Trois-Rivières solidaire à la communauté musulmane

RASSEMBLEMENTS. Deux rassemblements en solidarité à la communauté musulmane se sont tenus, lundi soir, à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) et au parc Champlain au centre-ville.

(Avec la collaboration de Stéphanie Paradis.)

Plusieurs personnes ont voulu exprimer leur soutien aux familles et amis des victimes de l’attentat qui a eu lieu dimanche soir à Québec. Une veille de silence a d’abord eu lieu à l’UQTR à 17h. Plus de 200 personnes se sont rassemblées devant l’UQTR, brandissant une centaine de chandelles, pour soutenir la communauté musulmane durement touchée.

 «On est excessivement satisfait! C’est touchant de voir cette solidarité aussi spontanée, car le rassemblement s’est organisé en moins de 24h. Je pense que ça démontre ce que sont réellement les racines de la société québécoise, car ce qui s’est passé dimanche soir ne nous définit pas, ce n’est pas ce qu’on est au Québec», a commenté Ann-Julie DuRocher, coorganisatrice du rassemblement.

L’émotion était palpable durant la minute de silence totale qui a été observée à la mémoire des personnes touchées par l’attentat. Tous étaient attristés par les événements, tout en étant à la fois émus par l’élan de solidarité dont tous ont été témoins ce soir.

Le rassemblement a d’ailleurs été l’occasion pour plusieurs de livrer de touchants témoignages, notamment celui de Alhassania Khouiyi, étudiante à l’UQTR depuis quatre ans, de confession musulmane.

«Je suis une fière Maroco-canadienne, et je dis toujours que comme un arbre, mes racines sont marocaines et mes feuilles sont québécoises. Je sais que ce qui s’est passé ne représente pas la société québécoise, et ça m’attriste.»

«Mon père me disait toujours que si tu cherches un lieu de paix et être en sécurité, va dans une maison de dieu. Que ce soit une mosquée, une cathédrale, une synagogue. Quand un tel événement se passe dans une maison de dieu, c’est juste triste, parce que c’est un acte haineux, c’est un acte d’incompréhension.»

Vidot Martino a aussi tenu à témoigner spontanément devant la foule, silencieuse et attentive.

«À l’heure actuelle, il y a un climat de psychose quasiment mondial. La société québécoise, la société canadienne, fait partie des sociétés qui ont des valeurs fortes, qui accueillent beaucoup de personnes, qui ont des valeurs portées sur l’ouverture. Je pense que le plus grand défi de notre génération est le vivre ensemble. Nous sommes de cette génération qui fait le tour du monde, mais il faut aussi faire le tour des valeurs. Il y a des valeurs qu’on se doit de propager comme un feu. Pas comme un feu qui brûle, mais comme un feu qui réchauffe les cœurs, un feu qui fait du bien aux gens.»

«Ça aurait pu arriver dans un temple bouddhiste, ou à un catholique ou un protestant en train de prier. Quand on vient dans un refuge, c’est pour se sentir bien, ce n’est pas pour perdre sa vie. Nous sommes, l’humanité, comme un arc-en-ciel et il faut voir la beauté de toutes les couleurs. Isoler une couleur, c’est perdre l’arc-en-ciel. Et moi je refuse de perdre l’arc-en-ciel.»

Rassemblement au parc Champlain

Dès 18h, les gens étaient invités à se réunir au parc Champlain. Là encore, c’est un message de paix et d’amour qui a été exprimé. Le ministre François-Philippe Champagne a tenu à s’adresser aux personnes présentes.

«Le Canada est un pays d’ouverture, a-t-il réitéré. Ces gens-là sont venus chez nous parce qu’ils croyaient en nos valeurs d’ouverture et de démocratie. Quand on s’attaque à une communauté, on se sent tous interpelés. Ce soir, le message qu’on lance, c’est un message d’amour. La division, c’est facile. Il y en  a qui prône la division à travers le monde. Essayons de se démarquer en prônant l’amour, en se rassemblant.»

Ébranlé et à la fois touché, le porte-parole du Centre culturel islamique de la Mauricie à Trois-Rivières, Malik Hamadouche, s’est dit ému par la solidarité exprimée partout au Québec.

«Ce que j’ai vécu dans les premières minutes était terrible, raconte-t-il. Mais après ça, quelle joie de voir tous ces Québécois et représentants du gouvernement avec nous aujourd’hui. La solidarité dont nous faisons preuve à Trois-Rivières est exemplaire. Quand j’étais tout jeune, je rêvais de venir au Québec. J’y suis depuis 32 ans. Je n’ai jamais douté de l’accueil de la communauté du Québec et du Canada. Nous refusons la haine. Celui qui me dira qu’il a choisi son lieu de naissance, sa couleur de peau, son intelligence, son infirmité, je lui dirai qu’il a le droit d’être raciste.»

Le maire de Trois-Rivières, Yves Lévesque, a pour sa part rappelé que les divergences d’opinions ne doivent plus être la cause d’événements tragiques comme celui vécu dimanche soir.  «On peut avoir des divergences d’opinions, mais il faut en discuter et faire des débats, pas enlever des vies. C’est désastreux ce qui s’est produit», a-t-il mentionné.

Aussi présente sur place, Djemila Benhabib a ajouté une touche d’espoir au rassemblement. «J’ai encore envie de continuer de rêver, a-t-elle lancé d’entrée de jeu. J’ai encore envie de continuer d’être l’utopique que j’ai toujours été, c’est-à-dire de rêver à une société plus juste, de rêver à une société plus ouverte, de rêver à un monde où règne l’amour qui n’est plus entaché ni par la violence, ni par la barbarie, ni par le rejet.»