pas y avoir été avec une tutelle ou une mesure moins dramatique? Cette interdiction, c’est trop lourd de conséquences pour nous», conclut-il.