Pyrrhotite : manque de volonté de la part de Québec ?

PYRRHOTITE. Si c’est gonflé à bloc que les délégués de la Coalition d’aide aux victimes de la pyrrhotite (CAPV) soient revenus de leur voyage dans l’État américain du Connecticut, c’est avec le même sentiment de déception qu’ils ont quitté la rencontre avec le gouvernement du Québec la semaine dernière.

Des représentants de la Société d’habitation du Québec, du ministère des Affaires municipales, du ministère du Travail ainsi que le député de Maskinongé Marc H. Plante étaient assis à la table lors de la rencontre du 5 octobre dernier.

La CAPV espérait obtenir les réponses tant attendues à leurs demandes de longue date concernant notamment l’accessibilité au programme et l’implantation d’une norme plus sévère sur la qualité du béton. Cela en a été tout autre.

«Il a plutôt fallu reformuler ces mêmes questions. On se fait toujours dire la même chose : ce n’est pas simple à faire, nous sommes en récession et nous n’avons pas d’argent. Nous avons le sentiment que personne ne nous écoute vraiment!», a déploré le président de la coalition, Alain Gélinas.

«L’argent, il y en a tout le temps. Il s’agit juste de savoir où sont nos priorités. Et pour le gouvernement, ce n’est pas une priorité absolue de régler la problématique de la pyrrhotite. Du moins, c’est ce qu’on ressent», a-t-il renchéri.

La coalition espère voir sa demande se réaliser au printemps 2017, au moment où Québec rendra disponible le deuxième montant d’aide de 10 M$ pour les victimes.

Une norme plus précise sur le béton

Lors de cette rencontre, la coalition a une fois de plus réclamé une norme fédérale plus sévère pour encadrer la fabrication du béton afin d’éviter l’éclosion d’un nouveau drame de pyrrhotite au Canada.

La norme actuelle établie par l’Association canadienne de normalisation (CSA) est imprécise, a signalé Alain Gélinas. En effet, si elle indique qu’un taux trop élevé de pyrrhotite peut endommager le béton, elle ne dit pas le pourcentage à ne pas dépasser.

«En parlant à gauche et à droite, on voit que tout le monde a sa propre interprétation de la norme. Pourtant, la preuve est flagrante que la pyrrhotite dans le béton cause des dommages irréversibles», a-t-il déclaré.

Il demande également que cette réglementation plus claire et précise soit inscrite au code du bâtiment. Cela forcerait les entrepreneurs et les bétonnières à l’appliquer.

Entre temps, la CAVP souhaite réunir à une même table les universités et les chercheurs pour mieux définir à l’avenir ce que devrait être un béton de qualité et propice à l’usage dans les constructions de bâtiments.

«On sait qu’on ne peut pas corriger le passé, mais peut-on arrêter l’hémorragie dans le futur ?», a souhaité le vice-président de la coalition, Michel Lemay.

Une norme nord-américaine ?

Les 30 septembre et 1er octobre, des membres de la Coalition ont parcouru près de 700 km en voiture pour rencontrer d’autres victimes de la pyrrhotite dans l’État du Connecticut. Là-bas, on dénombre plus de 19 000 cas potentiels. À Trois-Rivières, on compte près de 4 000 victimes.

La Mauricie n’est donc pas la seule aux prises avec le cancer du bâtiment. Mont-Laurier, l’Irlande, l’Espagne, le Connecticut et possiblement le Massachusetts aux États-Unis mènent la même bataille.

Pour Alain Gélinas, cela démontre qu’il est plus que temps d’adopter une norme canadienne et pourquoi pas nord-américaine. «Nous allons travailler conjointement avec le regroupement du Connecticut. Une approche commune serait beaucoup plus bénéfique», croit-il. 

D’ailleurs, la CAVP entend aider ses confrères américains à procéder à des analyses sur leur territoire afin de faire avancer les recherches. Au Connecticut, la pyrrhotite a été introduite dans le béton résidentiel vers 1982. En Mauricie, c’est plutôt en 1998.

La coalition veut donc savoir quel taux de pyrrhotite s’est retrouvé dans les fondations des résidences américaines. «Pourquoi les dommages ont pris jusqu’à 30 ans à se manifester ? Si on apprend que le taux est en bas de 0,2 %, cela veut dire que d’autres cas pourraient se déclarer en Mauricie», s’inquiète M. Gélinas.  

Autres demandes de la CAPV

  • Rendre admissible aux victimes le programme d’aide de la SHQ à partir de 0.23 % de pyrrhotite dans le béton.
  • Rendre admissible au programme d’aide de la SHQ les maisons qui ont dû être réparées en urgence.