Les diversités: la dragonne Danièle Henkel prône la curiosité et l’ouverture

IMMIGRATION. La «dragonne» Danièle Henkel a conclu sa conférence sur l’immigration en posant une grave question. Pourquoi le gouvernement est prêt à dérouler le tapis rouge pour les réfugiés syriens, mais n’a jamais souhaité la bienvenue à tous ces immigrants qui, comme elle et depuis des années, ont choisi de vivre et de contribuer à l’essor du pays?

Elle a bien précisé qu’elle savait qu’il y a de place au pays pour ces réfugiés. Elle se demande toutefois comment, réellement, le gouvernement pourra, pendant cinq ans, les prendre en charge, soutenir l’intégration de ces gens, de ces enfants. «C’est la fin d’une civilisation quand les gens sont laissés à eux-mêmes.»

Devant une centaine de convives réunis par Accès travail, le Centre local d’emploi, la Corporation de développement économique de Victoriaville et sa région et la Société d’aide au développement des collectivités, la grande dame d’affaires avait été invitée à traiter de l’apport économique de l’immigration pour les PME.

Les représentants d’entreprises n’étaient malheureusement pas nombreux, a remarqué tout haut la conférencière, elle qui mise sur les entrepreneurs pour faire fleurir l’économie québécoise.

Elle leur reproche leur silence. «Ce que je reproche aux gens d’affaires, c’est qu’ils ne parlent pas. Ils ne disent pas à quel point ils sont fiers, touchés, heureux de faire partie de l’économie et de créer des emplois.»

Mme Henkel prédit que dans moins de dix ans, le Québec sera la province qui, au plan économique, s’imposera comme la meilleure en Amérique du Nord. «C’est par nous que ça passera, pas par le gouvernement». Parce que de gouvernement, dit-elle, il n’y en a plus.

Des statistiques troublantes

Danièle Henkel en était à sa troisième visite à Victoriaville en quatre ans, une première fois en 2012 pour traiter de son parcours (bit.ly/1OiCjby) avec Carrefour Québec international, une deuxième fois en 2013, invitée par Spa des Loges et cette fois pour sensibiliser et informer sur la plus-value que peut procurer l’immigration à l’économie des régions.

Elle a précisé que 60% des nouveaux arrivants étaient des gens qualifiés, détenant une formation universitaire… pas toujours reconnue d’ailleurs. Et cela, elle en a elle-même fait les frais, elle qui a été conseillère économique et politique aux États-Unis.

Elle a livré des statistiques troublantes sur le très faible taux de rétention des immigrants au Centre-du-Québec. Selon les plus récentes données (2011), la région n’aurait pu retenir qu’un faible pourcentage de 9,3% des immigrants, comparativement à 21,62% en Estrie, 130% dans les Laurentides et 287% dans Lanaudière.

Respect, diversité, ouverture

La conférencière se montre encore tout feu, tout flamme pour louer les ressources, les talents, les compétences, les beautés que recèle le Québec qu’elle a choisi et qu’elle parcoure avec bonheur depuis un peu plus de trois ans, jusque dans le bois de Matagami.

Elle a parlé de respect et de diversité. Parce que de plus en plus, dans ce contexte de mondialisation, il y a de la diversité, dit-elle. Toutes sortes de diversités et pas que culturelles, a-t-elle ajouté. Il y a celle du genre, de l’âge, de la perception, des talents. Il va falloir abattre les murs de l’incompréhension et des perceptions, a-t-elle dit.

Elle a aussi parlé de la peur. Il y a celle qui paralyse. Et il y a la peur qui permet de prendre une pause pour se poser les bonnes questions. Comme celle de se demander «quel impact on veut avoir sur sa vie et sur sa société». Elle a l’intime conviction que tout peut changer, un individu à la fois.

Dans ce même esprit, il y a des mots que Mme Henkel a bannis de son vocabulaire et des attitudes qu’elle ne tolère pas. Elle a biffé le mot «problème» pour le remplacer par «défi». Et elle en a assez des plaintes… même celles qui sortent de la bouche des nouveaux arrivants. «Si vous avez choisi le Québec, vous allez devoir arrêter d’être des victimes.»

Originaire du Maroc, installée au Québec depuis 1990, Danièle Henkel dit que c’est parce qu’elle est une battante et une guerrière qu’elle a pu faire comprendre sa différence. Et elle a accepté celle de l’autre.

«Si on veut que la région, que la province progresse, il faudra ouvrir nos esprits, nos bras et nos cœurs.»

Elle prône l’abolition des barrières, celles qui divisent le communautaire, les affaires et les fonctionnaires. Elle prône la curiosité d’apprendre de l’autre et de ce qui se fait mieux ailleurs, pour adapter et améliorer ce qui se fait ici.

Elle est repartie avec une ovation debout, des produits locaux, les bons mots d’un homme d’affaires – «Vous êtes bonne pour le Québec!» – et de ceux et de celles qui voulaient sa griffe dans l’un ou l’autre de ses deux ouvrages Quand l’intuition trace la route et Au cœur de mes valeurs.