Toujours maîtres chez nous récolte l’appui de la comédienne Isabelle Blais
La comédienne et chanteuse Isabelle Blais, originaire et résidente de la Mauricie, appuie le collectif Toujours maîtres chez nous qui s’oppose au Projet Mauricie de TES Canada dans les MRC de Mékinac et des Chenaux, au moment où ces dernières s’apprêtent à adopter les pièces réglementaires à propos de la présence des éoliennes sur leur territoire.
À l’issue d’un point de presse où plusieurs intervenants se sont été exprimés sur le projet d’implantation d’éoliennes en Mauricie, Isabelle Blais a pris position en témoignant de ses inquiétudes, elle qui estime passer près de la moitié de son temps dans la région.
« Je suis née à Shawinigan. J’ai grandi à Trois-Rivières jusqu’après mon cégep. J’ai beaucoup de famille et d’amis dans la région. Je partage mon temps entre Montréal et un chalet dans le coin de Shawinigan. Quand j’ai eu vent de ce corridor éolien, j’ai eu peur parce que je pense que personne ne veut retrouver ça dans sa cour, même si c’est pour des bonnes raisons. Tu ne quittes pas la ville pour te retrouver à côté d’une éolienne. »
Elle avoue avoir été soulagée d’apprendre qu’elle ne serait pas personnellement touchée en tant que propriétaire, mais qu’elle a poursuivi sa réflexion.
« Par après, une de mes voisines m’a dit que ça ne serait pas proche de chez nous. Malheureusement, comme bien des citoyens, tant que ce n’est pas dans notre cour, on n’en fait pas trop de cas. Mais je pense que c’est un enjeu qui touche toute la population québécoise, parce que ce sont des enjeux qui sont plus grands que juste les deux MRC qui sont touchées. »
Un de ses amis, touché de plus près par le projet, lui a fourni beaucoup d’information pour la mettre au fait des enjeux soulevés par le chantier projeté.
« J’ai passé des heures à faire mes devoirs, je ne vais pas me prononcer si je ne connais pas le dossier. Je ne vais pas prétendre qu’en si peu de temps, je suis devenue une experte en la matière. Je peux juste me rallier aux arguments que j’ai lus et entendus. En résumé, pour moi, ce qui m’apparaissait assez évident: ça suscite énormément de questions. Les tenants et aboutissants de ce projet-là sont un peu flous. »
Ce qui l’a particulièrement frappée, c’est la façon dont le gouvernement du Québec interagit avec une entreprise comme TES Canada.
« Qui décide des règles, en fait? Il y a une espèce de déresponsabilisation du gouvernement. Qui décide? Le gouvernement ou l’industrie? Quand le gouvernement dit à l’industrie d’aller sur le terrain avec des firmes, qui peuvent susciter plus qu’une apparence de conflit d’intérêts, et dit: « Amenez-nous des études, amenez-nous l’acceptabilité sociale avec des ententes, si c’est accepté socialement, on dit oui ». Mais qui décide des règles, des normes de ce qu’il va y avoir dans ces ententes-là? Quand l’industriel va rencontrer quelques personnes, déjà il y a un manque de transparence évidente. Si tu approches un propriétaire terrien, est-ce qu’on est à forces égales ici? La proposition de ce qu’il y a dans ces ententes-là sont souvent sous le sceau de la confidentialité. Si les gens ne peuvent pas dire ce qu’il y a dans ces ententes-là, comment peuvent-ils se parler? Comment peuvent-ils négocier, se mobiliser quand il y a quelque chose qui ne va pas? Au lieu que ce soient des réglementations qui viennent du gouvernement, on laisse un petit peu aller sa responsabilité entre les mains de l’industrie pour décider des facteurs et des normes et de ce qui sera acceptable dans ces dites ententes-là, dont on n’a pas du tout la lumière et l’information complète. C’est ce qui me choquait beaucoup. »
Elle en appelle à une plus grande réflexion collective avant d’aller de l’avant avec un projet semblable.
« À la lumière de tout ce qu’on a entendu, il y a un pas de recul à avoir, parce que ce sont des grosses décisions qui vont vraiment avoir un impact. Et il faut penser au long terme, il faut penser au legs qu’on veut laisser, il faut penser à ce qui va demeurer pour les générations futures, c’est quoi nos valeurs, c’est quoi nos projets de société sur du long terme? L’appât du gain, l’empressement avec lequel les industriels sont prêts parce qu’ils sentent les opportunités, je pense qu’il faut vraiment mettre un frein là-dessus pour prendre le temps de réfléchir. »
Elle met également en perspective les buts recherchés qui sont mis de l’avant pour l’établissement du parc éolien.
« Je pense qu’il y a une dissociation à y avoir entre un projet dont les objectifs sont la décarbonation et les projets dont l’objectif, c’est juste du développement économique et l’enrichissement de certaines compagnies parce que ça n’a pas les mêmes critères de financement. Il faudrait juste voir quelle proportion est vraiment utilisée pour la décarbonation et quelle proportion est juste pour s’enrichir. L’intérêt des Québécois est menacé dans sa richesse. Je pense qu’on peut avoir des projets qui vont apporter à tous les Québécois et Québécoises et non pas de jeter nos bénéfices et tout ce qu’on a gagné dans les mains de capitaux étrangers. »
Protection des terres agricoles et du patrimoine paysager
En tenant son point de presse dans les locaux de la SSJB à Trois-Rivières, Toujours maîtres chez nous a voulu rappeler les raisons de son engagement depuis l’annonce du projet d’implantation d’éoliennes.vLes pétitions signées dans différentes municipalités ont recueilli 4100 noms d’opposants au projet.
Le collectif défend la protection des terres agricoles. Une des responsables du collectif, Carole Neill, a remis en contexte les affirmations de TES à l’effet que la majorité des éoliennes ne seraient pas installées en terres agricoles.
« TES Canada s’approprie nos terres agricoles nécessaires à la sécurité alimentaire, et donc à l’indépendance alimentaire du Québec. C’est déjà une petite partie du territoire qui est consacrée aux terres agricoles. L’UPA dit que c’est 93% des éoliennes qui seraient en terres agricoles. Certaines sont en friche, mais quand elles sont en friche, c’est le potentiel du territoire agricole qu’on occupe. »
Au niveau du paysage, un des responsables de Toujours maîtres chez nous, René Beaudoin, a confié que le collectif aimerait produire une maquette afin que les citoyens puissent visualiser l’ampleur des éoliennes qui pourraient être installées par rapport à la hauteur des habitations.
« Les éoliennes de TES Canada, il n’en existe pas de pareilles au Québec actuellement. Les photographies qui sont présentées jusqu’à maintenant nous montrent toujours les petites éoliennes de Cap-Chat. Or les nôtres vont être deux fois plus hautes. Lorsqu’on dit des éoliennes de 210 mètres, 650 pieds, on est de l’ordre d’un édifice de 60 étages. La Place Royale à Trois-Rivières en compte 13, alors on est donc en train de faire quatre fois la hauteur de la Place Royale à Trois-Rivières. Ça n’a rien à voir avec les belles petites éoliennes bucoliques qui nous sont présentées souvent dans de multiples interventions. »
Le collectif a rappelé que la meilleure façon de sonder l’acceptabilité sociale du projet serait de tenir un référendum dans les MRC de Mékinac et des Chenaux avec une question simple et commune aux deux MRC. Les normes d’un tel référendum seraient garantes d’un exercice fiable.
Parmi les autres intervenants qui ont pris la parole, le responsable en stratégies de mobilisation, énergie et climat, de la Fondation Rivières, Normand Beaudet, a fait part des craintes de l’organisation à l’effet que le gouvernement soit en train de fragiliser les filières alternatives par précipitation, empressement, manque de planification et manque de consultation.
« Actuellement on est en train de permettre le contournement du processus d’appel d’offres qui fait en sorte qu’Hydro-Québec établit les cadres dans lequel les entreprises privées qui veulent participer à la production énergétique doivent fonctionner. Maintenant, on va permettre à des projets industriels de se faire valoir directement auprès du ministre pour être capable de gagner l’assentiment pour mettre de l’avant leurs projets. »
La Fondation Rivières a proposé, en commission parlementaire sur le projet de loi 69, une solution pour utiliser les éoliennes dans des milieux déjà perturbés et qui posent moins de problèmes dans les milieux habités: coupler les parcs éoliens avec les barrages à réservoir d’eau.
« Actuellement, Hydro-Québec possède 20 000 km2 de territoire ennoyé, donc déjà perturbé, sur lequel peuvent être installées des installations complémentaires pour préserver l’hydraulicité de nos barrages. Hydro-Québec possède aussi 30 000 km2 de territoire total comprenant les territoires inondés et toutes leurs installations. Hydro-Québec pourrait facilement être maître sur ces territoires-là et maître de l’éolien et de l’hydraulique au Québec. Le grand éolien doit être couplé avec les barrages parce que c’est une façon de gérer le débit de nos grands barrages. Le projet de TES c’est comme un laboratoire pour le gouvernement qui est en train d’ouvrir la porte et de tester les conditions de l’éolien. La priorité pour notre énergie actuelle, ça devrait être la décarbonation du Québec et non pas la propulsion industrielle sur les opportunités d’affaires qui sont créées par la crise énergétique. »
Par ailleurs, la cheffe de Climat Québec, Martine Ouellet, ne mâche pas ses mots lorsqu’elle exprime son opposition face au Projet Mauricie de TES Canada. Elle a réitéré ses arguments quant aux vertus environnementales du projet avec lesquelles elle n’est pas d’accord.
« Je travaille avec les citoyens ici, dans des Chenaux et Mékinac depuis près d’un an à dénoncer la désinformation sur le projet de TES Canada. Ça n’a rien à voir avec la transition énergétique. C’est un projet de pur gaspillage électrique. C’est un projet de privatisation d’électricité avec un projet d’hydrogène pas vert pantoute. Ce n’est pas un projet de décarbonation, c’est plutôt un projet de re-carbonation parce que c’est l’écoblanchiment du gaz d’Énergir, du gaz de schiste, du gaz de fracturation, le plus polluant de la planète en termes de GES. Le projet de TES Canada, c’est un projet illégal, tellement illégal qu’ils ont fait le projet de loi 69 pour le légaliser, un projet de privatisation de l’électricité à tous les niveaux. Privatisation de l’éolien, privatisation d’un barrage jusqu’à 100 mégawatts, privatisation de la distribution et privatisation par l’actionnariat. »
Conseils des maires des deux MRC
Ce soir, la MRC des Chenaux prévoit adopter en séance publique du conseil des maires son règlement modifiant le schéma d’aménagement et de développement en lien avec les aires de protection des lieux de captage des eaux souterraines et la création de dispositions relatives aux éoliennes.
Quelques heures plus tard, ce devrait être au tour de la MRC de Mékinac d’adopter son règlement de contrôle intérimaire relatif à l’implantation d’éoliennes.