L’itinérance jeunesse, une réalité cachée

Dans le cadre du Forum régional en itinérance, tenu la semaine dernière à Shawinigan, des intervenants de divers milieux ont échangé des préoccupations, des défis et des approches à privilégier dans la lutte à l’itinérance. Il a été question, entre autres, du phénomène de l’itinérance jeunesse, qui touche une grande proportion des jeunes qui ont une longue histoire en centres jeunesse.

Julie Moreau, du Programme qualification des jeunes (PQJ) du CIUSSS MCQ, travaille auprès de cette clientèle. Le programme s’adresse aux jeunes de 16-19 ans qui sortent des hébergements jeunesse ou qui se retrouvent sans famille d’accueil.

« Les jeunes du PQJ, ce sont les plus vulnérables, ceux qui présentent le plus grand risque d’itinérance, soutient-elle d’entrée de jeu. Ils sortent des hébergements jeunesse ou des familles d’accueil à 18 ans et ils se retrouvent seuls au monde. Ils ont souvent peu d’expérience d’apprentissage et un lourd bagage avec eux. Ce sont des jeunes qui ont des parents maltraitants, abuseurs ou négligents. Ce sont des jeunes qui enchaînent les mauvaises décisions. Ils sont en mode survie. »

Selon les plus récentes statistiques disponibles, 33 % des jeunes placés ont connu au moins un épisode d’itinérance, comparativement à 0,9 % chez les jeunes en général. De plus, 70 % des jeunes ont mentionné avoir vécu une instabilité domiciliaire à la suite de leur sortie de placement.

« C’est pour ça qu’il faut agir tôt, pour changer ce cycle, martèle Mme Moreau. On appelle ça de l’itinérance cachée parce que ce ne sont pas des jeunes qu’on voit au coin de la rue. Ils passent 2-3 jours chez une personne, puis chez une autre. Il y en a même qui font des échanges sexuels pour avoir un endroit où passer la nuit. C’est très difficile pour eux d’avoir un logement parce qu’ils sont sur l’aide sociale, ils n’ont pas accès au crédit, ils n’ont pas de références. Ils sortent de l’hébergement et ils n’ont rien de tout ça. »

Un accompagnement bienveillant

Mme Moreau et son équipe de 13 intervenants sur le terrain vont à la rencontre de ces jeunes afin de mieux les outiller à démarrer leur vie adulte. « On va vers eux dans leur milieu. C’est sur une base volontaire, alors il faut prendre en considération qu’on doit aussi leur laisser la liberté dont ils ont besoin si on ne veut pas les perdre, précise Mme Moreau. Il faut les accompagner dans leurs choix, qu’ils soient bons ou mauvais. On est là dans les réussites comme dans les échecs. »

« Si on veut les sortir de la rue, il faut qu’ils croient en eux, renchérit cette dernière. Ils doivent apprendre à se faire confiance. On leur a toujours dit quoi faire. Il faut qu’ils apprennent à se connaître, à savoir ce qu’ils veulent. » 

Chaque semaine, Mme Moreau et son équipe sont témoins de petits miracles. « Il y a de belles réussites qui se font. Chaque intervenant fait une différence. Juste par leur présence, les jeunes savent qu’ils ont quelqu’un de bienveillant sur qui compter. On poursuit donc nos efforts. La lutte à l’itinérance, ça peut se gagner seulement si tous les intervenants dans tous les milieux marchent dans la même direction », conclut Julie Moreau.