Sport et alimentation : quand les cartes s’embrouillent

TROUBLES ALIMENTAIRES. De plus en plus d’athlètes qui pratiquent des sports d’endurance tels que le triathlon souffrent de troubles alimentaires. C’est ce que constate la nutritionniste trifluvienne Josiane Tanguay.

«Les troubles alimentaires chez les athlètes, c’est un problème pas mal plus répandu qu’on pense, soutient Mme Tanguay, qui se spécialise en nutrition sportive. Au niveau des sports d’endurance, c’est vraiment cet été que je m’en suis le plus aperçu. C’est peut-être à cause d’une recrudescence de gens qui s’intéressent au triathlon.»

«Dès qu’il y a un enjeu par rapport au ratio poids/puissance, ça devient difficile de faire comprendre jusqu’où le poids peut baisser sans que ce soit préjudiciable à la performance et à la santé, constate-t-elle. La ligne est mince. Contrôler son alimentation dans le but de performer, ça peut facilement aller trop loin et devenir un problème.»

Cette dernière remarque également que la proportion de troubles alimentaires augmente chez les athlètes prenant part à des compétitions. «Pour les sports avec des catégories de poids comme la boxe et le taekwondo, c’est très rare que le poids de routine de l’athlète est aussi son poids de compétition. Dans ce temps-là, c’est plus propice à ce qu’un trouble alimentaire se développe», explique Mme Tanguay.

Les personnes pour qui le sport est un loisir ne sont pas non plus à l’abri de cette problématique. C’est que le sport est souvent perçu comme une façon de perdre du poids. «Il y a des gens qui s’entraînent en se disant qu’ils vont pouvoir manger tout ce qu’ils veulent et non pas qu’ils s’entraînent parce qu’ils aiment leur sport. Et quand l’alimentation entre là-dedans, c’est souvent là que les cartes s’embrouillent», indique la nutritionniste.  

«C’est difficile de dire ce qui arrive en premier, poursuit-elle. Il y en a qui commencent à s’entraîner, mais qui avaient déjà un trouble alimentaire. À l’inverse, il y en a qui commencent à faire du sport, qui perdent du poids, qui y prennent goût et qui commencent à faire attention à leur alimentation pour perdre encore plus de poids.»

Prudence avec les mots

Au-delà du problème qu’elle peut cacher, la perte de poids engendre souvent des compliments. Le premier réflexe des gens est de féliciter la personne qui a perdu du poids sans savoir ce qui est à l’origine de ce changement. Est-ce que la personne fait une dépression? A-t-elle perdu un proche? Est-ce qu’elle a un trouble alimentaire?

«Il faut essayer de ne pas passer de commentaire sur le poids des gens, même si la personne va bien. Pour certaines personnes, un commentaire va être l’élément déclencheur d’un trouble alimentaire. Plusieurs commentaires sont faits sans malice, mais il faut vraiment faire attention», croit Josiane Tanguay.

«Pour moi, le poids, c’est un chiffre. Ça ne veut rien dire, mais c’est difficile de le faire réaliser à quelqu’un qui veut peser un poids spécifique. Souvent, les filles s’imposent un poids et se sentent coupables si elles dépassent ce chiffre. Je trouve qu’on est une société sévère par rapport au poids», dit-elle.

Ateliers pour jeunes sportifs

À l’Académie les Estacades de Trois-Rivières, des ateliers sont offerts aux athlètes chaque année par la nutritionniste Josiane Tanguay. Ces ateliers sur la nutrition sont présentés en fonction des différents sports pratiqués.

«Elle répond aux questions des jeunes athlètes. Bien manger, c’est la règle d’or. Josiane aborde les besoins alimentaires spécifiques pour chacun des sports. Quand les élèves ont des questions sur leur alimentation et que ce n’est pas un trouble, on les réfère à Josiane», indique Luce Mongrain, directrice adjointe des programmes sport-études (volet sportif) à l’Académie les Estacades.

«Quand c’est un trouble, les élèves sont automatiquement dirigés vers le service de psychologie, ajoute Mme Mongrain. Ça peut être détecté par les entraîneurs et les parents. C’est beaucoup moins fréquent qu’on pense. Ça fait 15 ans que je suis là et j’ai eu connaissance de très peu de cas. Ça se compte sur les doigts d’une main. Maintenant, il y a plus d’éducation, les élèves sont plus sensibilisés à cette problématique.»