Mesurer l’impact des conditions hivernales sur la santé des pompiers

Professeur et chercheur à l’UQTR, Philippe Gendron s’intéresse à la santé des pompiers. Depuis plusieurs mois, son équipe et lui effectuent des recherches pour mesurer les impacts du froid sur les pompiers lorsqu’ils combattent des incendies en hiver.   

« J’ai beaucoup de contacts dans le milieu et les inconforts reliés au froid revenaient souvent. Je me suis donc penché sur la question. Il n’existe rien dans la littérature scientifique à ce sujet », indique M. Gendron. 

Bien que l’on associe rarement le froid aux pompiers, les conditions hivernales peuvent nuire à leur travail à plusieurs niveaux et, ultimement, avoir des effets néfastes sur leur santé. C’est que le professeur Gendron et son équipe tentent de bien comprendre. 

« Les pompiers travaillent très fort physiquement au début de l’incendie pour le maîtriser. Ils sont appelés à entrer dans un bâtiment en feu, monter des escaliers, etc. Ensuite, c’est un travail moins exigeant. C’est souvent d’arroser le feu sans trop bouger. Ce qui fait en sorte que la sueur accumulée dans l’habit en lien avec la forte activité physique des premières minutes finit par créer une sensation d’humidité et de froid », résume le professeur.  

Ce dernier précise que les vêtements de protection contre le feu sont lourds et que l’évacuation de la chaleur produite par le corps se fait difficilement. Ainsi, l’intérieur de l’habit du pompier peut atteindre en moyenne un taux d’humidité de 85 à 90 % et une température de 35 à 37 °C. 

« Il faut garder en tête que c’est une situation vécue régulièrement chez les hommes et les femmes qui exercent ce métier, ajoute M. Gendron. Le froid peut causer des engelures, mais aussi augmenter le risque d’événement cardiaque chez certaines personnes. On parle également de diminution de la capacité physique, notamment la force musculaire, l’équilibre et la dextérité. Un autre aspect à ne pas négliger, c’est les performances cognitives. L’inconfort ressenti causé par le froid peut nuire à la prise de décisions. »

18 participants sous la loupe

Pour mesurer les impacts du froid chez les pompiers, le chercheur et son équipe ont créé, en laboratoire, un espace permettant la simulation d’une lutte contre un incendie. Ils utilisent, entre autres, un tapis roulant qui sert à simuler un escalier et un poids de 35 lb représentant un boyau d’arrosage enroulé. L’équipe dispose également d’une chambre froide allant jusqu’à -20 °C.

Vêtus de l’équipement de protection individuelle de pompier, les participants sont sur un tapis roulant pendant 25 minutes à une température de 22 °C. Ensuite, ils sont installés dans une chambre froide pendant une heure, à différentes températures. 

« On est dans les phases d’expérimentation, indique le chercheur. On a complété les tests avec une douzaine de participants sur dix-huit. On devrait avoir fini tous les tests d’ici l’été et faire les analyses ensuite. »

« Jusqu’à présent, on constate qu’il n’y a pas vraiment de risque d’hypothermie parce que la chaleur interne du corps demeure assez élevée après une heure dans la chambre froide, renchérit ce dernier. C’est la température des extrémités, comme les doigts, qui est problématique. Quant aux capacités cognitives, on verra jusqu’à quel point l’inconfort ressenti nuit à la prise de décisions. On est toujours en analyse préliminaire. Certaines variables n’ont pas encore été étudiées, alors ça pourrait influencer les résultats. »

À la lumière des résultats obtenus, le professeur Philippe Gendron orientera la suite du projet de recherche. Il travaille parallèlement sur d’autres projets reliés à la santé des pompiers, dont un sur l’alimentation en caserne et un autre pour mesurer l’intensité du travail pendant le combat. « L’objectif commun, c’est une meilleure santé des pompiers et réduire les risques même si ça reste par définition un métier risqué », conclut-il.