Neuf enfants, bientôt onze

La famille Joseph-Lapierre accueillera, au cours des prochains mois, ses dixième et onzième enfants. En démarches depuis quatre ans pour adopter en Haïti, Julie Joseph et son mari Joël Lapierre ont su récemment qu’ils allaient devenir les parents d’une jeune fille de 10 ans et de son frère de 6 ans.

Pour ce couple trifluvien, il s’agit du quatrième processus d’adoption. La famille est composée de quatre filles biologiques, d’un fils adopté à la naissance au Québec, d’une fratrie de deux garçons adoptés en Ukraine en 2012 ainsi que d’une autre fratrie d’un garçon et d’une fille également adoptés en Ukraine en 2014. L’aînée a 19 ans et la benjamine a 9 ans.

«Adopter en Haïti, c’est une idée que j’ai depuis que je suis toute petite, confie Mme Joseph. Quand on a commencé nos premières procédures à l’international, en 2011, Haïti était fermé. On s’est donc tourné vers l’Ukraine et on y est retourné en 2014. Quand on a recommencé des démarches, il y a quatre ans, on pouvait choisir Haïti. Il restait une place et on l’a prise. On a déposé notre dossier en 2016 et on était en attente depuis ce temps-là.»

«Normalement, le délai est de 2 à 3 ans après le dépôt du dossier, ajoute cette dernière. Ç’a été plus long dans notre cas étant donné qu’on a été famille d’accueil pendant un an. Quand tu es famille d’accueil, tu ne peux pas adopter en même temps à l’international. C’est un projet à la fois.»

Le couple Joël Lapierre et Julie Joseph.

Tous les deux ans, les couples qui ont entrepris des procédures pour adopter doivent mettre leur dossier à jour pour signifier leur intérêt à poursuivre les démarches. Dans le cas de la famille Joseph-Lapierre, cette mise à jour était prévue en mars 2021.

«On s’était dit que si on n’avait pas été contacté d’ici là, on ne remettait pas le dossier à jour, raconte Mme Joseph. Nos enfants vieillissent et nous aussi. On ne voulait pas attendre encore plusieurs années.»

Quand le couple a été contacté, il y a quelques semaines, la surprise a été grande. «On ne s’en attendait pas du tout. On est vraiment heureux. On espérait de tout notre cœur que ça fonctionne», mentionne celle qui sera bientôt maman d’onze enfants.

Des rencontres virtuelles

Normalement, le processus d’adoption à l’international prévoit que les parents visitent leurs enfants adoptifs avant de les ramener à la maison. En raison de la pandémie, les choses se dérouleront différemment cette fois. Le voyage de deux semaines est remplacé par des rencontres virtuelles.

«On attend de savoir quand aura lieu la première, indique Mme Joseph. Pour le moment, on a vu des photos d’eux, mais on ne les a pas encore vus derrière l’écran. C’était un premier contact avec la crèche, mais la connexion était tellement mauvaise qu’on n’a pas pu avoir de discussion.»

C’est une première pour le couple qui est habitué à une tout autre façon de faire. «Il y a des bons et des mauvais côtés dans les deux cas, fait remarquer Mme Joseph. En Ukraine, le voyage dure 30 à 40 jours. On avait le temps de vraiment côtoyer les enfants. Par contre, c’était plus difficile pour nos enfants à la maison qu’on ne voyait pas pendant longtemps.»

«Cette fois, la première rencontre en personne qu’on va avoir avec nos enfants, ce sera quand on va aller les chercher, poursuit-elle. Le bon côté de ça, c’est que c’est moins déchirant. En Ukraine, on passait plusieurs jours avec eux, on repartait à la maison et on retournait les chercher plusieurs semaines après. Chaque fois, ça nous brisait le cœur de repartir sans eux.»

Un autre côté positif avec Haïti, selon elle, c’est que les parents reçoivent des informations sur leurs enfants adoptifs avant de les rencontrer. En Ukraine, le jumelage se faisait sur place. De plus, dans les orphelinats haïtiens, les enfants apprennent le français. Bien que le créole demeure la langue maternelle, la barrière de la langue devrait être moins grande cette fois.

La dernière fois… peut-être

Chez les Joseph-Lapierre, aider les orphelins est une conviction profonde. C’est pourquoi ils n’ont jamais fermé définitivement la porte à l’adoption. «On ne s’est jamais dit qu’on arrêterait d’adopter après un chiffre en particulier. On le fait parce qu’on a à cœur les enfants», soutient Mme Joseph.

Bien qu’ils n’aient pas l’intention d’entamer d’autres procédures à l’avenir, leur porte demeure ouverte. «On ne sait jamais ce qui peut arriver. Pour preuve, on a été famille d’accueil pendant un an et ce n’était pas prévu. On a saisi l’opportunité, tout simplement. On ne fera pas d’autres démarches, mais si ça vient à nous, on prendra une décision en temps et lieu», explique Mme Joseph.

D’ici là, toute la famille attend avec impatience la venue des deux nouveaux membres du clan.

Adopter en Haïti, pas si simple

Malgré la fausse impression que peuvent avoir certaines personnes, Julie Joseph rappelle que l’adoption en Haïti n’est pas une mince affaire.

«Il y a beaucoup de gens qui sont restés avec l’impression que c’est facile d’adopter en Haïti parce qu’il y a beaucoup d’orphelins. Mais ce n’est pas aussi simple que ça, dit-elle. Les deux parents biologiques doivent signer des documents pour donner leur accord. Ils doivent aussi passer devant le juge et prendre part à des rencontres avec une travailleuse sociale pour s’assurer que c’est vraiment ce qu’ils veulent faire. C’est un long processus.»

Les procédures d’adoption ont également été retardées ces dernières années en raison des nombreuses crises qu’a connues le pays, notamment celle du pétrole.