Les services à l’aide sociale «déshumanisés»

SOLIDARITÉ. Le syndicat représentant les agents d’aide sociale s’unit pour la première fois aux groupes de défense des droits des prestataires pour dénoncer les impacts déshumanisants dans la gestion actuelle du programme d’aide sociale et ce,  autant pour les agents que pour les prestataires.

Une récente étude réalisée par le SFPQ démontre que les différents ministères et organismes du gouvernement gèrent de plus en plus les centres d’appels comme des chaînes de montage, dans le but d’augmenter la « productivité » à tout prix. Selon Frédérick Dagenais, président régional du SFPQ : « le stress au travail est important, les conditions de travail de plus en plus difficiles et exigeantes : tout est enregistré, minuté, surveillé.  La performance des agentes et des agents est évaluée de façon inversement proportionnelle au temps qu’ils et elles consacrent à chaque citoyen et dans ces conditions, ils n’ont plus la latitude nécessaire pour faire face aux besoins humains. Il y a eu cinq démissions sur une période deux mois au Centre de communication avec la clientèle de l’aide sociale de Trois-Rivières et ces personnes étaient des agents qualifiés et à temps plein.»

Quant à la Coalition pour les droits des personnes assistées sociales, ses groupes-membres constatent depuis plusieurs années la détérioration de la qualité des services à l’aide sociale. Avant 2008, lorsqu’une personne avait besoin d’un soutien financier, elle devait remplir un formulaire et rencontrer une agente ou un agent d’attribution. Cette rencontre permettait de déterminer ce à quoi la personne avait droit en lui donnant l’occasion d’expliquer sa situation au-delà des cases du formulaire, de connaître les critères et le fonctionnement de base du programme d’aide sociale ainsi que ses droits et obligations. La rencontre permettait aussi à la personne d’obtenir de l’assistance pour remplir le formulaire ce qui est nécessaire alors que 53% des Québécois de 16 à 65 ans sont considérés comme des analphabètes fonctionnels.

Pour Pierre Blanchet porte-parole de la CDPAS, «il y a près de 10 ans maintenant, le ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale mettait fin aux rencontres d’attribution initiale, centralisait le traitement administratif des demandes et transférerait un grand nombre d’agentes et d’agents d’aide des centres locaux d’emploi vers les centres d’appels. La personne ayant besoin d’une aide de dernier recours doit maintenant se débrouiller seule pour déchiffrer des formulaires complexes et les avis écrits.»

Dans les centres locaux d’emploi, l’accompagnement humain est en voie de disparition dans un contexte où plus de la moitié des personnes qui font des demandes ont des problèmes de compréhension à l’écrit. Elles peuvent avoir des difficultés à comprendre les explications par téléphone, se sentir bousculées ou mal informées, d’autant plus que les agentes et agents se font presser de terminer leurs appels.

M. Blanchet poursuit: «Cela ne permet plus d’établir une relation de confiance avec les agents; les prestataires sont appelés à répéter les mêmes informations à des agents différents et tout cela rend d’autant plus difficile la compréhension des informations reçues. Le stress que cela crée s’ajoute à celui que les personnes à l’aide sociale vivent en lien avec leur situation financière.»

C’est pourquoi autant la Coalition que le Syndicat réclament une augmentation des ressources humaines nécessaires afin de permettre aux prestataires d’avoir accès à des services de qualité, dont une aide à l’assistance et à l’accompagnement, et pour que les agents d’aide sociale puissent avoir le temps de répondre adéquatement aux besoins des prestataires et ce, dans le respect de leurs droits. Ils réclament également que l’évaluation doive porter sur la qualité du service et non sur le volume d’appels traités.