Pyrrhotite : plusieurs propriétaires prêts à lancer un recours

PYRRHOTITE. Perte de jouissance, difficulté à vendre leur résidence ; les oubliés du cancer du béton, ces propriétaires coincés dans la zone grise, ont décidé de prendre les grands moyens pour obtenir réparation. Plus de 200 d’entre eux ont répondu à l’appel, lundi soir, dans le but d’intenter une action collective.

La Salle Maurice-Pitre n’aura finalement pas été suffisante pour accueillir tous les citoyens venus assister à la rencontre. Les chaises ont rapidement manqué, si bien que la plupart se sont résolus à rester debout. Même le vestibule a été mis à contribution. 

Dans cette salle pleine à craquer, la foule a poussé un soupir de soulagement. La plupart des gens ont réalisé pour la première fois qu’ils n’étaient pas seul. Une réponse bien au-delà des espérances de l’instigatrice de la démarche, Myrabelle Chicoine.

« Je ne pensais pas qu’autant de personnes se déplaceraient. Enfin, on va bouger ! », a-t-elle déclaré, très émue. Depuis 2 ans, elle et son conjoint ont deux hypothèques à payer. Impossible de vendre sa résidence de Trois-Rivières, puisque seul le mot pyrrhotite sur les rapports d’analyse décourage tout acheteur potentiel.

Sa résidence ne présente pourtant aucune fissure et le taux est négligeable, soit 0,08 %. C’est suffisant pour faire fuir les acheteurs, mais pas assez pour bénéficier d’une aide gouvernementale et intégrer l’actuel recours collectif. On se rappellera que le seuil d’indemnisation a été fixé à 0,23 % par le juge Michel Richard dans un jugement rendu en 2014.

Et ils sont plusieurs dans la même situation. La direction de l’évaluation de la Ville de Trois-Rivières a répertorié plus de 172 maisons dans la « zone grise ». Le taux varie entre 0,07 % et 0,22 %, selon un sondage réalisé par Myrabelle Chicoine.

Toujours selon ce même sondage, la plupart essaient de vendre leur maison, comme elle, mais sans succès.

Les propriétaires devant le tribunal

Lundi soir, celle qui a orchestré la rencontre a proposé aux autres propriétaires dans la même situation qu’elle de se regrouper dans une démarche collective et d’intenter un recours individuel. Aidée de deux avocats d’une firme basée dans la Ville de Québec, elle souhaite notamment d’obtenir réparation pour les préjudices subis.

À la fin de la rencontre, une cinquantaine de personnes s’étaient déjà montrées intéressées à rejoindre le recours. S’ils acceptent d’aller jusqu’au bout, ces derniers devront se partager les frais d’avocat.

La prochaine étape sera de valider la liste des inscriptions afin de lancer les procédures judiciaires le plus tôt possible. Des rencontres individuelles avec les avocats responsables du dossier se tiendront ensuite afin de convenir d’une stratégie à adopter. « Ils sont très confiant de gagner cette cause », a affirmé Mme Chicoine.

Pour plusieurs propriétaires comme André Payette, il s’agit là de leur dernière chance de mettre la main sur une indemnisation. Dernièrement, l’homme a reçu une offre de 100 000 $ pour sa résidence, ce qui représente une perte de 25 000 $ pour lui. D’emblée, il l’a refusé.

« C’est possible de vendre une maison avec un taux négligeable de pyrrhotite, mais à quel prix ? Si j’obtiens 75 000 $ de dédommagement dans le cadre d’un recours, là, je veux peut-être penser à accepter l’offre », a-t-il affirmé, avec aplomb. 

Course contre la montre

Le temps presse pour ces victimes de pyrrhotite puisqu’ils ont un délai de prescription de trois ans à observer. Une fois la date atteinte, ils ne pourront plus entamer un recours ou une poursuite. 

Francine Guay voit la date d’échéance arriver à grands pas. Cela fera trois ans le 17 avril 2017 exactement. « Si mon délai échoue avant le dépôt du mandat, je perds tout. Ça me fait peur ! », a admis celle qui a longtemps travaillé dans le milieu judiciaire. « Je connais les délais et je sais qu’ils peuvent être très longs. »

Tous ne s’entendaient toutefois pas, lundi soir, concernant le moment exact où le délai débute. Si certains affirment que le chrono part à la date inscrite sur le rapport d’analyse de pyrrhotite, d’autres croient plutôt qu’il commence dès que les dommages se font ressentir chez les victimes.

Les avocats devront apporter une réponse à cette question dès vendredi, a assuré Myrabelle Chicoine. Les propriétaires qui souhaitent intenter un recours peuvent le faire en écrivant au maisontroisrivieres@hotmail.com avant le 3 mars prochain.

« Plus vite les démarches judiciaires sont lancées, plus vite le délai de prescription s’arrête », a-t-elle expliqué. 

Recours collectif et recours individuel

Au départ, Myrabelle Chicoine souhaitait lancer un recours collectif. Aujourd’hui, elle évoque plutôt une « démarche collective dans laquelle chacun des propriétaires intentera un recours individuel ». Elle explique ce choix en raison notamment des caractéristiques différentes dans chacun des dossiers. Par exemple, la date d’achat et le taux de pyrrhotite diffèrent pour chacun, ce qui ne permettait pas de lancer une action de groupe.