Un jardin pas comme les autres
Léandre Dumont a toujours aimé jardiner. Mais depuis deux ans, il a considérablement agrandi son potager, si bien que poussent fruits et légumes dans chaque coin et recoin de sa cour extérieure sur la rue Ledoux. Ce qu’il y a de particulier avec ce jardin, ce n’est pas seulement sa taille et son rendement. C’est aussi son histoire.
Sur une superficie d’environ 7 000 pieds carrés se retrouvent trente-six plants de tomates, des courgettes, sept sortes de piments forts, des poivrons, des fines herbes, des fraises, trois sortes de bleuets, des pommes, des poires, trois sortes de carottes, trois sortes de betteraves, des oignons, des céleris, des fèves, des courges et des patates.
«Ça peut avoir l’air un peu fou, mais j’ai compris comment bien m’occuper de mes plantes quand j’ai compris comment fonctionne le corps humain, explique M. Dumont. Il y a presque quatre ans, ma conjointe a fait un AVC. Tranquillement, elle se relève de cette épreuve et c’est en m’occupant d’elle que j’ai compris comment m’occuper de mon jardin.»
Le 26 novembre 2015, alors que le couple mange au restaurant avec des amis, Sylvie Morency fige sur sa chaise. Victime d’un AVC, elle est transportée d’urgence à Québec où les médecins ont constatent que trois caillots au cerveau sont à l’origine de l’attaque.
Deux semaines après son retour à l’hôpital régional de Trois-Rivières, un gastro-entérologue annonce à M. Dumont que sa conjointe a un cancer du pancréas en phase terminale, ajoutant du même souffle qu’il désire arrêter les traitements immédiatement.
«Je lui ai répondu de me donner quelques jours, de ne pas arrêter les traitements tout de suite, que je voulais réfléchir à tout ça, raconte M. Dumont. Le lendemain, un autre médecin vient me voir pour me dire que l’AVC avait été tellement violent que Sylvie ne marcherait plus et ne parlerait plus. Ce médecin-là aussi m’a suggéré de mettre fin aux traitements. Mais je lui ai répondu la même chose qu’à l’autre.»
Après réflexion, M. Dumont demande au personnel médical de refaire passer des tests à sa compagne. «J’ai exigé d’être à ses côtés à chaque examen, indique M. Dumont. Elle en a passé quelques-uns et, une semaine plus tard, l’infirmière en chef est venue me voir pour me dire qu’elle n’avait pas de cancer du pancréas, que c’était plutôt une bactérie et qu’ils avaient réussi à la faire passer.»
Défier les pronostics
À partir de ce moment, Léandre Dumont se donne une mission : celle de refaire marcher et de refaire parler sa tendre moitié. «J’allais la voir à l’hôpital et je la prenais sous mon bras pour la faire marcher tranquillement. On a commencé par un pas, puis deux, puis trois. Et elle a fini par marcher toute la longueur du couloir. Elle ne s’en rendait pas compte. Elle n’était pas consciente de ce qu’elle faisait, mais elle marchait», mentionne M. Dumont.
Ne voulant rien négliger pour aider sa conjointe, ce dernier lit une tonne de livres sur le fonctionnement du cerveau et du corps humain. «Je voulais comprendre et, surtout, je voulais l’aider sans lui nuire, dit-il. Je me suis beaucoup renseigné et j’ai essayé plein de trucs. De semaine en semaine, je voyais le progrès.»
Huit mois après son AVC, Mme Morency franchit un pas de géant. Elle reconnait enfin qui elle est et qui est M. Dumont. À ce jour, elle comprend tout, elle est autonome et elle est même capable de prononcer clairement quelques mots. Le travail à ce niveau se poursuit et M. Dumont a bon espoir que sa Sylvie reparlera de façon fluide d’ici deux ans.
Revenir à l’essentiel
Cela fait maintenant 25 ans que Léandre Dumont et Sylvie Morency partagent leur vie. Et depuis le 26 novembre 2015, ils n’ont pas passé une seule journée sans se voir. «Ç’a remis bien des choses en perspective, confie M. Dumont. À l’âge que j’ai, je pensais avoir vécu, mais non. J’ai appris à vivre à 65 ans.»
«J’étais en affaires et j’ai tout arrêté pour m’occuper de ma femme, ajoute-t-il. Il n’était pas question que je paie quelqu’un pour s’occuper d’elle. Je me suis enlevé le droit de pleurer et de me lamenter. Sylvie, c’est mon petit trésor et je me dois d’être fort pour elle.»
Maintenant, le couple profite de chaque journée ensemble. Lorsque la température est clémente, les amoureux sortent dans leur cour, un verre de vin à la main, pour s’occuper de leur jardin.
«Les plantes, c’est comme les êtres humains. Si tu t’en occupes de la bonne façon au bon moment, les résultats sont au rendez-vous. Ce que j’ai appris pour aider Sylvie, je l’applique dans mon jardin. En étant à l’écoute, en persévérant et en y mettant du cœur, on arrive à de beaux résultats», conclut-il.