Politique d’habitation: la priorité aux logements sociaux et abordables

La Ville de Trois-Rivières a profité de la consultation publique portant sur l’élaboration de la toute première Politique d’habitation de Trois-Rivières pour en présenter les grandes orientations. Si certains détails pourraient changer d’ici la version finale, une chose est certaine: dans les cinq prochaines années, l’essentiel des efforts sera consacré à augmenter le nombre de logements sociaux et abordables à travers la ville.

D’après les plus récentes données, le taux d’inoccupation des logements est passé de 4,6% en 2017 à 0,9% en 2021. L’équilibre est considéré à un taux d’inoccupation de 3%.

En parallèle, le loyer moyen pour un appartement 4½ était de 658% en 2021, tandis que les logements de trois chambres et plus se louaient en moyenne à un coût de 733$ par mois. Toutefois, 39% des ménages gagnent moins de 40 000$ par année. Le vieillissement de la population est également un autre facteur à considérer.

« La crise de l’habitation est un enjeu complexe, global et multifactoriel. À Trois-Rivières, les besoins sont quasi infinis, mais c’est dans le locatif que les besoins sont les plus importants. Les besoins les plus criants sont pour les personnes plus démunies. C’est pourquoi on veut se concentrer sur des enjeux municipaux pour avoir un impact réel à court terme, le tout centré sur le logement social et abordable. On entend se doter d’un premier plan d’action concentré sur un horizon de 0-5 ans », explique Myriam Lavoie, chef de service – Planification et urbanisme à la Ville de Trois-Rivières.

La Politique d’habitation s’assoit sur quatre grandes orientations, dont notamment d’arrimer le développement des nouveaux logements avec les besoins de la population, entre autres en prenant en considération le vieillissement de la population, et de favoriser l’augmentation de tous les types d’habitations pour revenir à un marché plus abordable.

« Le développement de l’offre d’habitation s’intégrera aussi dans notre vision en matière d’urbanisme. Par exemple, la Politique viendrait favoriser des lots de petite taille avec une plus grande occupation au sol pour utiliser le territoire de façon optimale et éviter les impacts de l’étalement urbain, ajoute Mme Lavoie. On veut également tendre vers la diminution de l’espace occupé par les voitures dans les milieux de vie et compenser la forte densité par l’accès à des espaces publics comme des parcs »

Environ 1500 logements seraient manquants présentement à Trois-Rivières pour rétablir le taux d’inoccupation à 3%. La Ville espère la création de 500 à 600 logements sociaux ou abordables à court terme.

11 actions identifiées

Un premier plan d’action axé sur les cinq prochaines années a été présenté durant la consultation publique. Il y est question d’embaucher un spécialiste de l’habitation pour mettre en place la Politique d’habitation, faire la gestion de programme et faire le lien avec la table de travail sur le logement social et abordable.

Le plan d’action prévoit également l’élaboration une stratégie d’acquisition d’immeubles pour des fins de logement social. La Ville se doterait ainsi d’un droit de préemption, c’est-à-dire que la Ville pourrait se porter acquéreur avant quiconque d’un terrain intéressant mis en vente. Cela permettrait de constituer une banque de terrains disponibles pour accueillir des projets de logement social. Des quartiers d’intérêt et des types d’immeubles seraient ciblés au départ.

« Une autre action consiste à mettre en place un guichet unique pour les demandes de création d’unités de logement social et s’assurer de réduire au minimum les délais administratifs municipaux associés à ces projets », précise Mme Lavoie.

La Politique d’habitation prévoit aussi d’autoriser les unités d’habitation accessoires sur un terrain. Cela pourrait consister, par exemple, en une mini-maison dans la cour arrière, l’ajout d’un logement bigénération au sous-sol ou la construction d’un logement dans la cour.

« Ça permet une densification douce et une augmentation du nombre de logements dans les quartiers existants sans dénaturer le milieu d’insertion », note la chef de service – Planification et urbanisme.

Le développement de programmes de subvention visant la création de logement social et la mise en place d’une gamme de modes de financement, plus flexible, est aussi dans les plans pour encourager la construction de logement social et abordable.

« L’idée est de définir des cibles de développement de logement social et abordable. Les contributions municipales seraient à définir pour les demandes financières pour couvrir les cinq années du plan d’action. On sait que c’est difficile d’avancer sans argent, mais ça fait partie de nos préoccupations », indique Marc-André Godin, directeur adjoint à la Direction de l’aménagement et du développement durable.

La Ville entend également faire des actions de lobbyisme auprès du gouvernement du Québec pour une modulation des critères des programmes existants selon les réalités régionales spécifiques à Trois-Rivières. L’uniformité des critères, actuellement, n’est pas nécessairement adaptée à la situation trifluvienne, estime la Ville.

Des inquiétudes pour les airbnb

Une cinquantaine de personnes s’étaient inscrites à cette consultation publique. Parmi les personnes présentes, plusieurs ont émis des inquiétudes en lien avec les logements utilisés en tant qu’airbnb.

Myriam Lavoie assure que l’impact des airbnb a un impact somme toute limité sur la crise de l’habitation actuelle à Trois-Rivières. « On a déjà une réglementation assez restrictive pour les hébergements touristiques. Il faudrait vérifier les zones. On nous a dit que notre réglementation était assez appropriée à la problématique, car ce n’est pas le facteur dominant à notre crise du logement. C’est permis à peu d’endroit. La Politique d’habitation ne prévoit pas en resserrer le cadre normatif », détaille-t-elle.

Devant l’insistance des participants sur cette question, il a été convenu d’évaluer la situation ou, à tout le moins, de considérer l’enjeu de l’application de la réglementation.

D’autres participants se sont aussi inquiétés de la place du privé dans le développement de logements sociaux.

« On a des réserves quand le privé embarque dans la construction de logements sociaux ou abordables. Par exemple, on n’a pas retenu l’idée d’une contribution obligatoire aux promoteurs pour financer le développement de logement social ou abordable pour plusieurs raisons, mentionne M. Godin qui aimerait voir davantage d’organismes trifluviens se lancer dans la construction ou la conversion de logement social et abordable. On a vu que, dans plusieurs villes où cela a été tenté, les promoteurs payaient la contribution, mais haussaient les prix des autres logements de l’immeuble pour compenser, de sorte que le coût moyen des logements neufs augmentaient davantage. Cela venait écarter encore plus de gens du marché locatif privé. On avait peur que ce soit contre-productif avec nos autres mesures. »

Pour bonifier sa réflexion sur la Politique d’habitation, la Ville invite la population trifluvienne à participer à une consultation écrite jusqu’au 24 mars. Les détails à ce sujet sont disponibles au www.v3r.net dans la section concernant la Politique d’habitation.

Les 11 actions prévues dans un horizon 0-5 ans

  • Embaucher un spécialiste en habitation
  • Adopter un règlement permettant à la Ville de se prévaloir du droit de préemption et identifier les secteurs et les types d’immeubles appropriés pour exercer ce droit
  •  Élaborer et mettre en œuvre une stratégie d’acquisition d’immeubles pour des fins de logement social
  •  Analyser l’ensemble des propriétés municipales des premiers quartiers et de la première couronne pour valider si certaines présentent un potentiel de développement de logement social
  •  Guichet unique pour les demandes de création d’unités de logement social et s’assurer de réduire au minimum les délais administratifs municipaux associés à ces projets
  •  Développer un programme de subvention pour la création de logements abordables
  •  Faire des représentations auprès du gouvernement du Québec pour une modulation des critères des programmes selon les réalités régionales spécifiques à Trois-Rivières
  •  Bonifier le cadre normatif sur l’obligation de construction de logements adaptables
  •  Adopter un cadre normatif pour autoriser les unités d’habitation accessoires et assurer leur intégration au milieu d’insertion
  •  Offrir une variété de modes de financement pour la contribution de la communauté aux projets de logement social (terrain, crédits de taxes, contributions financières, etc.) afin de s’adapter à la réalité des différents projets
  •  Faire un guide sur le développement et le redéveloppement afin de favoriser la bonne intégration des projets